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Julie Deliquet, le « Conte de Noël » n’y est pas

© Simon Gosselin

Après Fanny et Alexandre de Bergman, Julie Deliquet porte à la scène Un conte de Noël du réalisateur Arnaud Desplechin. Oscillant entre Tchekhov et Shakespeare, la pièce ne parvient pas tout à fait à convaincre. 

Une famille dysfonctionnelle se retrouve dans la maison de famille des parents à l’occasion des fêtes de fin d’année. C’est la première fois que tous les enfants de Junon, qui vient d’apprendre qu’elle est malade, sont réunis depuis plusieurs années. Il y a cinq ans, Elizabeth, la fille ainée, a sauvé son frère Henri de la faillite et de la prison mais a exigé en contrepartie son bannissement familial. Des retrouvailles explosives, forcément. 

Desplechin, Shakespeare ou Tchekhov ?

Dans un Conte de Noël, la référence théâtrale assumée est plutôt Shakespeare. Rivalités familiales, fantôme d’un enfant mort qui hante les relations, trahison et vengeance en série, le lien est assez évident. Pourtant, dans la version présentée par Julie Deliquet au théâtre de l’Odéon jusqu’au 2 février, c’est surtout Tchekhov qui semble affleurer. La metteuse en scène, qui a déjà monté le dramaturge – notamment un magnifique Vania au studio de la Comédie-française il y a quelques saisons – a manifestement à cœur d’entrainer vers cette mélancolie si spécifique l’histoire tragique dans laquelle s’enfonce cette famille depuis la disparition du petit Joseph, quarante ans plus tôt, de la même maladie dont souffre désormais sa mère. Les personnages d’amie de la famille évoquent les médecins malheureux de l’oeuvre de l’auteur russe, tout comme les amoureux éconduits qui traînent leur passion sur des décennies ou Faunia, la belle fille vulgaire dans laquelle on voit poindre la Natacha des Trois soeurs . Mais il n’est toutefois pas évident que ce choix s’avère judicieux tant l’écriture de Desplechin, bien poétique et sophistiquée, est éloignée de ce sentiment si spécifique qu’est la mélancolie. Aussi, rien ne semble vraiment aller de soit dans cette mise en scène qui peine à émouvoir et dans laquelle on ne comprend pas vraiment ce qui relie ces individus. À tel point qu’on finit par rester de marbre face aux événements –  objectivement tragiques – qui viennent percuter leurs trajectoires (maladie, trouble psychiatrique, adultère).

© Simon Gosselin

Mauvaises habitudes 

Plus que ces choix dramaturgiques, c’est la relative paresse de la mise en scène qui déçoit le plus. Comme Christiane Jatahy avait pu le faire dans son adaptation de La règle du jeu de Renoir, Julie Deliquet a choisi de réutiliser des décors et des costumes existants et de ne point prendre le partie du réalisme. Elle reconvoque le dispositif bifrontal qui avait si bien fonctionné dans le Vania. Rien de critiquable jusque là. Mais la metteuse en scène et son collectif In Vitro se contentent aussi de recycler leurs recettes de théâtre de plateau collaboratif. Évidemment, quelques scènes en ressortent très réussies. On pense notamment à la “leçon de mathématiques” de Claude, l’époux d’Elizabeth ou à la discussion à bâton rompus entre Faunia et Junon sur Henri, l’amant de la première et le fils de la seconde, qu’elles semblent autant aimer que mépriser. Mais le sentiment de flottement qui se dégage tout au long du spectacle – baigné dans la dose d’hystérie agaçante qui semble désormais requise au théâtre par ces histoires familiales – laisse penser qu’une direction plus assumée, une vision plus franche des intentions auraient donné un spectacle plus tenu et, finalement, plus agréable. 

«  Un conte de Noël  », d’après Arnaud Desplechin, mise en scène de Julie Deliquet, collectif In Vitro. Jusqu’au 2 février 2020 aux Ateliers Berthier de l’Odéon-Théâtre de l’Europe. Durée : 2h20. 

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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