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Ce 22 juin, les cinémas ont réouvert leurs portes. La Bonne épouse retrace la libération de la femme, parallèlement aux manifestations de Mai 68, marquant une rupture avec son rôle de ménagère au sein du foyer.
La Bonne épouse est un long métrage réalisé par Martin Provost qui met en scène au sein d’une école ménagère d’Alsace l’enseignement mené par Paulette Van Der Beck, interprétée par Juliette Binoche, donnant les différents codes à ses élèves pour qu’elles deviennent des femmes dévouées à leur maris, leur foyers, s’oubliant entièrement. Elle est accompagnée de sa belle soeur Gilberte (Yolande Moreau) et de Soeur Marie-Thérèse (Noémie Lvovsky). Ensemble, elles mènent un combat pour sauver l’école, ruinée, parallèlement au combat général de Mai 68, vent de modernité autour de la liberté, et notamment celle de la femme.
Un jeu d’extérieur
Chacune des scènes d’intérieur laisse place à des entractes colorés et fleuris en extérieur dans les jardins de l’école pour donner lieu aux messes basses des étudiantes ou aux rendez-vous amoureux secrets d’André Grunvald (Edouard Baer) et Paulette dans la forêt. Le réalisateur utilise cette métaphore pour mettre en parallèle l’enseignement des filles à devenir des femmes dépendantes et jugulées et la future émancipation de ces dernières.
Martin Provost nous plonge dans une ambiance de feuilleton proposant des zooms sur les visages de chaque personnage. La caméra enchaine les plans fixes, passant d’une émotion à une autre, toutes extrapolées. Nous sommes alors plongés dans un univers particulier entre frustration et exubérance rythmé par un jeu de couleur, au sein d’une ambiance absurde, voire loufoque.
Un habit qui fait le moine
Le film a avant tout une portée féministe. Au fur et à mesure, des questions autour de la femme et de sa sexualité émergent contrastant avec les cours que proposent l’école ménagère. Les filles se questionnent, leur génération semble être celle des premières féministes luttant pour construire leur futur sans qu’il leur soit imposé.
C’est par ses vêtements que Paulette Van Der Beck va, au fur et à mesure du film, s’épanouir. Elle emprunte un accoutrement impeccable, stricte, rose au début du film afin de donner, hypocritement, l’exemple de la bonne épouse lors de ses cours magistraux. Elle passera à la couleur noire à la suite du décès de son mari pour finalement avoir le courage d’acheter et porter un pantalon moulant, symbole de sa volonté intense d’être, enfin, libre. Elle s’ouvrira notamment à son amour passé, un banquier, Monsieur Grunvald, tout en s’éloignant de la justesse de ses cours pour finalement tout remettre en question.
Une folie théâtrale
Martin Provost, au travers de ses scénarios exagérés inscrit le spectateur dans une atmosphère théâtrale et incongrue. Le décès brutal considéré comme anodin du mari de Paulette, Robert Van Der Beck (François Berléand), accentué par les cris de douleur de sa femme ou bien l’évanouissement de Gilberte lors de l’enterrement fait sourire le spectateur. Le personnage de Soeur Marie-Thérèse impitoyable, rigide et masculin, un fusil à la main tirant sur une élève ayant fait le mur, représente à lui tout seul cette folie théâtrale.
Edouard Baer, quant à lui, rythme le film de ses discours poétiques, draguant Paulette, Gilberte, et le spectateur par la même occasion. Inspiré de Roméo et Juliette, Martin Provost le fait escalader un mur pour rejoindre sa bien-aimée dans sa chambre. Il représente le mari moderne convoitant celle dont il est amoureux. Il lui est, presque, passionnément soumis.
La route vers Paris et les manifestations de Mai 68 de la classe de Paulette est le symbole de la voie vers la modernité et la liberté des femmes. Cette rupture sociétale est accentuée par le chant et les danses de Paulette et ses élèves formant une comédie musicale sur la musique de Joe Dassin, Siffler sur la colline.