CINÉMA

« Mes Jours de Gloire » – Vincent Lacoste, éternel enfant

Copyright Bac Films Distribution

Pour son premier long-métrage, Antoine de Bary s’entoure de ses amis de toujours et nous offre un drame rythmé par des dialogues incroyablement drôles et justes.

Criblé de dettes à l’âge de 27 ans, Adrien est obligé de retourner vivre chez ses parents. Incapable de se sentir adulte, il se comporte comme un enfant et fuit les responsabilités d’un homme de son âge. Complètement bloqué par un problème d’impuissance, il tente tant bien que mal de courir après l’amour et ses rêves de cinéma. Ex-enfant star, il peine aujourd’hui à aller de l’avant et reste inerte, terrorisé à l’idée d’avoir à devenir « grand ». Grand adulte, mais grand homme aussi puisqu’il est pressenti pour jouer le rôle d’un jeune général de Gaulle dans le film d’un réalisateur allemand complètement hallucinant.

Si le scénario de base de Mes Jours de Gloire sonne comme une comédie française qu’on aurait vu cent fois, l’approche du réalisateur apporte toute sa singularité au film. Il ne pardonne rien à son personnage, et ne cherche jamais à justifier sa paresse et son retard sur les autres. Il n’édulcore rien de cet entre-deux singulier entre enfance et vie adulte, où tout se confond et se perd. Adrien sombre petit à petit dans une angoisse toujours plus profonde et paralysante.

Vincent Lacoste dans Mes jours de gloire (© BAC Films)

Un clin d’oeil aux maîtres de la comédie

Quelques clins d’oeil évidents à Chaplin ou aux comédies italiennes des années 50 apporte un charme supplémentaire à un Vincent Lacoste attachant et drôle, qui incarne sans soucis ce jeune homme nonchalant, ex-enfant star qui enchaîne les désillusions et les défaites. Cette fameuse scène où on le voit marcher gauchement dans la rue, au milieu de l’agitation, vêtu du costume de De Gaulle, est incroyable.

Il faut dire qu’Antoine de Bary sait s’entourer : Emmanuelle Devos est parfaite en mère psy surprotectrice, face à un Christophe Lambert en père raté et alcoolique, qui n’est finalement pas beaucoup plus adulte que son fils. Et puis il y a Noée Abita, révélée il y a deux ans dans le magnifique Ava de Léa Mysius, qui crève l’écran avec un naturel désarmant. Elle joue le rôle de Léa, jeune beauté un brin mystérieuse qui représente tout ce qu’Adrien voudrait atteindre.

Le rejet d’un modèle trop idéalisé

On peut aussi voir dans Mes Jours de Gloire une critique sévère d’une société qui idéalise une sorte de réussite très formatée, et laisse finalement peu de places à ceux qui cherchent encore leur place. À l’heure où les réseaux sociaux survendent des idéaux de perfection, il fait bon se rappeler qu’on a tous le droit de se casser la figure, et que le passage à l’âge adulte tient souvent plus de la traversée du désert que d’une aventure exaltante sans remous. « J’aime les gens qui passent moitié dans leurs godasses et moitié à côté » chantait Anne Sylvestre, dans une chanson qui pourrait être l’hymne des Adrien de ce monde.

En plus de dénoncer cet enfermement dans une vision du succès inatteignable, De Bary en rajoute une couche et se paie au passage les clichés trop souvent entendus sur l’homme virile et ses injonctions emprisonnantes. Adrien souffre aussi parce qu’il ne se sent plus vraiment homme, il ne correspond pas à l’image que la société lui donne d’un homme accompli. Sans désir, sans travail, il ne peut pas trouver sa place.

Présenté au 72ème Fes­ti­val de Venise, ce premier long-métrage profond et tendre tient en lui de belles promesses pour la carrière d’Antoine de Bary, et confirme une nouvelle fois le talent hybride de Vincent Lacoste. On rit beaucoup, mais sans jamais perdre de vue la gravité de la situation d’Adrien. C’est là toute la poésie de Mes Jours de Gloire où la vie n’est jamais toute rose, mais jamais toute noire non plus. Où elle est vraie, tout simplement.

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