SOCIÉTÉ

Tribune – Conditions de vie, d’études et d’engagement : un enjeu majeur à l’heure des municipales

Parmi les électeurs qui seront appelés à se prononcer partout en France ce dimanche, plus de 2,5 millions d’étudiantes et d’étudiants auront l’occasion de peser sur les municipales. L’opportunité de rappeler que les villes ont un rôle majeur à jouer sur les questions de vie étudiante.

Commencer des études supérieures, c’est bien souvent quitter le foyer familial pour partir à la découverte d’une école ou d’une université qui se trouve à des dizaines, voire des centaines de kilomètres de chez soi. Cette première expérience de mobilité personnelle est rarement la dernière, beaucoup d’étudiant·e·s résidant dans différentes villes au cours de leurs cursus. Pendant ces années, nombreuses sont les personnes qui, via leur établissement et leur ville, découvrent ou confirment leur engagement en créant ou rejoignant des associations œuvrant dans des domaines variés. Du club sportif à l’association d’accueil d’étudiants et étudiantes internationaux, en passant par la création de lieux de rencontres, de médias locaux, ces nouveaux-venus ont un impact fort sur les villes, ne s’arrêtant pas au périmètre de l’école ou de l’université dans laquelle ils et elles sont inscrits.

Le confinement et la crise sanitaire liée au COVID-19 n’ont fait qu’accélérer l’importance des villes dans les parcours de vie et d’études. Il semble que de nombreuses universités et écoles maintiendront les cours à distance pendant plusieurs mois, avant peut-être de les pérenniser. Accueil, lieux de socialisation, logement  : les villes devront peut-être assurer ce que les établissements ne seront pas en mesure d’offrir. Épiceries solidaires, solidarité entre les différentes composantes d’universités, les exemples de bon, comme de moins bon, ont afflué pendant la période de confinement.

L’effet positif de l’engagement dans un collectif, dans une association ou pour une cause personnelle, sur les individus, a été largement démontré. Les établissements d’enseignement supérieur sont d’ailleurs tenus depuis quelques années de proposer des mesures pour accompagner et promouvoir l’engagement de leurs étudiantes et étudiants. Cela est tout d’abord passé par la généralisation de l’année de césure, en 2015.

Depuis 2017, les étudiant·e·s peuvent désormais valider des compétences, connaissances et aptitudes acquises à l’occasion d’un engagement bénévole, mais aussi bénéficier d’aménagements à la scolarité lors qu’ils·elles occupent des postes à responsabilité dans une association. Le fait associatif étudiant dispose de nombreuses spécificités. Parmi elles, un fort renouvellement des instances dirigeantes, qui peut sembler être un frein à la construction de partenariats et de projets de long terme. Mais accompagnées, outillées, formées, ces organisations n’en ressortent que plus fortes, et c’est tout le travail qu’Animafac (réseau d’associations étudiantes) mène depuis bientôt vingt-cinq ans.

Néanmoins, s’engager lorsque l’on est étudiant suppose que l’on bénéficie de conditions de vie et d’étude satisfaisantes, ce qui n’est pas toujours le cas, notamment lorsque l’on doit exercer une activité rémunérée en parallèle. La précarité étant l’un des facteurs de dégradation de la santé mentale, les jeunes, public particulièrement vulnérable à ces problématiques, sont d’autant plus exposés lorsqu’ils doivent conjuguer emploi alimentaire et assiduité en cours.

Soutenir l’engagement étudiant passe donc par l’amélioration du quotidien des étudiant·e·s, en soutenant les initiatives leur permettant de trouver un logement, de s’équiper convenablement, d’accéder aux soins ou à une alimentation saine. Ainsi, bien que la vie étudiante ne soit pas une compétence municipale, les villes doivent s’emparer de ce sujet trop souvent délaissé dans les campagnes électorales. Dans l’intérêt des étudiant·e·s bien sûr, mais aussi dans celui des villes elles-mêmes, qui ont là une opportunité de gagner en attractivité, en dynamisme et en visibilité. 

La présence d’étudiant·e·s au sein de la ville engendre de fait une vie étudiante active, qui se trouve renforcée lorsque les dispositifs portés par les municipalités sont en sa faveur.  Des exemples existent sur l’ensemble des territoires, parfois depuis de très nombreuses années, grâce à des politiques publiques pionnières et volontaristes ou par des initiatives collectives. Évoquons notamment la mise en place d’équipements spécifiques, comme les maisons des initiatives étudiantes ou maisons des étudiants, situées au cœur des villes et pensées pour accueillir les projets étudiants : mise à disposition d’un siège social pour la création d’une association, possibilité de réserver des espaces de réunion, de disposer d’un bureau ou encore d’occuper le lieu pour organiser un événement. Mais aussi la création et le soutien de tiers-lieux offrant aux projets des étudiantes et étudiants un espace d’expérimentation. Là où les établissements ont rarement la possibilité de penser et de créer en dehors d’eux-mêmes des espaces de rencontre, les villes tiennent un rôle de lien entre les étudiants et l’ensemble des habitants.

Il ne s’agit pas seulement de ce que les municipalités peuvent bâtir pour les étudiantes et les étudiants, mais aussi de la place et de la confiance que les villes peuvent accorder à ces initiatives.

Les associations étudiantes sont porteuses d’innovations. Pour en bénéficier, encore faut-il savoir les identifier, pouvoir les écouter et proposer les conditions nécessaires à leur épanouissement. Cela ne pourra se faire qu’en plaçant au cœur des politiques publiques les conditions de vie, d’étude et d’engagement des jeunes.

Baptiste Thevelein, président d’Animafac, le réseau des associations étudiantes.


Information  : Inspira, association éditrice de Maze.fr, est membre du conseil d’administration d’Animafac. Baptiste Thevelein, est également cofondateur et directeur de la publication de Maze.fr.

Co-fondateur, directeur de la publication de Maze.fr. Président d'Animafac, le réseau national des associations étudiantes. Je n'occupe plus de rôle opérationnel au sein de la rédaction de Maze.fr depuis septembre 2018.

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