CINÉMA

(Re)Voir – « Terminator 2 : le Jugement dernier », l’éternel retour

© StudioCanal

À l’occasion de sa diffusion sur TCM cinéma le 2 avril, revenons sur Terminator 2 : le Jugement dernier. Moment important dans la filmographie de James Cameron, ce blockbuster de 1991 constitue un point de bascule dans l’utilisation du numérique au cinéma. Mais son intérêt réside peut-être ailleurs.

1997. Des voitures qui s’agglutinent sur une autoroute sous un soleil de plomb et l’image au ralenti d’une petite fille qui s’élance d’une balançoire, ce sont ses instants qui volent en fumée après l’explosion d’une bombe atomique. L’image vire au bleu avant de nous transporter en 2029 où les crânes squelettiques remplacent les coupes de cheveux imposantes des années 1990. L’Amérique post-guerre froide s’est effondrée, emportée par sa passion technologique. Il ne reste presque rien, si ce n’est une résistance qui maintient l’humanité dans la survie face à une intelligence artificielle matérialisée par les terminators, ces robots presque indestructibles. Au milieu de ce chaos, John Connor va renvoyer une de ces créatures dans le passé pour empêcher l’apocalypse d’avoir lieu.

Dans le premier Terminator, l’intelligence artificielle nommée Skynet envoyait un de ses soldats pour tuer la mère de John Connor dans le but d’éliminer toute résistance possible dans le futur. Ce terminator prenait comme apparence extérieure le corps herculéen d’Arnold Schwarzenegger. Pour lui faire face, Kyle Reese (Michael Biehn), celui qui deviendra le père de celui qui l’a envoyé dans le passé, tente de protéger Sarah Connor (Linda Hamilton) pour qui la confusion règne. Dans le deuxième film, la menace est inversée. L’enveloppe charnelle d’Arnold Schwarzenegger sert de façade à un robot humanisé, celui qui vient protéger John Connor, désormais adolescent.

Une renaissance optimiste

Il est très tentant de faire du premier Terminator le pendant noir d’un deuxième volet plus optimiste sur le devenir de l’intelligence artificielle. Dans son livre intitulé Prodiges d’Arnold Schwarzenegger, Jérôme Momcilovic livre une analyse intéressante de la séquence de réparation du T-800 dans un motel. Il écrit ceci : « La chambre de motel est un ventre noir qui donne à sa retraite un air de regressus ad uterum : il est venu s’y régénérer, naître une fois de plus en renouant avec le mystère de sa fabrication. Dans la chambre, c’est une histoire très humaine qui l’attendait ». En effet, après un affrontement musclé dans une discothèque et une blessure à l’œil, le T-800 découvre son humanité soit la possibilité de sa mort. Cette scène de pansage se rejoue, sous un autre registre, dans la version longue de Terminator 2. Sarah et John Connor ont désormais pris conscience du rôle que jouait le personnage d’Arnold Schwarzenegger. Dans leur longue fuite en avant, ils s’arrêtent la nuit pour reprogrammer la puce qui lui sert de conscience. La main qui exécute l’opération est celle de Sarah, hésitante face aux directives données par la machine. James Cameron semble avoir évoluer. A la manière de Wall-E (Andrew Stanton, 2008), le robot semble contenir la mémoire de l’humanité. Il n’est plus forcément ce futur angoissant, il est aussi la sauvegarde du passé.

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Wall-E (Andrew Stanton, 2008)

Si les robots ne cessent de renaître dans la saga Terminator, c’est aussi une opération que réalise James Cameron dans le deuxième volet. Ce n’est pas la première fois qu’il se plie à l’exercice, comme en atteste son passionnant Aliens, suite musclée du premier film de Ridley Scott. Là encore, il était question de (re)naissances. Pour Terminator 2, Cameron rajoute une autre machine capable de se fondre dans le décor, de transformer son corps en armes blanches et d’imiter l’apparence de ceux qu’il tue. La menace devient plus grande et les dépenses enflent par la même occasion. D’un budget de 6,5 millions de dollars pour le premier, on passe à 100 millions pour la suite. Ce confort financier permet de réitérer la formule avec une débauche de moyens supplémentaires. Là où The Terminator témoigne de son âge, notamment dans la dernière partie, Terminator 2 reste tout à fait impressionnant visuellement plus de vingt-cinq ans après. Le numérique commence à se développer massivement au début des années 1990 et permet à Cameron de mettre en scène cet affrontement qui a lieu à Hollywood entre un cinéma de série b, de l’artisanat dans les effets visuels (le T-800 incarné par Schwarzenegger) et un monstre totalitaire qui s’extrait des logiques physiques sous l’impulsion du numérique (le T-1000 joué par Robert Patrick). C’est probablement ce qui rend le film émouvant, cette lucidité sur l’avenir du cinéma technologique dont Cameron en est la tête de file.

