ART

« Esprit, es-tu là ? Les peintres et les voix de l’au-delà » au Musée Maillol

Le musée de la rue Grenelle nous invite pour cette rentrée culturelle post-Coronavirus à découvrir des œuvres à l’aura mystique et paranormale, nées sous la dictée des esprits. Sortez la table de Ouija, suivez votre pendule, invoquez les fantômes et plongez au cœur du spiritisme du XXème.
Le musée de la rue Grenelle nous invite pour cette rentrée culturelle post-Coronavirus à découvrir des œuvres à l’aura mystique et paranormale, nées sous la dictée des esprits. Sortez la table de Ouija, suivez votre pendule, invoquez les fantômes et plongez au cœur du spiritisme du XXème.

Le musée de la rue Grenelle nous invite pour cette rentrée culturelle post-Coronavirus à découvrir des œuvres à l’aura mystique et paranormale, nées sous la dictée des esprits. Sortez la table de Ouija, suivez votre pendule, invoquez les fantômes et plongez au cœur du spiritisme du XXème. 

Le musée Maillol, en collaboration avec le LaM – Lille Métropole Musée d’Art Moderne, d’Art Contemporain et d’Art Brut – , met à l’honneur des artistes emblématiques de la méconnue création « automatique », c’est-à-dire inconsciente et involontaire. Augustin Lesage, Victor Simon et Fleury-Joseph Crépin sont tous trois issus du milieu populaire du Nord-Pas-De-Calais et ont chacun été sollicité par une voix provenant des abysses de l’Au-delà pour créer des tableaux singuliers.

« Un jour tu seras peintre »

Propos tenus par une voix à Augustin Lesage. La voix a résonné des tréfonds de la mine où il travaillait depuis ses 14 ans. Rapportés sur l’œuvre «  Portrait debout  » de Frédéric Logez

De cette sollicitation des ancêtres naît ainsi leur vocation inattendue de peintre, de guérisseur mais aussi de contact intime avec les défunts. Leurs toiles magiques constituent dès lors des intermédiaires entre le monde des Morts et des Vivants, voire une clef de lecture pour comprendre les énigmes métaphysiques et philosophiques à l’origine de l’univers qui nous entoure.

«  Mes œuvres portent dans leurs flancs un symbole qu’on pourra déchiffrer, on comprendra l’énigme de ce travail, un jour viendra où on les rassemblera et on pourra leur donner une grande portée. »

Propos d’Augustin Lesage

Le contexte de l’époque est alors caractérisé par une fascination grandissante pour l’ésotérisme, que souligne la musique d’ambiance de l’exposition, composée de grincements étranges et de chuchotements d’outre-tombe. Entrer en contact avec ce que Victor Hugo appelle « les invisibles » lors de séances de spiritisme est ainsi prisé dès le XIXe siècle par les médiums, les sociétés savantes de science parapsychologique.

Cet engouement à questionner ce qui dépasse l’Être trouve écho dans des disciplines naissantes comme la psychanalyse et l’archéologie. Les découvertes datées de l’Égypte antique, comme le tombeau de Toutankhamon en 1922, amènent de fait à questionner le rapport au monde des Anciens depuis ce que l’on pense être des temps immémoriaux. Les contes et légendes folkloriques, les revenants qui errent dans les premières maisons hantées interrogent de plus en plus. L’occulte devient dans ce cadre un sujet d’étude privilégié (analyse d’apparitions spectrales sur des photographies) et de fascination (mouvement du surréalisme, Art Brut, publication de L’Art Magique d’André Breton).

Crédits : «  La toile judéochrétienne  » de Victor Simon, 1937. LaM Villeneuve d’Ascq 
© Nicolas Dewitte / LaM

Aussi, le visiteur est amené à admirer au gré des salles, le goût de Lesage pour la période pharaonique, qui transparaît dans ces représentations de mobilier funéraire royal (statue de sphinx et sarcophage orné) et la figure récurrente de la reine Puabi. Ces artefacts habitent des mausolées labyrinthiques et étagés, qu’il réalise selon ses dires, guidé par Apollonius de Tyane et Léonard de Vinci.

Crédits : « Néfertiti  » d’Augustin Lesage, 1952. LaM, Villeneuve d’Ascq © Philip Bernard, © Adagp, Paris, 2020. 

Victor Simon, fondateur de la revue Forces Spirituelles, mêle quant à lui sacré et païen dans des mandalas hypnotiques qui évoquent l’art byzantin et les motifs de tapis persans. Il donne à voir des peintures allégoriques où s’enchevêtrent principe féminin et masculin, végétal et animal, Bouddha et Christ. Ces architectures kaléidoscopiques, tout droit sorties d’un rêve, offrent des perspectives vertigineuses pour figurer les trois dimensions de l’esprit (astral, causal et mental). 

Crédits : « La Toile Bleue  » de Victor Simon, 1943-1944. LaM, Villeneuve d’Ascq. © Philip Bernard 

Le musicien Crépin, pratiquant la radiesthésie et concepteur d’un mystérieux alphabet, se voit quant à lui doté d’une mission divine : réaliser 300 tableaux pour mettre fin à la Première Guerre Mondiale. Il créé ainsi sur des morceaux de partition de petits symboles-amulettes, des grigris géométriques aux milles couleurs. Mais aussi des « tableaux merveilleux”, où se dressent des temples asiatiques rehaussés par des points en relief.

Crédits : « Le temple des fantômes » / Tableau 77 de Fleury-Joseph Crépin, 1940. LaM, Villeneuve d’Ascq. © N. Dewitte / LaM

« Esprit, es-tu là ? Les peintres et les voix de l’au-delà » rend pour finir hommage à la dernière exposition qui a réunit ces artistes, organisée par l’Unité Spirite Française à la galerie Lefranc en 1946. L’accrochage y est reproduit, nous faisant découvrir davantage d’œuvres hallucinantes, mises en parallèle de panneaux peints traditionnels népalais. La valeur hautement religieuse de ces supports se matérialise dans leur rôle d’aide à l’ascension spirituelle, pour atteindre l’illumination, qui rappellent la vocation des œuvres des peintres médiumniques.

On est agréablement surpris de voir la grande postérité oubliée de la création “automatique”, en découvrant des artistes spirites dessinant dans leur sommeil, lors d’une crise de somnambulisme, ou encore sans même s’en rendre compte. Tout comme de découvrir que cette sphère artistique atypique a été investi par nombre d’artistes femmes, tels le collectif « De Fem  » (Les Cinq) et la fabuleuse artiste Madge Hill, qui nous éblouit avec ces foules féminines inquiétantes griffonnées à l’encre de Chine.

« C’est de l’art de l’Au-delà, ça ne vient pas de moi. Je ne suis que la main qui exécute et non l’esprit qui conçoit”

Propos d’Augustin Lesage. Rapportés sur l’œuvre «  Portrait debout  » de Frédéric Logez.

La muséographie sobre de « Esprit, es-tu là ? Les peintres et les voix de l’au-delà » met en exergue la vivacité et la richesse d’œuvres presque psychédéliques, marquantes par ce et ceux qui les ont amenées à exister. Le musée Maillol fait un carton plein en mettant en lumière un pan artistique peu examiné et estimé à sa juste valeur aujourd’hui. À conseiller à tous les amoureux de l’occulte, du paranormal et évidemment de peinture. Qui, même masqués, sauront largement apprécier l’expérience.

Bande-annonce de « Esprit, es-tu là ? Les peintres et les voix de l’au-delà » réalisée par Olam Production pour l’exposition.

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