Portrait © Polo Garat/Actes Sud
Le chanteur de Zebda revient en 2020 avec La Part du Sarrasin. Un roman plus dur et plus noir, mais avec toujours le même flow et la même verve littéraire.
En 2016, il nous partageait sa Part de Gaulois : à la fois brut, incisif et doux, il racontait l’année de son bac, ses premiers émois, un grand et beau théâtre de rue offert à nos yeux. Un texte de l’oralité, qui nous emmenait dans son quotidien de jeune mec décalé et singulier, amoureux des mots et des filles.
Nouveau récit et nombreuses vies
Dans La Part du Sarrasin, Magyd Cherfi nous livre une phase et une face plus sombre, où la vie complique les amitiés et fait diverger les chemins. « Le Madge », comme ses amis l’appellent, évoque, de façon toujours romancée, les ébauches de Zebda, leurs répétitions enjouées mais consciencieuses dans des caves humides, son tiraillement entre ses origines algériennes, sa nationalité et sa culture françaises, la politique à l’ère Mitterrand et la montée du Front National.
Ce nouvel épisode croise ses différentes vies en apparence inconciliables : les prémices de Zebda et l’investissement nécessaire pour réussir, les premières tournées payées à la bière, les confrontations entre ses amis d’enfance et ses musiciens. Il évoque également la question identitaire et culturelle qui le déchire, le doux éloignement des amitiés mais aussi le grand amour.
C’est un vrai récit de vie, qui nous lie d’autant plus qu’il nous semble si proche : l’oralité de ses textes reste une marque inaliénable de son style, qui rend le « flow » de lecture facile et nous rapproche aussi de son amour pour la littérature et la musique.
La difficile question de l’intégration
Avec La Part du Sarrasin, il nous raconte aussi et surtout la douloureuse question de l’intégration. Français d’origine algérienne, il évoque les enjeux de l’intégration en France : à la fois tiraillé entre nos origines et nos cultures, la France laisse-t-elle la place à tous ses Français ? Ou a-t-elle trahi les enfants qui l’ont soutenue dans son Histoire ?
Après sa Part de Gaulois, dans laquelle il nous dévoilait la construction de sa culture littéraire, la Part du Sarrasin se révèle plus noire, plus dure et plus ironique : sous couvert d’un récit au ton enlevé, parfois même jovial, nous vivons la cité et sa loi qui a pour seul adage « Dedans ou dehors : aucune adulation quand tu t’en sors ».
C’est un récit sans concession, qui a le mérite de nous faire entrer dans le cœur des cités et de parler sans détour des problématiques d’intégration si actuelles et tellement reniées. Le « flow » de Magyd Cherfi donne au récit une oralité si prenante que nous arrivons au bout du récit, à bout de souffle et changés à jamais.
À quand le triptyque ?
La Part du Sarrasin de Magyd Cherfi, Editions Actes Sud, 22 euros.