SOCIÉTÉ

Les municipales de Bordeaux s’annoncent comme un combat de coq

Crédit image : Camille Miloua

Comme partout en France, les élections municipales sont en préparatifs à Bordeaux. Mais ce scrutin représente un enjeu particulier cette année : l’absence d’Alain Juppé rebat les cartes. Qui succèdera au maire iconique de la métropole, historiquement à droite ? En lice, 7 candidats, parmi lesquels 4 semblent s’affronter dans un combat duquel, évidemment, il n’en restera qu’un.

Nicolas Florian : la relève

Lorsqu’Alain Juppé quitte ses fonctions de maire de Bordeaux après 4 mandats (entrecoupés par le demi-mandat de Hugues Martin) pour honorer son nouvel emploi au Conseil constitutionnel, c’est son disciple, Nicolas Florian qui prend la relève. Difficile de succéder à l’homme qui a permis l’arrivée du fameux tramway ou encore de l’emblématique miroir d’eau. Pour preuve, les adieux ont été larmoyants entre l’homme et la belle endormie, qu’il s’était employé à réveiller. Nicolas Florian, qui se dit “juppéiste primaire, secondaire et tertiaire” a donc du travail pour s’imposer dans l’esprit des Bordelais, et lors des municipales.

Pourtant, le candidat prend des risques : il se déclare sans étiquettes partisane, et arrache celle du parti républicain transmise par Juppé. Mais que les Bordelais ne s’affolent pas : Nicolas Florian reste à droite et est soutenu par Les Républicains, l’UDI, le MODEM, Agir et le Mouvement radical. Ces derniers lui permettent d’être le favori dans les sondages avec 40 % des intentions de votes. Il n’a pas pour autant obtenu la confiance que les bordelais accordaient à son prédécesseur, et est ainsi suivi de près par le candidat Europe Écologie les Verts. Ce sera la première fois depuis la libération que les électeurs de Bordeaux connaîtront un second tour. Un scrutin historique, donc.

Pierre Hurmic (EELV) : la révélation

Crédité de 30 % d’intention de vote, Pierre Hurmic bénéficie de la notoriété grandissante du parti Europe Écologie les Verts. Il est en plus soutenu par les principaux partis de gauche que sont le Parti Socialiste (PS) et le Parti Communiste (PC). Ces derniers n’ont pas réussi à présenter leurs propres candidats cette année. L’absence de Vincent Feltesse, candidat PS et ancien président de la CUB (Communauté Urbaine de Bordeaux, ancienne Métropole de Bordeaux) est ainsi profitable à Pierre Hurmic qui récupère des voies à gauche.

L’homme peut se targuer d’avoir un certain avantage. Après les élections européennes où EELV a obtenu le score historique de 13,47 %, le parti compte bien surfer sur la vague verte qui déferle sur toute la France. En effet, 37 % des Bordelais citent la question écologique comme une de leurs principales préoccupations juste derrière… les conditions de circulation et de stationnement (40 %) mais bien avant la sécurité (30 %). De plus, l’homme connaît bien la ville, puisqu’il est conseiller municipal à sa mairie depuis 1995. À ce titre, il est le principal opposant du candidat sortant.

Thomas Cazenave (LREM) : la dégringolade

LREM devait présenter un candidat : le voilà. Thomas Cazenave, haut fonctionnaire et homme politique français a un CV long comme le bras. D’abord inspecteur des finances, cadre à Orange France et à Pôle emploi, il devient directeur adjoint de cabinet d’Emmanuel Macron au ministère de l’Économie, puis directeur de cabinet du secrétaire d’État à l’Industrie. De décembre 2016 à juin 2017, il est secrétaire général adjoint de la présidence de la République, de novembre 2017 à novembre 2019, délégué interministériel à la transformation publique. Un palmarès qui a de quoi faire trembler ses concurrents, et qui selon lui représente “des expériences très utiles pour gérer une ville”.

Mais malheureusement pour la majorité, le candidat qui aurait pu représenter une menace pour Nicolas Florian semble stagner, voire descendre dans les sondages. Entre décembre et février, il passe de 16 à 11 % des intentions de vote. Pourtant les ingrédients qui ont fait la réussite du chef de file d’En Marche sont réunis. Le candidat est jeune (41 ans) et dynamique, avec une touche de fun : sur son site il nous donne ses conseils pour réussir des cannelés maisons dans une interview à la Kombini (on laisse cuire 5 minutes à 300 degrés, “pour le croustillant“). C’est donc, on l’aura compris, un local : il est né et vit à Bordeaux. Il se défend ainsi de l’accusation récurrente d’un parachutage à grands coups d’images de lui achetant ses fruits sur le marché des Capucins.

