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Le film musical Technoboss sort sur les différentes plateformes VOD. Un film traitant des thèmes de la vieillesse, de la solitude et de l’amour, rythmés par les chansons du protagoniste, interprété par l’acteur portugais Miguel Lobo Antunes.
Entre la comédie musicale et la comédie romantique, Technoboss, sixième film du réalisateur portugais João Nicolau raconte l’histoire de Luís Rovisco (Miguel Lobo Antunes), un directeur des ventes, proche de la retraite. Les chansons qu’il invente dans sa voiture représentent une sorte d’introspection pour faire face à ses problèmes quotidiens, notamment sa solitude et les retrouvailles avec Lucinda, la réceptionniste de l’hôtel Almadrava (Luísa Cruz).
La route en chansons
L’introduction du long métrage est lente et silencieuse mettant en scène la solitude du protagoniste. Le film est rythmé par sa routine : ses allers-retours entre sa maison et les lieux dans lesquels il travaille. C’est alors que le temps de route est comblé par les chansons qu’il invente. Chacune d’entres-elles tente de répondre aux aléas de son quotidien et notamment au sein de son travail.

Le film semble prendre alors le rôle d’une comédie musicale nous éloignant du concret. Le spectateur ne sait plus s’il se trouve dans les pensées de Luís ou dans la pure réalité, cela étant dû aux comportements parfois étonnants voire absurdes du protagoniste. Il chante en public mettant en scène ses problèmes personnels, imite une mouette dans sa chambre d’hôtel, danse en transe ou hurle à la mort.
Ce sont aussi les décors et l’esthétique globale du film qui nous installent au sein d’une comédie musicale : les paysages sur la route sont des dessins. La rythmique du film est accentuée par les coups de téléphone que reçoit Luís ou ses appels, toujours la même sonnerie, il décroche sans même l’existence d’un portable, il parle à son interlocuteur comme s’il se parlait à lui même.
Les personnages qui l’entourent nous semblent, par moments, être le fruit de son imagination : un groupe de musique gothique se retrouve dans sa voiture, ou dans sa chambre d’hôtel sans mots mais en chantant. Peter Vale, le patron de l’entreprise de Luís, Segur Vale, est omniprésent par sa voix, ses appels ou son entretien à Séville avec Luís, cependant, on ne le verra jamais. Il est représenté comme une voix off. Il semblerait qu’il ait une emprise sur Luís, se plaçant entre l’ami de ce dernier et un homme assez manipulateur.
Le combat contre la vieillesse
Le thème principal de Technoboss est bien évidemment la lutte contre la fuite du temps. Le spectateur est confronté à la prise de conscience de cette homme face à l’approche de sa retraite et du vide de sa vie. La routine du film ramène toujours Luís chez lui, attendu seulement par son chat : Napoléon. Ses repas sont silencieux et solitaires mais sans tristesse. Ce sont ses chansons qui dévoilent ses pensées profondes, Luís est effrayé par la retraite après ses trente-sept ans de carrière au sein de Segur Vale.

Il tente de prouver qu’il est encore capable de garder sa place notamment par son talent commercial et sa hargne de vivre mais les critiques de ses collègues, plus efficaces, le ramèneront à la réalité. Les réparations qu’il se devra d’entreprendre au sein de l’hôtel Almadrava et sa confrontation avec son ex-amoureuse Lucinda, le fatigueront à cause de son âge. Le spectateur est tenu en haleine devant le combat acharné de cet homme, énervé et dont l’obstination est représentée par les allers-retours incessants entre son travail qu’il voudrait assumer pleinement et sa maison qui est son refuge.
Cet épuisement moral et ses échecs professionnels et personnels sont symbolisés par sa douleur lancinante au genoux, qui le freinera jusqu’à l’immobiliser complètement. Mais, une chute comme délivrance met fin à ses tourments, en voie vers une vie différente mais heureuse.
Une histoire d’amour
Tout au long du long métrage, on ne sait rien du passé amoureux de Luís et Lucinda. La relation des deux protagonistes passe au second plan, derrière son obsession professionnelle. Lucinda l’ignore, le repousse ou l’espionne via les caméras de surveillance de son hôtel.
La rencontre entre les deux personnages se fait dans l’énervement, ils se fixent, le visage grave et les yeux de la colère. Au fur et à mesure du film Lucinda garde sa fierté alors que Luís tente de se faire pardonner, on ne sait pas de quoi mais par le biais du travail qu’il entreprend au sein de l’hôtel, il séduit et tente d’impressionner son aimée.
Influencé par la lecture de son livre Maigret et la nuit du carrefour de Georges Simenon, en béquilles à cause de sa chute salvatrice, en pleine nuit, il ira retrouver sa bien aimée à l’angle d’un carrefour. Encore une fois, le spectateur au même titre que Luís, est perdu entre ses rêves et la réalité de sa vie.

L’intrigue inexistante et la lenteur de l’introduction sont mises en contraste avec les thèmes psychologiques abordés autour d’une ambiance musicale qui prennent et surprennent le spectateur. João Nicolau intéresse son lecteur par l’histoire d’amour sous jacente qu’il décrit et surtout par la confusion entre l’imaginaire de la vie intérieure de Luís et la réalité qui le confronte au temps qui passe et à sa déchéance face à la modernité du monde du travail.