Manifestation de Minsk du 30 août 2020. ©Wikimedia commons/Homoatrox
Plus d’un mois après la réélection du président biélorusse Alexandre Loukachenko, le 9 août 2020, ses opposants continuent à manifester pour mettre fin à « la dernière dictature d’Europe ». Le dimanche 13 septembre n’a pas fait exception, et a vu s’affronter les forces de l’ordre et la population biélorusse.
Cette crise est antérieure comme le montre la révolution avortée de 2005 et les révoltes de 2017. Cette année, dès juin des manifestations ont eu lieu contre la corruption de l’État, la répression mais aussi la gestion de la pandémie du coronavirus, que le président n’a pas jugé sérieuse. Plusieurs journalistes et opposants pro-démocratiques ont été arrêtés, notamment son principal rival politique Viktar Babaryka et le blogueur Sergueï Tikhanovski qui avait qualifié le président de « cafard ».
L’élection contestée d’Alexandre Loukachenko à 83 % des voix contre 10 % pour Svetlana Tsikhanovskaïa, met cependant le feu aux poudres. Cette dernière n’est autre que la femme de Viktar Barbaryka, opposant démocrate emprisonné.
Une élection contestée au niveau européen
L’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) n’a reconnu que la première élection d’Alexandre Loukachenko comme libre et équitable. Pour les cinq autres, l’OSCE a été entravé dans sa mission d’observation et soupçonne une fraude dans les bureaux de votes. La dernière en date n’échappe pas à la règle.
La population biélorusse réclame, d’ailleurs, une nouvelle élection démocratique et libre ainsi que le départ d’Alexandre Loukachenko. Alors que son opposante Svetlana Tsikhanovskaïa a dû fuir en Lituanie, le président refuse, actuellement, de quitter son poste.
« Nous avons déjà tenu une élection. Sauf si vous me tuez, il n’y en aura pas d’autre ! »
Alexandre Loukachenko
Ce dernier a par la suite soumis l’idée de voter par referendum une nouvelle constitution avant de mettre en place un nouveau scrutin. Celle-ci n’a pour le moment pas vu le jour et ses contours restent vagues.
Une répression violente du gouvernement
Dès l’annonce des résultats, les premières émeutes s’organisent, sous les couleurs blanche et rouge du drapeau de l’opposition biélorusse. Le président Alexandre Loukachenko, dès les années 1990, avait remplacé ces teintes – symbolisant la fin du joug de l’URSS sur les pays de l’Est – par le vert et le rouge de l’époque soviétique.
Minsk a vu sa population élever des barricades, les fonctionnaires démissionner, les ouvriers se mettre en grève sous les encouragements de la nouvelle égérie médiatique de l’opposition : Svetlana Tikhanovskaïa. Ce mouvement s’est ensuite propagé dans tout le pays, créant un élan national contestataire.
L’Etat biélorusse s’est alors reposé sur les forces de l’ordre et l’armée pour réprimer sa population et procéder à de nombreuses arrestations. Selon Viasna, un groupe de défense des droits de l’Homme, 1 300 personnes ont été arrêtées entre le mois de mai et celui d’août pour avoir manifesté contre le gouvernement en place. Un certain nombre d’entre eux ont déclaré avoir subi des tortures comme des privations d’eau, des brûlures de cigarette, etc.
« On m’a frappé très fort sur la tête (…), mon dos est couvert de bleus après des coups de matraque. »
Témoignage d’un manifestant à l’AFP
La presse a aussi été touché par ce mouvement de répression. Alors que la chaîne publique Belarus se met en grève, les journalistes de l’opposition sont renvoyés. La police arrête également les opposants Sergueï Dilevski et Olga Kovalkova pour l’organisation d’une grève illégale dans l’usine de tracteurs de Minsk.
Une réaction occidentale en faveur d’un régime démocratique
Dès le départ, l’Union européenne s’est positionnée en faveur des réclamations du peuple biélorusse, alors que le président américain a affirmé suivre la situation de près.
« Le peuple du Bélarus a le droit de décider de son avenir et d’élire librement ses dirigeants. Les violences contre les manifestants sont inacceptables et ne peuvent être tolérées. »
Charles Michel, président du Conseil européen
Le 19 août le Conseil européen a annoncé ne pas reconnaître la réélection d’Alexandre Loukachenko ainsi que sa volonté d’imposer des sanctions aux responsables de violences et de fraude en Biélorussie. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a débloqué trois millions d’euros pour les victimes de la répression et pour soutenir les médias indépendants du pays. L’Union a d’ailleurs proposé au président biélorusse une médiation pour réduire les violences policières et apaiser les tensions. Cependant, ce dernier a refusé cette proposition. Le Haut-Commissaire des Nations Unies des Droits de l’Homme a aussi reçu plusieurs documents attestant de l’usage de la torture et de mauvais traitement auprès de la population biélorusse.
Ce pays, coincé entre l’Union européenne et la Russie, continu d’obtenir le soutient muet de Moscou. La poursuite de ces révoltes pourrait changer radicalement le visage de ce pays, considéré comme la dernière « dictature d’Europe. »