CINÉMA

« L’Etat Sauvage »- Le chemin vers la liberté

Copyright Pyramide Films

Dans ce western mystérieux, David Perrault traite de l’émancipation, de la liberté, et de la fin du vieux monde. À travers un film d’époque, il évoque des enjeux qui n’ont jamais été aussi actuels.

Nous sommes en 1861, en pleine guerre de Sécession américaine. Napoléon III, craignant une propagation du conflit, demande aux colons français de rester neutre dans le conflit. Mais les tensions entre Nord et Sud vont forcer ces familles de colons à fuir. C’est ainsi que s’ouvre L’Etat Sauvage. Embarquée dans une aventure qui les dépasse, la famille va peu à peu se libérer de ses chaînes.

La fin du rêve américain

L’Etat Sauvage raconte tout d’abord la fin d’un monde. Alors que la famille s’enfuit avec un chariot et quelques valises, les voies de chemin de fer sont en train d’être construites à quelques kilomètres. C’est la fin du « vieux monde », le début d’une nouvelle ère dans laquelle les personnages ne semblent plus avoir leur place. Partagés, certains des personnages de Perrault ne peuvent s’empêcher de regarder en arrière, alors que Victor, l’ancien mercenaire qui veille sur la famille assume tout au long du film son envie d’aller de l’avant et de devenir “civilisé”. Perrault fait émerger le doute chez des personnages qui foncent droit vers l’inconnu le plus total, et teinte d’une certaine mélancolie leur voyage à travers l’Amérique.

En route vers la liberté

Les héroïnes de David Perrault ont des airs de filles du Docteur March. Complices et soudées, elles sont tout de même enfermés dans les codes de leur famille bourgeoise, se chamaillent, se mentent et se boudent comme des enfants. Avec tendresse, certes, mais il n’en reste pas moins que la maison familiale représente surtout une forme de silence et d’oppression. Les filles taisent discrètement ce qu’elles savent de la relation entre leur père et leur gouvernante, soucieuses de préserver un équilibre, ou plutôt l’image de la famille. Et pourtant Esther, jouée par Alice Isaaz, qui est la clé centrale du film, ne rêve que d’ailleurs. Romantique et rebelle, elle devient petit à petit obsédée par cette idée que sa vie doit être une aventure (amoureuse entre autres). Elle deviendra donc le moteur de cet élan vers la liberté qui va pousser la famille à plier bagage pour rentrer en France et échapper à la guerre.

Copyright Pyramide Films

Un western fantastique

Le film est un contraste permanent entre des mondes que tout oppose. Du huis clos aux larges paysages, de la neige au feu, du rêve à la réalité, Perrault traverse les ambiances et les univers. Une grande réussite du film réside dans ce flou poétique entre rêve et réalité. Victor, qui fuit un ancien amour, Bettie, est comme un pont entre la famille en proie à des angoisses bien réelles et le groupe de contrebandiers baignant dans le mystère. Les hommes masqués qui accompagnent Bettie dans sa quête de revanche entêtent le spectateur qui est sans cesse promené entre l’ombre et la lumière.

Un plaidoyer pour l’émancipation féminine

L’autre singularité de L’Etat Sauvage réside dans l’utilisation du western, genre typiquement masculin, pour proposer un film qui met en valeur des femmes qui prennent en main leur destin et combattront coute que coute pour leur liberté et pour leur vie. Solidaires et fortes, c’est ensemble qu’elles vont se libérer des chaines et des dictats qui les retiennent depuis bien trop longtemps.

Le film de Perrault tient sa promesse d’un western hors du temps, réinventé sous le spectre féminin, ce qui, il faut l’avouer, donne une aura particulière au film qui peut se venter d’être en avance sur ce terrain là. Parfois un peu lent et inégal, L’Etat Sauvage éblouit par des costumes et des paysages magnifiques, et un travail méticuleux sur les éclairages et la musique qui lui confère une ambiance bien particulière, enchanteresse. Le film est en salles depuis le 26 Février.

You may also like

More in CINÉMA