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Le mercredi 12 août sortait Light of my life, deuxième long-métrage de Casey Affleck après I’m Still here en 2010.
Light of my life raconte l’histoire de Rag et de son père dans un monde dépouillé de ses femmes. Une peste curieuse, dite « peste féminine », a dévasté toute la population de femmes en quelques mois une dizaine d’années auparavant. Parmi les victimes, la mère de Rag, jouée par Elisabeth Moss, morte alors que la jeune fille n’avait que quelques mois. Immunisée, comme l’a été un très faible nombre de survivantes, Rag grandit seule avec son père dans un univers où l’épidémie a tué l’équilibre fragile du monde et activé les instincts les plus laids et primaires que porte en lui l’être humain. Les institutions se sont effondrées, obligeant les survivants à se ravitailler dans de grandes banques alimentaires. Les quelques femmes restées en vie se cachent ou s’amassent dans des bunkers à cause de ce que leur rareté implique. Plus un enfant n’est né depuis des années et en Californie sont créées les premières jeunes filles de laboratoires.
Le père et sa fille de onze ans vivent en vase clos sous une discipline de fer et une attention de tous les instants, seules garanties de leur survie. Nomades, ils portent leurs quelques biens sur le dos, dormant en tente dans la forêt ou dans des maisons abandonnées, quand elles croisent leur chemin. Les quelques rencontres qu’ils sont forcées à faire, se font sous le déguisement d’un duo père-fils. La féminité est une tare, un danger et une malédiction pour la jeune femme, qui est obligée de se cacher sous une coupe courte et des habits de garçon. La nuit, le père (qui n’est d’ailleurs désigné que par ce terme) raconte des histoires qui reflètent leurs inquiétudes et questionnements, en insufflant par les mots de la magie dans l’enfance de sa fille qui en a été privé. Tous deux savent que leur mode de vie ne pourra durer toujours ; les traits et les formes asexués de l’adolescence laisseront bientôt place à ce qui ne sera plus possible de grimer.

A travers cette histoire, le réalisateur explique sa volonté de montrer l’humanité, en révélant sa beauté et en montrant les réalités qui l’entrave. Casez Affleck cite Le Fils de l’Homme dans une interview, film auquel on pense naturellement en regardant Light of my life, qui porte le même regard désemparé de l’humain devant ce que le désarroi peut créer d’incontrolable et d’effroyable. Dans le film, il parle aussi de la paternité et de la monoparentalité, sujets qui lui sont très personnels. Les scènes sont d’ailleurs entrecroisées de flash-backs, qui dévoilent la vie familial avant que la maladie n’y mette un terme, redonnant un contexte à leur quotidien de commando. Nous suivons alors un père boursoufflé par l’angoisse muette de perdre sa fille et la tristesse du deuil de son amour évanoui. Esseulé dans sa parentalité, il se montre de marbre et de fer pour donner confiance et courage à sa fille.
Le plan séquence d’ouverture de douze minutes pourrait être à lui seul un court-métrage. Il montre les histoires que l’on raconte, qui nourrissent l’enfance et font de nous les adultes que nous sommes. Il montre l’imaginaire et les croyances que l’on fait naître et qui ouvrent ou ferment des portes aussi puissamment qu’un sort donné au-dessus d’un berceau. Le film raconte la recherche de tout parent de protéger et celle de tout enfant d’y arriver et de faire, seul. Light of my life est un film de paysages sombres, humides et non accueillants qui dégage pourtant une chaleur puissante, transpirant du lien qui relie le père et sa fille. Anna Pniowsky, qui joue Rag, incarne le personnage avec un naturel qui ne soulève aucune question ou commentaire, comme c’est le cas du jeu de Casey Affleck, qui reste, encore une fois, un acteur d’exception.