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Marie-Antoinette, une influenceuse des temps modernes

© Kirsten Dunst et Rose Byrne dans Marie-Antoinette de Sofia Coppola – Pathé, 2006

Sans Marie-Antoinette nous n’aurions pas de frites… Encore aujourd’hui, l’aura de femme libre que l’on alloue à Marie-Antoinette, fascine. On la qualifie de femme moderne, alors que sa vie même s’acheva il y a maintenant plus de 200 ans. Comment son image de reine française, à travers artifices costumiers et communication stratégique, a-t-elle permis de faire d’elle l’influenceuse la plus importante du XVIIIe siècle ?

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Marie-Antoinette par Elisabeth Louise Vigée Le Brun, 1783 © collections.chateaudeversailles.fr

Véritable icône de la mode, sensible à la nature, l’amitié, la famille et l’amour, son image à la cour est construite notamment à travers les portraits d’Elisabeth Vigée Le Brun. C’est probablement sous ses coups de pinceaux que vous vous figurez la reine. Voyez plutôt Le portrait à la rose de 1783. De nos jours, ce tableau n’a plus rien de scandaleux. A l’époque il fit rage : la reine, femme des femmes, élite sociale et politique, s’y tient de façon si décontractée – par opposition aux coutumes, que l’on prend cela pour une insulte à l’étiquette (cérémonial et usage dans une cour).

Celle qui se fait confectionner aux alentours de 170 robes à l’année, y trouve la place centrale de ses dépenses. Cela semble bien coquet, pourtant c’est l’une des seules obligations  — la prestance et l’apparence, que Sa Majesté supporte dans l’étiquette royale. Venue d’Autriche, elle a beau descendre de la lignée royale, elle est habituée à bien plus de laxisme. Alors, arrivant à Paris à 15 ans, elle n’a pas le choix que de s’accoutumer à la bienséance de la cour. Ayant d’entrée les rages du peuple à évincer, elle se réfugie dans l’esthétisme. Non pas qu’elle ait été imbue de son image, mais elle accorde beaucoup de temps à la mode et ses accoutrements.

Il était devenu de son devoir de faire et défaire les modes. Et on peut dire qu’elle avait un véritable don pour lancer des tendances.  À travers elle, la coiffure prit des dimensions inespérées. A l’occasion de grandes réceptions, elle était capable de débourser plus de 50 000 livres de l’époque — l’équivalent de 65 000 euros — pour une unique coiffe. A ce prix là, les perruques et leurs artifices pouvaient mesurer jusqu’à plus d’un mètre de haut, contraignant les demoiselles se rendant à leur festivités en carrosse, à s’y agenouiller tout le long du trajet. Nécessitant souvent plus d’une journée à se faire coiffer, ces dames prévoyaient leur mise en beauté parfois trois jours à l’avance. Cela implique non seulement qu’elles dorment assises, mais surtout qu’elles soient conditionnées à transporter des charges colossales sur leurs cervicales. En effet, tout cet apparat pèse aux alentours des cinq kilogrammes, et demande un port de tête impeccable, afin de ne pas risquer l’écroulement de l’œuvre capillaire.

Seuls les individus issus de la noblesse de premier rang sont tolérés à la Cour de Versailles. Marie-Antoinette, archiduchesse Autrichienne devenue reine de France par son mariage à Louis XVI, révolutionne en quelque sorte les habitudes, en faisant pénétrer dans ses appartements privés, ceux dont le devoir est de l’apprêter. Ainsi, parfumeur, coiffeur, couturière et bien d’autres, se retrouvent au plus près de celle qui trouve en l’art de l’apparence, un échappatoire à la vie royale.

Léonard, créateur de génie

Grâce aux créations de Léonard Autier son coiffeur de grandes cérémonies, la Reine fait et défait les modes capillaires et générales à travers l’Europe, comme sa mère Marie-Thérèse d’Autriche aimait à dire « c’est à la souveraine de donner le ton ». Rien n’est trop extravagant, assez farfelu, il faut toujours trouver plus extraordinaire. C’est ainsi que coiffeurs et couturières se retrouvent à monter sur des échafaudages pour arranger les œuvres de gaz sur lesquelles on dispose toutes sortes d’objets invraisemblables : les premières panières de fruits laissent rapidement place à des jardins fleuris qui à leur tour sont démodés par les signes du zodiac , puis de véritables oiseaux exotiques se font détrôner par des petites scènes de théâtre, et ainsi de suite. On est à l’apogée du kitsch, mais c’est justement là que se joue toute la séduction.

Et puis, bien plus qu’un accessoire esthétique et social, témoin aujourd’hui de la démesure au sein de la Cour royale, ces perruques se révèlent de merveilleux éléments publicitaires et politiques.

La révolution des pommes sous terre

Durant les années 1785 , faisant face à une grande pauvreté dans l’ensemble du royaume, résultant en un cas critique de famine, le Roi Louis XVI entreprend de populariser la pomme de terre, — produit alors défendu par l’Eglise considérant qu’il s’agit du fruit du diable puisqu’il pousse sous terre. Madame la reine va donc faire arborer l’une de ses perruques de fleurs de pommes de terre de Parmentier, que Léonard prend le soin de coiffer admirablement. C’est ainsi que le féculent devient comestible et toléré en France. Quand on pense qu’il s’agit du légume le plus consommé pendant les siècles succédant cette anecdote, on se dit que finalement le changement ne tient vraiment qu’à un cheveux !

Sachant que la femme du roi ne possédait pas qu’un coiffeur (Léonard Autier), mais également une ministre de la mode (Rose Bertin), ainsi qu’un parfumeur (Jean Louis Fargeon), ou encore des couturières et des modistes en tous genres, on vous laisse imaginer l’influence qu’ont pu avoir ses autres folies d’apparat  !  

Finalement  « ses aspects désinvoltes séduisent, ils font de la Reine une icône populaire » d’après Antoine de Baecque (historien). Il relève d’ailleurs que l’on construit aujourd’hui encore, deux images totalement antagoniques de Marie-Antoinette : d’une part la Sainte, martyr, faisant face à la tragédie révolutionnaire, qui aime tendrement ses enfants à qui elle écrit dans sa cellule une lettre d’adieu brave et courageuse. De l’autre, la reine détestée, étrangère, traîtresse et lubrique, qui aurait un jour dit à son peuple de manger de la brioche, s’il y avait pénurie de pain (affirmation catégoriquement fausse, strictement démentie par tous les historiens).

Étonnamment, il y a une certaine tendance à ces deux images : la première est celle que semble refléter la reine à l’international, et la seconde s’approche plutôt de l’interprétation française de l’histoire.

Pour aller plus loin, découvrez la séquence de l’émission “Visites Privées” présentée par Stéphane Bern au sujet de l’énigme Léonard, “coiffeur aux mille mains” disponible sur Dailymotion.

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