MUSIQUE

2020, nouvel âge d’or du RnB français ?

©Taipei Zoo
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Si ces dernières années le RnB français semblait à bout de souffle, une toute nouvelle et étincelante génération de chanteuses tend à remettre un genre 2.0 au goût du jour.

Considérés comme deux cousins éloignés, Rap et RnB ont fait de leur aventure intrinsèque une formule gagnante sur la scène musicale. L’explosion du Rap dans les années 90 fut accompagnée d’une série de critiques venant du grand public, notamment quant à la véhémence de ses textes. Le mouvement trouve alors une certaine ouverture d’audimat en intégrant quelques refrains d’artistes RnB qui semblaient alors adoucir certaines lyrics, à l’époque, polémiques.

Plus chantantes, mélodieuses, plus positives paraissent être les proses de Kayna Samet sur Destinée (avec Booba), d’Amel Bent (Rohff) avec Hysteric Love ou d’autres Wallen posant sur Celle qui a dit non avec Shurik’n. Toujours est-il qu’on observe ici la construction d’un win-win tradionnel, la formule de ce qui constituera, la plupart du temps, la certitude d’enregistrer un tube. Bien qu’imbriqués, les deux genres s’ancrent dans une liaison réciproque : le Rap français hisse le RnB sur les podiums de l’audimat, et ce dernier voit sa réputation s’alléger à mesure qu’il s’impose dans des genres plus accessibles à M. Tout-le-monde.

Rohff feat. Assia – Qui est l’exemple, 2001, EMI Music France.

Les années 2000 signent alors le départ d’une success story : celle du RnB à la française. Les projets de Fanny J, Kayna Samet, Leslie ou d’une certaine Kenza Farah constituent de véritables références pour les amateur.ice.s de vibes sans fin. Les artistes féminines RnB s’émancipent peu à peu des simples refrains signés sur les titres hip-hop et envahissent de façon fracassante les programmations hertziennes.

Leslie feat. Amine – Sobri, 2004, Raï’n’B Fever

Une émancipation inégale

Alors comment expliquer son essoufflement, si ce n’est son déclin flagrant à la fin des années 2000 ? Au fil des années, le Rap semble à tel point s’être imposé dans le paysage musical français qu’il est aujourd’hui le genre le plus écouté de l’industrie actuelle. Sur les playlists des grandes plateformes de streaming Spotify ou Deezer, ce sont les artistes hip-hop qui trustent encore et toujours les premières places. Ces derniers semblent notamment s’être quelque peu émancipés des voix féminines mélodieuses qui constituaient auparavant le refrain de leurs hits.

L’imposition du Rap français dans les programmations musicales et l’élargissement de son audimat ont permis une légitimité quasi-officielle leur permettant d’abandonner le souci de s’adoucir pour être bankable. L’explosion de la Trap (sous genre du Rap), magnifiée par le recours à l’autotune semble encourager les artistes hip-hop à se lancer eux-mêmes dans les refrains mélodieux. Alors, à mesure que le Rap s’installait confortablement dans les charts, le RnB, lui, faisait profil bas. Il n’aurait pas su se renouveler suffisamment pour compenser l’émancipation de son partenaire de toujours.

Un RnB 2.0

Tout vient à point à qui sait attendre, dit l’adage. Il semblerait bien qu’une toute nouvelle scène de chanteuses RnB aient trouvé le juste tempo au juste moment. En effet, de nombreuses artistes percent l’écran de fumée installé jusqu’alors en mêlant avec exactitude une créativité planante presque infinie s’emparant des codes actuels du succès.

MarJ – Bouquet (prod. Twinsmatic), 2020

Certaines conquièrent farouchement les codes du Rap tout en s’émancipant de son carcan. Repérée sur le très bien orchestré Atlas de Twinsmatic (ayant notamment collaboré avec des artistes tels que Booba, SCH ou encore Take A Mic), la chanteuse MarJ s’offre une place VIP plus que prometteuse dans l’univers RnB, tout en s’accaparant les prods Trap et l’autotune si chères au Rap. Après avoir balancé Bouquet, titre produit là encore par Twinsmatic, on attend patiemment la suite du travail de la jeune artiste signée sous le label TSC. Avec de fortes influences venant du Hip-Hop, on repère aussi la jeune Oordaya. Avec déjà deux EP au compteur à seulement 19 ans, la jeune toulousaine nous envoûte avec ses flows planants aux sonorités Soul-Trap anglo-saxonnes. Avec Three, son deuxième EP sorti en juin dernier, l’artiste nous dévoile une musique brute, sensible, nébuleuse aux airs d’une Jhené Aiko à la française.

Oordaya – YAYO, 2020, GDHB Events

Du côté de la pop-RnB, c’est un charisme fou qui s’échappe du dernier projet 1000MG de la super badass Jaïa Rose. Le groove et les beats entêtants de ce très joli EP-5 titres n’est qu’un présage du futur lumineux de l’artiste qui a fait une belle entrée sur les plateformes telles que YouTube avec son titre 1000MG particulièrement.

Jaïa Rose – 1000MG, 2020, Mozai / Abatjour records (Pentagon MGMT).

Envie de groove funky rafraîchissante dans cette grisaille automnale ? On ne saurait que trop vous conseiller d’écouter la très solaire Shay Lia. Son dernier projet sorti ce mois-ci (qui s’appelle d’ailleurs Solaris) est un condensé de petites pépites mêlant des mélodies et influences très différentes dans un univers pourtant très cohérent. Mention spéciale aussi à Crystal Murray, franco-américaine, étoile montante de la néo-soul. Sa voix jazzy s’accorde parfaitement aux sonorités quelques fois électros qu’elle entend donner à son art, notamment sur son fameux single Princess.

Shay Lia – Love Me, Love Me Not, 2020
Crystal Murray – Princess, 2019, Because Music

La force de cette nouvelle scène RnB française ? Sa diversité sans fin. Elles sont nombreuses encore : Kiara Jones, Reÿn, Joanna, Jäde, Echantée Julia, SYRA, Ta-Ra, Ursula… Pour ne citer qu’elles. Ces femmes participent à combler un vide, gommer peu à peu les frontières entre les genres mais aussi entre francophonie et langue de Shakespeare. L’existence de cette scène RnB au sein de l’industrie musicale française constitue une bouffée d’air frais et une mine d’étoiles montantes dont on ne saurait que difficilement se lasser.

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