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L’île de Samos ou la honte européenne

Des réfugiés lors d'une opération de sauvetage au large de la Grèce © Wikipedia

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Depuis 2015, la Grèce reste la principale porte d’entrée de l’Union européenne. Les migrants sont de plus en plus nombreux à s’y rendre pour espérer trouver de l’aide. L’île de Samos, particulièrement touchée par la crise, héberge à ce jour plus de 6 500 personnes pour une capacité d’accueil initiale de 650.

Les migrants de l’île de Samos n’en peuvent plus d’attendre dans des camps surpeuplés. Ils dénoncent la culpabilité de l’Union européenne pour les laisser vivre dans des conditions de vie plus que précaires. Le passage par ces camps d’enregistrement est une obligation de l’Union européenne. Il s’inscrit même dans la procédure légale d’entrée sur le territoire et de demande d’asile.

Aujourd’hui, les effectifs dépassent largement les moyens dont disposent ces camps. Une situation ne permettant pas de répondre à la demande des milliers de personnes attendant leurs tickets d’entrée dans l’Union. Le maire de l’île annonce : « Nous avons dépassé la ligne rouge. N’importe quel incident fortuit peut avoir des conséquences terribles ».

Des conditions de vie “primitives” au sein de l’Union européenne

A Samos, les déchets jonchent le sol, les restes de nourriture se mêlent aux eaux usées qui traversent les allées des logements de fortune construits par les habitants. Les habitants doivent vivre dans des conditions d’hygiène inexistantes, où chacun essaye de survivre avec le peu d’aide qu’il peut recevoir. L’Union européenne ne prend pas en compte les recommandations de l’article 31 de la Charte Sociale Européenne précisant : « Les lieux d’hébergements provisoires doivent répondre à des conditions (…) d’hygiène et notamment disposer des éléments de conforts essentiels. » Des rats, serpents et autres animaux se rajoutent au quotidien des migrants.

De plus, l’accès au soin n’est pas non plus une priorité dans ces camps, où certains rendez-vous médicaux sont donnés avec un délai pouvant aller jusqu’à quatre mois. Une nouvelle fois, l’UE n’applique pas l’article 13 de sa Charte Sociale Européenne où « toute personne démunie de ressource suffisante a droit à l’assistance sociale et médicale. » Des principes d’humanité pourtant simples, aucunement respectés par l’Union dans ses camps, menant ainsi à une situation invivable pour les migrants. Ces derniers espèrent même tomber gravement malade pour espérer voir leur demande acceptée en urgence.

L’ONG Médecin Sans Frontière présente sur place se dit indignée par les conditions sanitaires déplorables des camps, surtout en ce qui concerne les enfants. Federica Zamatto, coordinatrice médicale à MSF explique dans un témoignage : « Ce qui m’a le plus choquée, c’est le nombre d’enfants maintenus en détention dans des conditions misérables et indécentes, sans accès à une nourriture correcte ou à une éducation, et même privés de la possibilité de jouer, comme le font les enfants ». Une situation complètement hors de contrôle que dénoncent également les médecins présents sur place.

Une attente insoutenable dans un milieu hostile 

Certains de ces exilés sont présents depuis plusieurs mois dans le camp voir même depuis plusieurs années. Pourtant d’après la directive européenne du 26 juin 2013 (art. 31) « Les Etats membres veillent à ce que la procédure d’examen soit menée à terme dans les six mois à compter de l’introduction de la demande ». Seulement, sur place la situation est telle que les rendez-vous sont fixés avec un délai minimum de 2 à 3 ans pour certains, alors que d’autres attendent simplement un rendez-vous. Ces derniers se demandent même ce qu’ils font encore là, car l’aide qu’ils venaient chercher ne peut leur être donnée.

Pour rappel, depuis le traité d’Amsterdam de 1997, l’Union européenne peut définir les conditions d’entrée et de séjour des immigrants légaux et encourager les États membres à prendre des mesures d’intégration. Mais le traité dispose également que chaque Etat est libre de fixer le nombre de ressortissants de pays tiers qui entrent sur son territoire. Un choix qui ne facilite pas les démarches d’entrée sur le territoire pour les demandeurs d’asile. Les procédures prennent ainsi jusqu’à plusieurs années, quand d’autres n’aboutissement même pas.

Le camp, qui au départ était prévu pour 650 personnes, s’étend aujourd’hui dans les forêts alentours, au dépens de la sécurité de ses habitants. Là aussi, l’Union européenne ne respecte pas les aspirations de l’un de ses articles dans la Charte Sociale Européenne. En effet, l’article 31 expose aussi « qu’une autre exigence fondamentale est la sûreté des alentours immédiats ». Une situation qui accroît le risque de tension entre les membres du camp. En octobre, un incendie s’est déclaré dans le camp réduisant le peu de ressources que les migrants disposaient en cendre. Les demandeurs d’asile font face à un climat de tension quotidien. « Les gens campent sur des ruisseaux asséchés, avec le risque d’inondations et de feux. Ils organisent leur propre logement, leurs sanitaires, leur alimentation en eau de manière complètement primitive », déclare Georgios Stantzos, le maire de Samos. « Nous essayons de rester calmes, mais la situation n’est pas gérable, elle s’aggrave de jour en jour ». 

La fermeture du camp prévue pour fin 2019

Athènes a annoncé, le mercredi 20 novembre, fermer trois de ces hotspots afin d’en agrandir les capacités d’accueil. Le camp sera remplacé par une structure fermée pouvant accueillir 5 000 personnes. Les demandeurs d’asile seront donc directement dirigés vers ce nouvel endroit où chaque personne sera identifiée. Ils pourront ainsi connaître directement la réponse soit leur entrée sur le territoire soit leur retour en Turquie. Une initiative obligatoire, mais qui ne permettra pas de résoudre le problème de la surpopulation et qui plongera les demandeurs dans des lieux complètement confinés pour plusieurs semaines. Aujourd’hui, le gouvernement grec fait face à 10 000 arrivées par mois et ne trouve pas de solution pour pouvoir accueillir l’ensemble des demandeurs dans de bonnes conditions. La Turquie a quant à elle menacé d’ouvrir ses frontières si elle ne reçoit pas davantage d’aide européenne.

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