Juan Carlos aux funérailles du Grand Duc du Luxembourg © Gran Ducado de Luxemburgo
Après les divers épisodes qui ont discrédités l’ancien roi Juan Carlos Ier, celui-ci se résout à quitter son pays dans lequel il a imposé la démocratie en un quart de siècle. Cette décision a été motivée par « la conviction de rendre le meilleur service aux Espagnols, à leurs institutions, et à toi en tant que roi », écrit-il dans une lettre adressée à son fils.
L’exil de Juan Carlos montre la méfiance qui animent les Espagnols à l’égard de leurs institutions. Il était reproché d’être déconnecté des réalités de ses concitoyens par les dérives financières qu’il a pu effectuées ainsi que par son train de vie luxueux. Son départ, contraint ou non, ébranle une nouvelle fois la Couronne espagnole mais montre que celle-ci souhaite changer de visage après ces dix dernières années de scandales.
Le père fondateur de la démocratie espagnole
En 1975, Juan Carlos est proclamé roi d’Espagne. Francisco Franco, responsable de centaine de milliers de morts en Espagne entre 1936 et 1975, l’avait désigné comme son successeur. Le jeune Juan Carlos s’est pourtant imposé comme un roi démocratique. Il initie les premières élections libres en 1977 puis une Constitution en 1978 en tenant tête aux nostalgiques de la période franquiste. C’est lui qui s’est positionné contre le coup d’Etat du 23 février 1981 et permet à celui-ci d’avorter par son soutien inconditionnel à la démocratie.
Juan Carlos est devenu le père de la démocratie et le père des Espagnols. Malgré ses infidélités et scandales, il reste celui qu’on nomme affectueusement « le Bourbon ».
Le revers de la médaille
La crise économique instaure la méfiance à l’égard des institutions espagnoles mais c’est à partir de 2012 que tout se bouscule : le roi est victime d’une fracture de la hanche lors d’une chasse à l’éléphant au Botswana. Son train de vie luxueux est alors dévoilé par la presse. Il passe alors de « Juan Carlos, le père de la démocratie espagnole » à celui de « Juan Carlos le dépensier » en pleine crise économique qui affaiblit de nombreux ménages espagnols. Celui qui souhaitait être proche des Espagnols en imposant la démocratie brise son image de « Père des Espagnols » par les diverses affaires de corruption qui font surface.
Ces agissements l’obligent à abdiquer en faveur de son fils en 2014 afin de préserver la Couronne d’Espagne.
Vers une nouvelle monarchie
« J’ai honte des actions de mon ancien roi » nous partage Pilar, jeune infirmière à Madrid. « Ma mère et mes grands-parents apprécient malgré tout le Roi Juan Carlos. Ils ont vécu le franquisme, les difficultés économiques. Ils savent que Juan Carlos a fait du bon boulot de ce côté-là. ». Cependant, cette génération préfèrent « fermer les yeux » sur ses affaires de corruption.
Les jeunes générations n’ayant pas connu les « belles années » de l’ancien souverrain voit en la monarchie quelque chose d’« antidémocratique » comme le souligne Sergio, architecte. « Pour moi, la monarchie c’est une image de faste ». Cette image est d’autant plus fort au moment où le pays traverse des problèmes économiques sans précédent que ce soit par la « crise de la brique », la crise de 2007 ou encore celle du Covid. « Le fait que Juan Carlos fuit, c’est avouer qu’il a trempé dans ces affaires. Je ne peux pas faire confiance en une monarchie qui puisse agir ainsi. »
Toutefois, « Felipe VI reste un roi dans lequel on peut avoir confiance. Il reste fermement opposé aux agissements de son père et de sa soeur. Lui c’est un bon roi. Le fait que son père, qui a entaché l’institution monarchique, fuit permettra à notre roi actuel d’avoir plus de marge de manoeuvre pour faire son propre règne au lieu de réparer les erreurs de sa famille. ». Il est vrai que Felipe VI s’est publiquement opposé à son père ses diverses affaires afin de donner de nouvelles valeurs à la monarchie. Le roi a fui, vive le roi ?