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(Re)Voir – « Dirty Dancing », film engagé

Crédits : Splendor Films/ Allô Ciné

Crédits : Splendor Films

Consacré « film de gonzesses » ultime par une culture mainstream sexiste, Dirty Dancing sera diffusé ce dimanche 10 mai sur TF1. Sorti en 1987, il est souvent résumé à Patrick Swayze portant Jennifer Grey sur fond de Time Of My Life. Cependant, c’est bel et bien une toile de fond politique qui a permis à cette romance d’en faire un succès générationnel.

Situé peu de temps avant l’assassinat de Kennedy (1963), Dirty Dancing raconte l’histoire d’amour entre Bébé, la cadette des riches et guindés Houseman, et Johnny, le danseur rebelle gigolo à mi-temps. L’un est très talentueux et se bat pour devenir un grand danseur malgré le mépris de classe auquel il fait face. L’autre est une fille-à-papa qui ne sait pas danser mais qui souhaite toujours améliorer les choses et aider ceux qui en ont besoin. Grâce à la danse, ils vont s’apprivoiser : Bébé va gagner en indépendance et en force, Johnny va révéler sa fragilité et son courage.

« L’homme est un loup pour l’homme … et surtout pour la femme »

Cette histoire d’amour, aussi iconique que celle de Ross et Rachel, part d’un avortement clandestin. La magnifique danseuse Penny tombe enceinte de Robbie, serveur opportuniste aux cheveux gominés qui la laisse tomber sans scrupule. Problème ? Si Penny se fait avorter par le médecin de passage, elle rate une représentation de danse cruciale qui risquerait de lui faire perdre son emploi. Sans l’ombre d’un doute, Bébé va proposer son aide à celle qu’elle admire.

Crédits : Splendor Films/Allô Ciné

C’est donc un lien de sororité qui s’établit entre elles. Sans la connaître, Bébé prête à Penny l’argent nécessaire pour l’opération et va la remplacer lors du gala au théâtre Sheldrake. Lorsqu’elle se trouve entre la vie et la mort, c’est encore Bébé qui va chercher son père médecin pour la sauver. Si le jugement moral à l’égard de l’avortement se fait sous-jacent, celui-ci est tout de même abordé de façon crue et la solidarité qui s’en dégage participe à le dédiaboliser sans pour autant heurter la conscience puritaine américaine.

Comme le dit Neil (Gilles en VF) à Bébé : « l’homme est un loup pour l’homme … et surtout pour la femme ». En effet, Robbie dénigre Lisa la sœur aînée, il a abandonné Penny, Jack Houseman insulte sa fille de pute, etc. Pour autant, ces dernières ne se laissent pas faire et agissent selon leur propre volonté. Lisa assume vouloir coucher avec Robbie juste pour l’acte et non par amour, Bébé avoue à son père qu’il l’a déçue, Penny refuse de sacrifier sa carrière à cause d’un homme manipulateur.

Égratigner le héros

Et Johnny dans tout ça ? Derrière ses allures de bad boy à lunettes de soleil et perfecto en cuir se cache un homme fragile et sensible qui ferait tout pour aider ceux qu’il aime. Il découvre sa valeur grâce à l’amour que lui porte Bébé mais aussi grâce au courage qu’elle manifeste lorsqu’elle se bat pour ses principes. Alors accusé à tort de tous les maux – à la fois tenu pour responsable de l’avortement de Penny et d’un vol de porte-feuille – il refuse un tel procès d’intentions et revient à la pension Kellerman pour exécuter la dernière danse de la saison. Ainsi, il décide de briser l’image négative qui lui été imposée.

Crédits : Splendor Films/Allô Ciné

Evidemment, c’est la danse qui fait le sel de l’intrigue. C’est aussi la danse qui incarne la frontière entre les riches pensionnaires et le personnel issu d’un milieu pauvre. Inspirée d’une expérience vécue par la scénariste Eleanor Bergstein, la danse lascive pratiquée par les jeunes du début des années 60 illustre le fossé générationnel et culturel qui se creuse entre les baby-boomers et leurs parents. C’est également cette danse que le personnel de la pension Kellerman effectue dans leur bengalow. Elle rapproche les corps, les genres et les ethnies. Chacun se retrouve emporté dans cette espèce de grande fête électrisante qui dénote de la valse et du mambo exécutés mécaniquement par les riches américains vieillissants de l’hôtel.

Happy End oblige, les frontières sociales finissent pas s’effacer lors du numéro final où tout le monde se met à la dirty dance : deux grands-mères dansent ensemble, Penny s’amuse avec Jack Houseman, les membres du personnel partagent leur savoir avec les pensionnaires. Bref, nous restons gentiment dans le contexte d’une romance américaine.

Si certains sujets politiques servent à contextualiser l’histoire d’amour centrale, Dirty Dancing est avant tout un feel good movie, un film romantique dégoulinant de bons sentiments. Le genre de long métrage qui fait sourire sans trop réfléchir. Les décors et les costumes sont beaux, les musiques sont entraînantes, certaines scènes font même rire. S’il n’y a pas de violence apparente, celle-ci est tout de même présente : dans le mépris de classe, dans les épreuves que traversent Johnny et Penny. Certes, Dirty Dancing est un film à l’eau de rose, mais pas que.

Etudiante en master de journalisme culturel à la Sorbonne Nouvelle, amoureuse inconditionnelle de la littérature post-XVIIIè, du rock psychédélique et de la peinture américaine. Intello le jour, féministe la nuit.

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