Sorti de son gouffre hors des radars, Underwater signe un retour efficace mais timide du film de genre anxiogène. Visuellement soigné, il ne parvient pas à s’extirper de ses références écrasantes – ou comment éviter l’abîme sans créer la houle.
Classique dans sa narration, le film évite l’écueil de l’introduction étirée. L’impression d’avoir un long-métrage de divertissement qui ne se considère comme rien d’autre devient rapidement une évidence. Le générique de début nous explique brièvement via des comptes-rendus et des photos l’existence d’une espèce inconnue. La station de forage sous-marine est le futur théâtre d’un massacre aquatique sans que le moindre doute ne pointe le bout de sa nageoire. En assumant son scénario épuré, le film gagne en concision mais sacrifie un pan de son potentiel.
L’explosion survient dès les premières minutes, ne laissant pas le spectateur respirer. La station est en perdition et les personnages doivent sortir pour leur survie. Norah (Kristen Stewart), une informaticienne de bord mélancolique, est la figure de proue du long-métrage. Physique mais aussi fragile, elle seconde le leader Lucien (Vincent Cassel), un commandant de bord naturellement flegmatique et pragmatique. À leurs côtés, des avatars classiques du genre, le sidekick rigolo mais brave, la scientifique fébrile, le jeune acolyte discret etc.
Malgré un schéma qui exaspère très vite, les péripéties donnent lieu à des échanges de rôles parfois inattendus, notamment occasionnées par les morts, assez réussies. Sans pouvoir développer grandement ses personnages, ce qui est normal en 1 heure 30 de temps, Underwater ne laisse entendre aucun écho de profondeur si ce n’est un message sur la solitude et le sacrifice maintes fois utilisé.

© Twentieth Century Fox France
Une fosse et une faune inhospitalières
Comme souvent, le visuel rattrape une histoire convenue. Aidé de décors réussis et de costumes efficaces, William Eubank alterne les prises de vues rapprochées et les plans larges pour synthétiser le microcosme et le macrocosme, l’intime et l’immensité, l’intérieur et l’extérieur, la station et les abysses, l’humain et le monstre, le palpable et l’inconnu tapi dans l’ombre. L’ambiance catastrophique immerge le voyeur dans une succession d’enjeux précipités où la survie est le seul mot d’ordre.
Les créatures, véloces et agressives, ne manquent pas de mordant. Or, la mise en tension est trop vite désamorcée par leur apparition à peine dissimulée dès la sortie dans l’eau. Une approche plus intéressante aurait été un premier contact dans les couloirs froids et à demi-inondés de la station. Les confrontations s’enchaînent sans briller, hormis dans le dernier quart d’heure où l’enjeu est relancé par une révélation, certes prévisible, mais impressionnante par sa perspective grandiloquente.

Noyade référentielle
Ce que le film gagne en efficacité, il le perd en originalité. Néanmoins, c’est ce qu’il cherche sûrement à faire, et c’est là que le bât blesse. Sans prise de risque, sans panache, Underwater croule sous ses références sans chercher à les sublimer, à défaut de bien les imiter. Seule Norah, en Ripley 2.0 d’Alien 3, parvient à convaincre par sa fragilité et sa force bien dosées. Un film se doit d’exister par lui-même, sans attirer l’ombre de ses voisins antérieurs. Malheureusement, le film convoque tour à tour Alien (Ridley Scott), Aliens et Abyss (James Cameron), Life (Daniel Espinosa), son prédécesseur plus complet, et même la mythologie de H.P Lovecraft – tout cela sans prendre du recul. Un feu d’artifices thématique qui ne fait pas trop de vagues en somme.
Effréné mais trop étriqué, anxiogène mais pas assez viscéral, visuellement généreux mais sans authenticité ; Underwater convainc pleinement en tant que série B mais peine à inspirer autre chose. Son manque d’audace, rehaussée dans son épilogue, laisse un goût salé dans la bouche. On voudrait en voir plus. Reste qu’on ressort de la salle avec une seule phrase en tête : « Dans les abysses, personne ne vous entendra crier ».