Toutes les deux semaines, la rédaction vous propose un tour d’horizon des albums et EP qui font l’actualité musicale.
Yuksek – Nosso Ritmo
Yuksek n’a jamais été très loin de la piste de danse. Mais jusqu’ici ses expériences électroniques parfois rudes n’étaient pas toujours faites pour bouger nos fesses. Avec Nosso Ritmo, le DJ rémois nous embarque dans son nouveau monde. Un monde où pénètre le soleil des airs, des voix et des percussions venus d’Amérique latine. Un monde où la disco des années 1970 semble pouvoir débarquer quand elle veut. Un monde où la basse est reine, celle qui rythme vos mouvements de hanche, « I can see your hips telling the truth » (je peux voir tes hanches dire la vérité), entend-t-on d’ailleurs dans Into the Light. Un monde où finalement, tout est danse. Côté collaborations, on retrouve Isaac Delusion, les inévitables Breakbot et Irfane, ou encore le duo disco brésilien Fatnotronic, dont on sent la présence sur plusieurs morceaux. Du tempo sensuel à l’explosion jubilatoire, Yuksek joue avec Nosso Ritmo, « notre rythme » en portugais, celui qui nous unit les uns aux autres, et qui nous fait danser, à toute heure de la journée.
Coups de coeur : Into the Light, This Feeling, Corcovado
Sorti le 29 février
Kevin Dufrêche
Aloïse Sauvage – Dévorantes
Sauvage, elle n’en porte pas que le nom. Tout en elle est urgence vive et rage implacable. Vivement repérée pour son premier EP Jimy (2019), la jeune femme aux mille talents (cinéma, théâtre, danse) s’affirme désormais avec un long format au nom féroce de Dévorantes. Un album fort où Aloïse Sauvage sort les crocs et élève sa voix haut et fort pour crier son espoir, sa révolte et sa tristesse. Militant, lumineux et sensible, Dévorantes explore les sujets qui animent l’artiste depuis ses débuts à savoir l’invisibilation de la communauté LGBTQ+ (Omowi, Jimy) et des thèmes plus personnels (Tumeur, Papa, Toute La Vie). Valsant sans cesse entre les genres musicaux, entre rap, reggae ou encore pop, elle fait partie de cette nouvelle scène française inclassable en un seul genre. Un disque où toutes les émotions vulnérables sont transformées en forces et en armes pour affronter ce monde qui dévore. Un album armure qui où la danse, les larmes et le combat ne font plus qu’un. A la fin de l’écoute, une petite voix tourne en boucle dans nos têtes « Laisse nous espérer que ça va aller ».
Coups de coeur : Et Cette Tristesse, Si On S’aime, Toute la Vie
Sorti le 28 février
Pauline Pitrou
Juniore – Un, Deux, Trois
« Pas mal cette version » glisse Samy Osta à la fin du titre Ah bah d’accord. Comme un leitmotiv évident plus on s’enfonce dans le nouvel album de Juniore. Véritable porte-étendard du rock français, le projet porté par Anna Jean donne la pleine mesure à une pop spéciale yéyé, alternant chant et spokenword, fidèles au poste. Un genre qui semble en marge de son temps tant les multiples références qu’on colle à cet album ; Ennio Morricone (Bizarre), Dick Dale (Walili), Françoise Hardy (Drôle d’histoire) etc. ne datent pas d’hier. Un genre devenu intemporel par ces mêmes influences devenues rétros, et ses contemporains, comme Quentin Tarantino qui se découvrait à ses débuts un amour pour le surf rock et la chanson française. Difficile d’ailleurs, à l’écoute de Walili, de ne pas penser au Green Hornet d’Al Hirt dans le premier volet de Kill Bill. Peut-être d’ailleurs la raison pour laquelle le collectif est apprécié en outre manche, en particulier chez nos ex voisins européens (ils se reconnaitront), chez qui Juniore part bientôt en tournée, accompagné de Film Noir, autre entité productive de Samy Osta, qu’on associe déjà à La Femme, et Feu Chatterton !. Rendez-vous le 7 Avril à La Maroquinerie pour les chanceux qui ont réussi à prendre leur place !
Coups de coeur : Bizarre, Ah bah d’accord, Walili
Sorti le 28 février
Guillaume Lacoste
Caribou – Suddenly
Le canadien Caribou a sorti la semaine dernière son 7ème album intitulé Suddenly avec pour pochette une simple onde dans une eau bleue. Si l’on ne peut pas dire que l’on est déçu par cette nouvelle œuvre, on n’est du moins peu transcendé. Si d’ordinaire, Caribou avait su mêler la mélancolie de sa voix avec sa pop mi-solaire mi-sombre notamment sur Swim, et des morceaux plus dansants sur Our Love, avec Suddendly, on s’y perd un peu. L’influence de la nature, présente également dans la musique de Four Tet, est toujours présente mais elle est bizarrement mêlée à toutes sortes de rythmes et d’instruments donnant quelque chose d’assez impersonnel et aléatoire. Ça tient debout, mais sans réelle cohérence. Parfois, on se sent plus proches d’une mixtape ou d’extraits instruments conçus pour des projets hip hop. Si l’écoute n’est pas désagréable, il n’y a rien de surprenant.
Coups de coeur : Home, Lime
Sorti le 28 février
Victor Costa
Christine and the Queens – La Vita Nuova
Dernière surprise en date de Christine and the Queens, après un premier single dévoilé au travers d’un Colors Show mémorable, People I’ve been sad, c’est un EP complet qu’elle dévoile : La Vita Nuova. Pour illustrer cette musique, un court-métrage de près de 14 minutes, réalisé par Colin Solal Cardo, qui explore les toits de l’Opera Garnier, puis les salles de danse, les corridors dantesques et la scène. À travers ces mots l’artiste fait face à la défiance des autres et à la densité de ses sentiments, matérialisées ici par le personnage d’un faune qui la pourchasse et la consume (Félix Maritaud). La musique coordonnée à un travail esthétique de fond, nous prend éperdument ici dans ce brillant film tourné à la pellicule, frôlant le sublime, notamment dans les nombreuses scènes de danse (et de transe) collectives. Avec ce court, Christine and the Queens propose cinq films en un : mêlant les références, appuyant la puissance de ses mots, en anglais, en français et en italien, convoquant tour à tour des beautés visuelles et sonores singulières à la croisée des genres. Une réussite totale.
Coup de cœur : Je disparais dans tes bras
Sorti le 27 février
Caroline Fauvel
Ajaz – Jump (EP)
L’heure est au vertige et à la découverte. Pour tous.tes les adeptes de cocktail rap et chanson, laissez nous vous présenter le doux Ajaz. Après avoir dévoilé Le Mal Reste et son clip obsédant, le jeune rappeur parisien livre son tout premier EP Jump. Un huit titres qui dessine les contours d’un rap à texte puissant et d’un flow percutant venant se mêler sans crier gare à des nappes de voix feutrées. Sentiments étincelants (Femme Lumière), névroses violentes (Le Mal Reste) ou encore visons de succès (Superstar), l’artiste déballe ses états d’âmes sur des instrus éclectiques qui varient entre mélancolie vaporeuse et angoisse troublantes (Est-ce que tu pleures ?). Une invitation à sauter dans le monde mental et touchant d’Albin Selimi aka Ajaz le temps d’un EP. Attention à la chute.
Coups de coeur : Femme Lumière, Comète
Sorti le 28 février
Pauline Pitrou