Philippe Poutou : la surprise

Connu pour sa participation aux présidentielles de 2017 et ses nombreuses phrases chocs, qui sonnaient comme des punchlines, lors du débat télévisé, Philippe Poutou s’accroche à la politique. Il ne choisit pas Bordeaux par hasard : chef de file du mouvement de contestation contre la fermeture de l’usine Ford à Blanquefort (banlieue bordelaise), il est une figure locale importante. Les derniers sondages le créditent de 12 % d’intention de vote (contre 2,5 % en 2014), c’est-à-dire un point de pourcentage de plus que le candidat de LREM. On rappelle que si ce dernier dépasse la barre des 10 % il obtiendra une place au second tour.

De plus, notons que même si Poutou appartient au Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), il est soutenu par la France Insoumise (FI) qui ne présente pas son propre candidat pour les municipales bordelaises. Avec un tel atout et une réputation qui n’est plus à faire, surtout en Nouvelle Aquitaine, Philippe Poutou aurait-il le pouvoir de battre en brèche Thomas Cazenave ? Si on peut supposer qu’il y parvienne, on doute cependant de sa capacité à s’imposer comme adversaire majeur de Nicolas Florian et Pierre Hurmic. Malgré tout, ce chiffre nous laisse perplexes : ne serait-il pas l’indicateur d’une remise en cause du gouvernement Macron ? Pour le célèbre syndicaliste, sa liste est “de fait, porte-parole d’une contestation sociale, d’une révolte, d’une colère qui s’est exprimée ces derniers mois“.

Une compétition qui s’annonce serrée

S’il reste trois candidats, ces derniers ne représentent pas de menace imminente pour ceux du peloton de tête. Ces derniers ne dépassent pas les 10 % d’intention de vote et n’iront donc pas au second tour : Bruno Paluteau (RN) avec 5 %, Pascal Jarty candidat de la société civile avec 2 % et Gilles Garçon pour l’UPR avec 1 %. Par la même occasion, nous noterons qu’aucune femme ne s’est présentée pour ce scrutin, laissant les hommes se livrer à un combat de coqs. Ledit combat tourne autour de 3 sujets principaux : la mobilité, la transition écologique, et la question des logements (dont les prix ont fortement augmenté à Bordeaux).

Dans un débat du 25 février 2020 pour LCI, les quatre candidats probablement présents au second tour discutent, ou plutôt se disputent, autour des ces thèmes. Entre deux séquences de brouhaha arbitrées par la journaliste Elisabeth Martichoux, le débat prend des airs de procès contre le maire sortant. Ainsi, lorsque Nicolas Florian aborde les transports en parlant de la rocade (périphérique bordelais) et du vélo, les autres sont plutôt favorables à une modulation des tarifs en fonction de son statut (étudiant, famille…) ou de ses revenus. Pour Poutou, il suffirait de rendre les transports gratuits pour tous : “réponse sociale” et écologique.

Sur les logements il faut “accompagner la croissance” (continuer de construire, tout en encadrant le prix des logements et des Air BnB) pour le candidat sortant. Pour LREM il faut arrêter de construire puisqu’on a “exclu les classes moyennes de Bordeaux“, quant à EELV il faut que “la mairie s’investisse dans le logement car on ne peut plus laisser faire la loi de l’offre et de la demande“. Enfin, Philippe Poutou a “des solutions d’urgence” et est favorables au blocage des loyers et à la réquisition des logements vacants (un peu moins de onze milles selon Pierre Hurmic). Enfin, sur la sécurité, seul Nicolas Florian est pour une police armée.

Nicolas Florian qui était présenté comme le successeur d’Alain Juppé semble toutefois être seul contre tous, et sur toutes les questions. Ce débat s’achèvera d’ailleurs sur l’étiquette partisane, et l’hésitation du candidat sortant à avouer son affiliation personnelle au parti LR. Ces élections pourraient ainsi consacrer Poutou, qui “ne visait rien“, au parlement bordelais avec d’autres élus de gauche.

*Tous les chiffres sont issus de de l’enquête BVA pour Europe 1 publiée le 20 février 2020.

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