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Théâtre – Trois bonnes raisons d’aller voir Contes et Légendes

© Elizabeth Carecchio, Cie Louis et Brouillard, Scène Nationale de la Rochelle, "Contes et Légendes" création Joël Pommerat, avec Angeline Pelandakis, Léna Dia, Lucie Guien

© Elizabeth Carecchio, Cie Louis et Brouillard, Scène Nationale de la Rochelle, “Contes et Légendes” création Joël Pommerat, avec Angeline Pelandakis, Léna Dia, Lucie Guien

Le nouveau spectacle de Joël Pommerat est présenté au Théâtre des Amandiers à Nanterre jusqu’au 14 février. Contes et Légendes aborde brillamment sur scène ce moment particulier de la construction de soi à l’adolescence dans une fiction futuriste.

Contes et Légendes se compose d’une série de tableaux mettant en scène de jeunes adolescents qui font face à l’autre – à l’autre genre et à l’altérité robotique – mais surtout à eux-mêmes. Sans jamais tomber dans les codes du théâtre « social » ou de la SF, Contes et Légendes se fraye un chemin à travers les grandes questions de la construction du genre, de la notion d’humanité et de la représentation de soi. Le spectacle est ainsi une démonstration puissante de la justesse du regard que peut porter le théâtre contemporain sur notre société. Voici trois bonnes raison d’aller voir Contes et Légendes en 2020, à Nanterre ou ailleurs.

1. Découvrir le travail de Joël Pommerat

Né en 1963, Joël Pommerat est un acteur majeur de la création théâtrale contemporaine. Ses textes écrits pour la scène interrogent depuis le début des années 2000 les idéologies contemporaines – le travail dans le spectacle Les Marchands (2006), la démocratie dans Ça ira (1) Fin de Louis (2015) etc. Ce dernier spectacle faisait ainsi un retour sur l’un des épisodes les plus marquants de l’Histoire de France, la révolution de 1789. Avec Contes et Légendes, Joël Pommerat s’attaque cette fois-ci au futur et pose la question de la présence des robots dans le quotidien des familles.

La formule esthétique de Joël Pommerat est épurée et s’appuie sur une forte présence des comédiens sur la scène. La mise en scène reste très intime et refuse de céder au sensationnalisme d’une esthétique SF et futuriste. Les meubles noirs qui composent le décor sont simples mais leur grande mobilité permet de figurer les différents espaces présentés dans le spectacle. L’attention du public est ainsi concentrée sur le jeu des comédiennes qui seules donnent à voir la présence étrange et bienveillante des robots.

© Elizabeth Carecchio, Cie Louis et Brouillard, Scène Nationale de la Rochelle, “Contes et Légendes” création Joël Pommerat, avec Lucie Grunstein, Angeline Pelandakis, Léna Dia, Mélanie Prézelin, Prescilia Amany Kouamé, Angélique Flaugère, Marion Levesque

2. Admirer la virtuosité des comédiennes

Les différents rôles sont presque intégralement interprétés par huit comédiennes qui jouent alternativement de jeunes garçons, des jeunes filles ou des robots. Il faut tout d’abord noter la précision du jeu des robots, plus vrais que nature, des mouvements mécaniques aux voix artificielles. Ensuite l’interprétation non moins virtuose des rôles des jeunes là encore impressionnante de vérité, du fait du langage utilisé mais aussi des attitudes et des façons de parler. Jean-Edouard Bodziak et Elsa Bouchain, deux interprètes plus âgé.e.s jouent quant à eux en les adultes.

La diversité des comédiennes et leur interprétation magistrale donne ainsi un tableau complet et réaliste d’un groupe d’adolescents et d’adolescentes, personnages qui sont souvent peu présents sur la scène théâtrale contemporaine. Les rapports entre garçons et filles sont très justes et cette vérité du jeu fait aboutir le spectacle à un vrai discours politique. Ainsi, comme Joël Pommerat l’admet lui-même dans le petit texte de présentation du spectacle : «  [la question du genre] s’est imposée parce que je travaillais la question de faire jouer des garçons par des femmes  ».

© Elizabeth Carecchio, Cie Louis et Brouillard, Scène Nationale de la Rochelle, “Contes et Légendes” création Joël Pommerat, avec Léna Dia, Angeline Pelandakis, Marion Levesque, Lucie Guien

3. Se laisser emporter par les questions posées par le spectacle

Dès la première scène le problème du genre apparaît dans la confrontation entre une jeune fille et deux garçons mais cette thématique est en fait distillée tout au long du spectacle. S’il ne s’agit pas d’un spectacle sur la construction du genre il n’évite pas d’aborder cette question essentielle au moment de l’adolescence. Mais le spectacle va plus loin et décline l’idée du genre comme performance dans les relations entre adulte et finit par produire une réflexion très juste sur la virilité.

Contes et Légendes aborde également la question de notre humanité par le biais de la présence des robots. Néanmoins, la réflexion porte moins sur une perspective philosophique des limites de l’humanité «  numérique  » que sur la construction de soi, en tant qu’humain. Les personnages ne doutent jamais du caractère artificiel de leurs robots domestique et ces derniers permettent plutôt de thématiser l’abandon de l’enfance, des jouets et des compagnons qui l’accompagnent.

Joël Pommerat emporte le public dans l’univers de Contes et Légendes au rythme soutenu par les changements de tableaux. Chaque scène aborde ainsi un aspect différent de ce petit monde futuriste de l’adolescence et on sort à la fois réjouis et pensif de ce spectacle épuré et magnifiquement interprété.

Contes et Légendes de Joël Pommerat, durée 1h50, jusqu’au 14 février 2020 au Théâtre des Amandiers à Nanterre, puis en tournée à Tours, Toulouse, Orléans…

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