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LUNDI SÉRIE – « Twin Peaks » : le monde étrange de David Lynch

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Deux fois par mois, la rédaction se dédie entièrement au «  petit écran  » et revient sur une série pour la partager avec vous. Toutes époques et toutes nationalités confondues, ce format vous permettra de retrouver vos séries fétiches… ou de découvrir des pépites  !

Apparu sur les écrans de télévisions américains en 1990, la série Twin Peaks créée par David Lynch et Mark Frost n’a pas cessé d’hanter son public. Ses décors, ses personnages, son univers… autant d’éléments devenus pour le spectateur une mythologie et un monde parallèle à visiter. Retour sur un mystère presque toujours intact.

Il est difficile d’écrire sur Twin Peaks. Difficile car il s’agit d’une série dont on a tant parlé, dont on a décrypté chaque facette avec soin, parfois même à outrance alors qu’il suffisait juste de se laisser emporter par la musique envoûtante d’Angelo Badalamenti et de se perdre dans les dédales d’un monde étrange, obscur et inextricable. On ne comprend cependant que trop bien la volonté de s’exprimer autour de ces images qui nous obsèdent et dont on n’arrive pas à se défaire.

Il faut dire que David Lynch a toujours su créer auprès de son public des souvenirs vifs et marquants. Quelques années avant l’arrivée de Twin Peaks sur le petit écran, le réalisateur avait déjà séduit la critique avec Blue Velvet (1986), sorte de film d’apprentissage pervers qui interrogeait les aspects sombres et tortueux d’une petite banlieue américaine en apparence tranquille. Une atmosphère noire et sulfureuse qui laissait une impression incroyablement forte et dérangeante.

De l’autre côté du miroir

Twin Peaks s’est lui aussi intéressé à ce qui se passe derrière la façade. En effet, David Lynch et Mark Frost ont plongé son récit dans une petite bourgade du Nord des États-Unis qui, bien qu’elle nous évoque aujourd’hui une atmosphère si particulière, pourrait ressembler dans certains de ses espaces à une commune américaine typique. C’est entre autres les décors du dinner ou du lycée, dont les murs sont forcément tapissés de casiers, qui nous évoquent une certaine idée de l’Amérique. Une Amérique fantasmée, celle des films ou des publicités, remplie de ces lieux totems, de ces emblèmes, profondément ancrés dans l’imaginaire collectif.

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David Lynch et Mark Frost semblent jouer de ces codes et de ces clichés, n’hésitent pas à franchement les exposer car ils savent que c’est pour mieux les réduire en miettes. De toute manière, le spectateur n’est pas dupe puisque la série s’ouvre sur une terrible découverte, celle du cadavre d’une adolescente emballée dans du plastique en bord de rivière. Cet évènement, qui sera le point d’entrée dans l’intrigue principale de Twin Peaks, confère tout de suite au lieu son aspect inquiétant et n’est en réalité que le début d’un chemin qui au fur et à mesure que l’on avance révèle d’obscurs secrets.

Ce qui intéresse les réalisateurs, c’est l’exploration d’un autre monde, trouble et déroutant et pour que celui-ci soit d’autant plus étrange, ils le confrontent à celui plus ordinaire qui lui fait face. Dans un article qu’elle consacre à la série « Twin Peaks : modernité du conte, conte de la modernité », Marine Legagneur résume bien ce processus. Elle déclare alors qu’« en choisissant de faire de Twin Peaks, petite ville imaginaire parfaitement représentative de la province américaine, le théâtre d’évènements extraordinaires, Lynch inscrit sa série dans la lignée du conte, genre qui fait de la quotidienneté le terreau d’où vient surgir le merveilleux ». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le metteur en scène a choisi d’incarner le décès d’une jeune fille à travers le personnage de Laura Palmer. Celle-ci représente en effet à elle seule la dualité du lieu : en apparence adolescente populaire et bien sous tout rapports, celle-ci ne tarde pas à montrer un visage bien plus sombre et à dévoiler une existence parrallèle.

Un territoire mental

Twin Peaks, c’est donc aussi et avant tout la création d’un univers reconnaissable à des signes et des symboles qui ne disent rien aux non-initiés mais dont il suffit à peine d’évoquer le mot pour convoquer chez les adeptes des images fortes de sens : la chambre rouge, la femme à la bûche…. C’est un monde qui explore le rêve et le cauchemar et qui crée des géographies, des existences imaginaires que l’on a pourtant l’impression de connaître. Les réalisateurs se sont tant appliqués à décrire et à donner de l’épaisseur à ce monde qu’il en est devenu un territoire mental qu’on se prend à explorer. Il reste cet espace toujours un peu flou qu’on visite comme on traverserait dans le brouillard de la petite ville de Twin Peaks, transportés dans une atmosphère vaporeuse et entêtante.

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Pas étonnant donc que les deux saisons initiales aient été complétés par une troisième saison 26 ans après (Twin Peaks : The Return, 2017) et que l’intrigue se soit déclinés sous plusieurs supports, des films (Twin Peaks : Fire Walks With Me, 1992) aux livres (Twin Peaks : The Final Dossier, 2017). L’occasion de donner au spectateur de nouvelles pistes et de lui faire prolonger encore un peu plus le voyage.

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