CINÉMA

« Filles de joie » – Lupanar et féminisme

© Versus production – Les Films du Poisson

Réalisé à quatre mains par les cinéastes belges Anne Paulicevich et Frédéric Fonteyne, Filles de joie narre l’histoire de trois femmes liées par un secret : leur travail de l’autre côté de la frontière. Un film pour célébrer la puissance de l’union et de la solidarité féministe.

Athéna, Circé et Héra, trois femmes aux noms de déesses grecques travaillant pour donner du plaisir à des inconnus dans une maison close en Belgique, là où la prostitution est légale. Quand elles rentrent chez elles, dans le nord de la France, elles redeviennent Axelle, Dominique et Conso. Trois femmes qui luttent pour la survie dans une cité affrontant les difficultés de la vie entre enfants turbulents, familles désunies, hommes absents ou violents et la drogue comme seul réconfort. Alors tous les matins, elles montent dans un monoplace pour tronquer leurs jeans contre des bas nylons. Ensemble, elles sont heureuse, elles rient, elles pleurent et font preuve d’une complicité unique dans toutes les émotions qui les traversent.

Les deux cinéastes posent, sur le quotidien de ces héroïnes, un regard à la fois réaliste et humain. Ils observent avec bienveillance ces battantes, victimes de la domination masculine et sociale sans jamais sombrer dans un misérabilisme gratuit. Anne Paulicevich et Frédéric Fonteyne montrent enfin sans aucun filtres qui sont ces prostituées d’aujourd’hui, ces travailleuses du sexe courageuses, ces femmes du XXIè siècle.

© Versus production – Les Films du Poisson

Incarnées par les brillantes Sara Forestier, Noémie Lvovsky et Annabelle Lengronne, ces filles de joies existent par l’énergie et la sincérité de ces trois actrices qui portent leur personnages d’un bout à l’autre du métrage grâce à une force féministe assez radicale. Quand on a peu à perdre, autant se serrer les coudes entre femmes pour se défendre. Cette sororité particulière donne un ton radical au film même si malheureusement le traitement est parfois légèrement trop pédagogique, comme une manière d’éduquer les spectateurs sur ces questions sociétales.

La structure interne du film est intéressante pour mieux comprendre les trois personnages, épousant en trois parties le regard de chacune, de ces trois vies différentes liées entre elles. Néanmoins, la première scène du film, un meurtre, gâche en partie la narration, insufflant par la suite des airs de thriller menant inutilement à une issue dont le spectateur a déjà connaissance. Filles de joie se perd malencontreusement dans sa construction et n’est sauvé que par ses fascinantes comédiennes et le portrait qu’elles font de ces femmes.

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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