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Pas encore sortie de la crise sanitaire, la Chine reprend déjà les projets qu’elle a du laisser en suspend. Malgré les manifestations de l’année dernière, Pékin planche sur une nouvelle loi pour renforcer sa main mise sur Hong Kong. Elle interdirait « la trahison, la sécession, la sédition » et la « subversion », rapprochant l’ancienne colonie libérale du régime communiste chinois.
Une nouvelle tentative de contrôle
Le Parlement chinois a annoncé jeudi 21 mai se saisir d’une loi sur la « protection de la sécurité nationale » à Hong Kong. Elle sera étudiée lors de la session annuelle de l’Assemblée nationale populaire, constituée en majorité par le parti communiste, qui débute cette semaine à Pékin.
Le projet n’est pas nouveau : le pouvoir chinois a depuis longtemps comme objectif de faire adopter une loi antisubversion sur le territoire. C’est l’article 23 de la Loi fondamentale, sorte de Constitution, qui prévoit que Hong Kong se dote d’une loi interdisant « la trahison, la sécession, la sédition [et] la subversion ». C’est le pouvoir hongkongais qui est censé la mettre en place, mais chaque tentative échoue.
Déjà en 2003, ce projet de loi avait provoqué des manifestations massives à Hong Kong. Ces derniers y voient une menace pour leurs libertés individuelles, inconnues des chinois. Carrie Lam, cheffe de l’exécutif hongkongais et pro-chinoise, a déclaré le lendemain être prête à « coopérer pleinement » avec Pékin.
[DÉCRYPTAGE] – Que se passe-t-il à Hong Kong ?
« Un pays, deux systèmes »
Le territoire de Hong Kong se trouve dans une situation particulière : c’est une région administrative spéciale. Ancienne colonie britannique, le territoire est rétrocédé à la Chine en 1997. Hong Kong obéit au principe « un pays, deux systèmes », qui lui permet de conserver le pluralisme, la liberté d’expression et le libéralisme économique pendant 50 ans.
Ce fonctionnement tranche avec le régime de la Chine continentale, controlée par le Parti communiste qui réduit chaque jour les libertés individuelles de son peuple. Ce deuxième système, libéral et propre à Hong Kong, est en total contradiction avec la Chine, où les manifestations et la liberté de la presse notamment, sont considérées comme des entraves au régime. Mais en mettant cette nouvelle législation en oeuvre, c’est un pan entier du libéralisme hongkongais qui disparaitrait. Les dirigeants la justifient en la présentant comme une réponse aux manifestations parfois violentes de l’année dernière en assurant toute fois qu’elle « n’affecterait pas les droits et libertés légitimes dont jouissent les habitants de Hong Kong ».
« L’émergence de divers incidents impliquant des explosifs et des armes à feu pose le risque du terrorisme »
Carrie Lam
Le pouvoir chinois estime que cette législation doterait Hong Kong de l’outillage juridique nécessaire pour limiter les contestations. Une volonté à peine dissimulée de rapprocher le fonctionnement de Hong Kong du régime communiste chinois.
La Chine a-t’elle du soucis à se faire ?
L’initiative chinoise, même si elle n’est pas inédite dans le fond, est jugée comme « la plus brutale depuis la rétrocessions de 1997 ». Elle risque d’avoir de fâcheuses conséquences sur le plan national comme international. Des appels à se rassembler dans les rues de Hong Kong ont déjà fleuris sur les réseaux sociaux jeudi soir. Cela n’est pas sans rappeler les manifestations de l’année dernière à propos du projet d’extradition des opposants politiques en Chine.
Le projet ne plait pas non plus aux États-Unis qui menacent Hong Kong d’une révision du statut économique spécial accordé au territoire. Ce statut permet à Hong Kong d’être un centre financier international. Face à ces obstacles, on se demande comment la Chine compte mener à bien son projet, alors qu’elle doit gérer les accusations de nombreux dirigeants internationaux au sujet de la crise sanitaire actuelle, les États-Unis en tête. Mais Emmanuel Macron émettait aussi des doutes dans le Financial Times publié le 16 avril dernier.
« N’ayons pas une espèce de naïveté qui consiste à dire que [la gestion de l’épidémie par la Chine, NDLR] c’est beaucoup plus fort. On ne sait pas. Et même, il y a manifestement des choses qui se sont passées qu’on ne sait pas ».
Emmanuel Macron pour le Financial Times du 16 avril 2020
Déjà critiquée par de nombreux pays occidentaux, elle pourrait ternir son image d’autant plus. Si son hégémonie économique n’a pour l’instant rien à craindre, son influence diplomatique va peut-être être affaiblie. Pour l’heure, les ministres des Affaires Etrangères de Grande-Bretagne, du Canada et de l’Australie se sont joint dans un communiqué commun pour montrer leur opposition au projet chinois.
Reste à savoir si les hongkongais auront encore la force de braver le système une fois de plus, et surtout avec l’ampleur de l’été dernier, où plus d’un million de personnes auraient défilé. Une autre question demeure : quand est-ce que la Chine s’arrêtera ? Une chose est sûre : la Chine, elle, a l’air déterminée à mettre son projet à bien.