LITTÉRATURE

Femmage #2 : Zainab Fasiki

© Massot Éditions

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A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes le 8 mars, les rédacteur.ice.s de la rubrique littéraire ont décidé de rendre femmage, chaque dimanche de ce mois, à des auteures brillantes, inspirantes et talentueuses.

Cette semaine, c’est une bédéiste qui est mise à l’honneur, puisque cet article sera consacré à Zainab Fasiki. Illustratrice marocaine née en 1994 à Fès, Zainab Fasiki est tout d’abord diplômée de l’école nationale supérieure d’électricité et de mécanique de Casablanca. Titulaire également d’une patente professionnelle de bédéiste et d’illustratrice, elle intègre le collectif de la bande-dessinée marocain Skefkef. A ce jour, elle a publié trois oeuvres, dont nous parlerons ci-dessous.

L’engagement en dessin

Zainab Fasiki n’est pas seulement illustratrice, mais illustratrice engagée. Féministe convaincue, elle s’applique à montrer au fil de son art les inégalités visant les femmes, et surtout à normaliser la vue d’un corps nu dans une société qui le censure encore bien trop. Sa première BD, publiée en 2017 et intitulée Omor (Des Choses), dénonces les inégalités entre les deux sexes en suivant la vie de trois jeunes femmes marocaines. L’illustratrice a fait de son travail une double-critique de la société : elle dénonce ainsi les inégalités de genre mais également les stéréotypes véhiculés par la société marocaine dans laquelle elle vit.

Elle espère ainsi délivrer les femmes, en particulier celles d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, des pressions sociétales, personnelles et familiales qui pèsent en permanence sur leurs épaules. Pour ce faire, elle n’hésite pas à représenter ses personnages féminins nus afin, selon elle, de «  montrer que le corps féminin peut être un objet artistique pas seulement un objet sexuel  ». Sa deuxième BD, intitulée Hshouma (La Honte en arabe), plonge encore un peu plus profondément dans l’engagement, et devient très vite un plaidoyer pour la liberté des mœurs, une illustration de l’hypocrisie masculine et une banalisation de la libération sexuelle des femmes, qui effraie tant au Maroc, mais aussi dans bien d’autres sociétés. A travers ces ouvrages, l’illustratrice souhaite ouvrir les yeux aux femmes et aux hommes sur l’injustice de ces stéréotypes et de ces mœurs archaïques, afin de comprendre que la libération de la femme n’est pas une option, mais un droit.

 © Instagram @zainab_fasiki

L’engagement au-delà du dessin

Mais Zainab Fasiki ne s’arrête pas à ses travaux d’illustratrice. Consciente que la libération des femmes passe également par l’éducation et l’indépendance, elle crée en 2018 des ateliers de formation artistique pour femmes, construits autour des problématiques d’inégalités de genre. Ainsi, en 2019, le collectif Women Power rassemble une vingtaine d’autrices, dont les travaux ont été recueillis sous la forme d’un ouvrage au titre éponyme. En parallèle de la publication de son oeuvre Hshouma, Zainab Fasiki crée une plateforme du même nom ayant pour but d’éduquer et d’informer afin d’éviter les discriminations et et les violences basées sur des critères de genre. Très populaire sur les réseaux sociaux, l’illustratrice n’hésite pas à les alimenter régulièrement et abondamment dans l’idée de véhiculer ses idées et toucher un maximum de monde, en particulier les jeunes femmes. Elle rebondit ainsi sur des faits d’actualité, comme par exemple en 2017, lorsqu’elle publie une illustration sur le harcèlement dans l’espace public suite à une vidéo montrant deux marocaines victimes d’agressions sexuelles dans le bus. Ses comptes sont polémiques, critiqués, encensés, bref ils suscitent le débat. Et selon l’autrice, «  La seule façon de briser un tabou, c’est d’en parler. »

 © Instagram @zainab_fasiki

L’engagement à l’international

Si l’engagement de Zainab Fasiki utilise comme élément central la culture marocaine, il n’y a nul doute que son travail peut être lu, compris et mis en application par le monde entier. C’est toute la force des illustrations de Zainab Fasiki : elles présentent ainsi un double niveau, le marocain et l’international, mais également une triple marge d’identification. On peut ainsi s’y identifier en tant que femme marocaine subissant des pressions sociales, en tant que femme internationale subissant des pressions également, mais aussi et surtout en tant qu’être humain œuvrant pour l’égalité. L’oeuvre de Zainab Fasiki n’est qu’un reflet de la société et met en avant le long chemin qu’il reste à parcourir pour aboutir à cette égalité. L’illustratrice touche ainsi de plus en plus les pays étrangers : en France, elle est déjà venue faire la promotion de son livre Hshouma, et a également fait l’objet de divers écrits, tels que l’article de Camille Hanot, «  Elle nous inspire  : Zainab Fasiki, la féministe qui milite avec son crayon  », publié dans l’hebdomadaire Flair en 2018. Elle a également fait l’objet de diverses interviews de ces nouveaux types de médias tels que Konbini, Brut ou encore Simone Media, lui permettant ainsi de diffuser son travail au sein de la jeune génération. Une façon de montrer la nécessité d’une tente entre l’actualité et la condition des femmes.

C’est donc une illustratrice pleine de talent, de culot, mais surtout d’espoir qui se présente en la personne de Zainab Fasiki. A suivre, et à aimer.

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