Quel effondrement ?

L’arrière-plan reste le même pour les deux films. L’apocalypse nucléaire arrive à grand pas et scellera plus de quarante ans de Guerre froide. Au détour d’une réplique adressée au T-800, John Connor rappelle que les Russes sont « nos amis, maintenant » et vient briser la dichotomie géopolitique imposée dans l’après-guerre. L’effondrement du monde est filmé dans les premières minutes de Terminator 2 où la résistance combat des machines qui ne se cachent pas derrière une apparence humaine. C’est l’occasion, pour Cameron et son équipe technique, d’exposer leur savoir-faire en matières d’effets spéciaux analogiques par le biais de maquettes. Esthétiquement, ce futur a la gueule d’un film des années 1980, avec ces décors en carton-pâte et ces animatronics. C’est bien ce qui peut donner le vertige, cette incapacité à se situer dans les différentes lignes temporelles tracées par James Cameron. Si la menace est éliminée, pourquoi ne restent-ils que des décombres ? Terminator 2 prolonge donc bien l’esprit du premier, avec cette noirceur qui scellera le destin des personnages, ce destin que cherche à fuir Sarah Connor de manière inconsciente lorsqu’elle trace au couteau des mots sur une table : « Il n’y a pas de destin, mais ce que nous faisons ». Au bout du compte (conte ?), l’apocalypse arrivera, ce qui peut changer, ce sont les rapports humains.

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Sarah Connor

Toutes les actions des personnages sont déterminées par le mouvement d’une course-poursuite à partir du moment où le T-1000 débarque à l’asile. L’arrêt est synonyme de mort. C’est l’une des autres grandes forces de Cameron, à l’oeuvre aussi dans ses autres films, celle de caractériser ses personnages avec force en plein cœur de l’action. Contrairement au premier volet, Sarah Connor n’est plus vraiment sous la protection d’un homme, elle devient le personnage principal et troque son rôle passif pour récupérer à son compte la virilité de Kyle Reese. L’histoire d’amour du premier volet, où un homme traverse le temps pour retrouver l’être qu’il pense aimer par le biais des symboles, n’est plus au cœur de l’intrigue et le deuxième film s’intéresse davantage à la question de la paternité. En prenant John Connor comme l’un des personnages principaux, Cameron place la figure protectrice du T-800 sous le rôle d’un père. Le film ménage quelques scènes de repos, notamment à la frontière mexicaine, où cette relation père/fils est explicitée par Sarah Connor. L’effondrement à venir rabat les cartes et redistribue les rôles au sein de la famille. Le monstre froid incarné par Schwarzenegger dans The Terminator tente désormais de comprendre ce qui peut émouvoir les humains. Il joue de la répartie, de sa capacité (très limitée) à comprendre l’humour. En y apportant une touche burlesque, Cameron prépare la séquence finale, celle qui vient clore une heure de course-poursuite éreintante.

Près de trente ans après, Terminator 2 : le Jugement dernier n’a pas pris une ride. Il pousse dans ses retranchements le grande paradoxe cameronien à savoir s’insurger contre la place prise par les intelligences artificielles et utiliser la technologie pour élargir le champ des possibles au cinéma. Les suites (surtout Terminator Genisys) se perdent dans une sorte de rétrospective infinie, une boucle qui est sans cesse ré-ouverte pour des besoins économiques. Après ce deuxième volet, le cinéma a continué sa révolution technologique, pour le meilleur et pour le pire.

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