CINÉMA

« Voir le jour » – Un service à bout de souffle

© Pyramide Films

Librement inspiré du roman Chambre 2 de Julie Bonnie, le troisième long-métrage de Marion Laine nous plonge dans le quotidien sous tension d’une maternité à Marseille. Le film séduit par l’audace de traitement d’un sujet de société maintes fois évoqué mais peu adapté, et par l’intensité d’une relation mère-fille à toute épreuve.

Huit ans après s’être intéressée à la chirurgie cardiaque dans A cœur ouvert, Marion Laine explore cette fois-ci le train de vie d’un service de maternité, tourné à la fois à l’hôpital de la Timone à Marseille et à celui de Martigues. Le récit se centre autour de Jeanne (Sandrine Bonnaire), auxiliaire de maternité, et mère d’une fille de 18 ans, Zoé (Lucie Fagedet). Suite à la naissance de jumeaux au sein du service, l’un des deux nourrissons perd la vie, et la mère tombe en catatonie. Le passé turbulent de Jeanne refait alors surface et bouscule radicalement son existence, donnant lieu à de nombreux questionnements et l’invitant à raconter son histoire pour mieux renaître.

Du fric pour l’hôpital public

D’entrée de jeu, un plan-séquence démontre l’agitation permanente et l’atmosphère presque suffocante qui règne dans le service de maternité  : les sollicitations à droite à gauche, le grouillement des patients dans les couloirs et le personnel qui, bien que surmené, s’efforce de garder le sourire. C’est précisément autour de ces conditions de travail que tourne la comédie dramatique, dénonçant des pratiques allant de mal en pis. Le choix est habile de la part de la réalisatrice, car bien que les manifestations pour un meilleur système de santé soient de plus en plus nombreuses et le manque d’effectif et de lits de plus en plus décrié, la crise hospitalière n’a été que très peu traitée au cinéma.

En tant que premier rôle, Sandrine Bonnaire incarne son personnage tant professionnel que dans sa vie personnelle de manière magistrale, très réfléchie et mesurée, accompagnée par ses collègues du service, dont Sylvie (Aure Atika), Mélissa (Sarah Stern) ou encore Francesca (Brigitte Roüan), qui chacune étincellent dans leurs rôles respectifs. Ensemble, elles tentent de former une équipe soudée, bien que la précarisation des conditions de travail et la recherche sous-jacente de responsables fragilisent la situation. Le tout encadré par un docteur rigide et cassant, faisant passer le bon fonctionnement du service dans le budget avant le bien-être des sages-femmes et auxiliaires. Assurément, il s’agit d’une chronique sociale réussie.

En recherche d’identité

En parallèle de la vie au jour le jour de la maternité, le deuxième volet nous plonge dans le passé de Jeanne, qui la rattrape au moment du décès de l’un des deux bébés. Car «  non, on ne s’y habitue pas  », ainsi qu’elle le déclare à sa fille. Par la présence de nombreux flashbacks, le spectateur les relie progressivement pour explorer, en même temps que les autres protagonistes, l’adulescence de l’auxiliaire.

Le travail qu’effectue Jeanne sur elle pour se souvenir, en parler et ne pas perturber la relation avec sa fille, donne l’occasion d’atténuer l’indignation ou la colère suscitée par le travail pénible à l’hôpital, créant ainsi une atmosphère onirique et plus intimiste par rapport au caractère collectif du film.

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