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Claustrophobes, s’abstenir ! Exit, le premier long-métrage du réalisateur danois Rasmus Kloster Bro est une plongée littérale au centre de la Terre.
Il est conseillé aux spectateurs angoissés par les espaces clos de prendre une grande bouffée d’air pendant les cinq premières minutes du film, qui seront les seules pendant lesquelles il sera possible de voir la lumière du jour. Car la suite sera beaucoup moins lumineuse et, donc, beaucoup plus obscure.
Comme son nom l’indique, il va être question d’une sortie dans Exit. Mais comme cela peut s’imaginer, celle-ci se mérite et ne sera pas si simple à trouver pour notre héroïne, Rie. Cette dernière, journaliste, est chargée de faire un reportage sur la coopération européenne. Pour réaliser ce vaste sujet, elle se rend donc dans le chantier pharaonique du métro de Copenghague où travaillent à l’unisson des ouvriers de plusieurs nationalités. Cela aurait pu être sans risques et se dérouler en deux coups de cuillères à pot. Mais voici qu’un terrible accident se produit. La reporter se retrouve bloquée dans un sas de décompression auprès de Bharan et Ivo, deux ouvriers. Ces trois-là devront s’entraider et trouver rapidement une solution afin de se sauver d’un piège qui se referme inexorablement sur eux.
À première vue, Exit pourrait être un énième film catastrophe, comme savent si bien en faire les cinéastes anglo-saxons. Il faut dire que ça a en a tout l’air. Le scénario, les personnages qui se retrouvent dépassés par quelque chose les dépassant, la notion de spectaculaire, etc. Et pourtant, il semble que cela soit un peu plus compliqué. Plus qu’un nouveau blockbuster, Exit est surtout un film éminemment danois. Et même, plus largement, européen. Car oui, ici la nationalité des personnages se superpose à l’idée même de genre. Plutôt que d’évoquer un accident aux conséquences dramatiques, Rasmus Kloster Bro va montrer un condensé de l’Europe. Pour comprendre comment cohabitent les différentes nationalités européennes entre elles à l’heure actuelle, alors il faut regarder Exit. Par moments, le film fait presque penser à un documentaire. Dès que Rie pénètre dans le chantier du métro, elle fait la rencontre de tous un tas de personnages, formant une sorte de melting-pot communautaire et ethnique. Sous la terre, c’est une véritable mosaïque de langages. Et ces différentes cultures, différentes ethnies n’auront de choix que de travailler main dans la main pour se sauver. Et éventuellement sauver une certaine idée de l’Europe, de plus en plus menacée par les nationalismes qui gangrènent un nombre toujours plus croissant de pays.
Rie, la Danoise, doit donc faire équipe avec Bharan l’Érythréen et Ivo le Croate. Tous les trois se retrouvent plongés dans ce qui s’apparente véritablement à une illustration cinématographique de L’Enfer, première partie La Divine Comédie, le chef-d’oeuvre de Dante. Ce n’est pas un hasard. Le réalisateur en parle comme de l’une de ses références directes dans le dossier de presse : « S’inspirant de L’Enfer, première partie de La Divine Comédie de Dante, la descente sous terre doit transcender le cinéma et le corps du public ».Exit est effectivement une véritable expérience cinématographique pour le spectateur, qui demandera de mettre tous les sens en éveil. Au fur et à mesure que l’histoire avance, la sensation d’être pris dans un étau se fait ressentir. Le dernier tiers du film lorgne du côté de l’abstraction avec ces images montrant des corps en fusion sur un fond noir. À partir de ce moment-là, il n’est plus question de figurer quelque chose de rationnel. Le film devient quasiment muet et nous pouvons presque songer à ces installations d’art contemporain que l’on peut voir dans certains musées. Dans sa radicalité, Exit atteint une forme de sublime. Les images, belles et puissantes, hypnotisent littéralement le regard du spectateur qui se retrouve secoué par ce véritable tourbillon artistique et esthétique auquel il vient d’assister depuis plus d’une heure.
Et sur ce gâteau étrange qu’est le film de Rasmus Kloster Bro, il y a une cerise. Cette dernière se nomme Christine Sonderris. Dans le rôle de Rie, sorte de mélange improbable entre une tragédienne et Lara Croft, elle est excellente. Tout comme le film dans sa globalité, sa prestation de journaliste intrépide reste longtemps en tête. Exit, l’un des grands chocs cinématographiques de l’été.