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Futur, ancien, fugitif : la scène française s’expose au Palais de Tokyo

Mur de mûres, série Photographie sans fin, 2019 Prints on paper, Courtesy of the artist & Galerie Air de Paris (Paris) © Aurélien Mole, Adagp, Paris, 2019

Jusqu’au 5 janvier 2020, le Palais de Tokyo donne la parole à la scène artistique française à travers l’exposition «  Futur, ancien, fugitif  » pour questionner l’Histoire, les souvenirs, les nouvelles technologies, les représentations sociales et tout ce qu’il en adviendra.

© Mur de mûres, série Photographie sans fin, 2019 Prints on paper, Courtesy of the artist & Galerie Air de Paris (Paris) © Aurélien Mole, Adagp, Paris, 2019

À l’heure des désordres climatiques, quel futur peut-on rêver ? Envahis par les nouvelles technologies, comment en faire bon usage ? Standardisation, consommation de masse, figure de la robotique, grande Histoire et immédiateté : la scène française artistique se questionne sur son passé, met en perspective son présent pour imaginer le futur à travers l’exposition Futur, ancien, fugitif présentée jusqu’au 5 janvier 2020 au Palais de Tokyo.

Vidéos, installations, photos, sculptures géantes et formes hybrides : tous les moyens sont bon pour questionner le temps, révolu, présent, futur et incertain que nous autres, Hommes, réservons à nous-même et à la planète.

Visions du passé dans le présent

L’exposition démarre sur l’œuvre Un mur de mûres (image ci-dessus) de Pierre Joseph, visible depuis l’entrée. Plus précisément, il s’agit d’une grille de photographies de mûres semblables, on ne peut plus «  instagramable  ». 

Une volonté poursuivie par l’artiste pour ainsi mettre en perspective la capacité de notre oeil à calibrer des images pour les réseaux sociaux, quand ces mêmes images renvoient à une conception de la vie passée, ici le métier de chasseur-cueilleur bien loin de la production de masse qui caractérise désormais, nos modes de consommation. De telle sorte que, paradoxalement, le mode de vie d’aujourd’hui se façonne à travers des représentations d’hier.

Vue de l’exposition « Futur, ancien, fugitif », Palais de Tokyo (16.10.19 – 05.01.20) Courtesy de l’artiste, Galerie Laurent Godin (Paris) & collections privées © Thomas Lannes, Adagp, Paris, 2019

Bien que dubitatifs devant d’autres réalisations présentes dans cette salle, on s’arrête sur le portrait acerbe du quotidien, que l’artiste Alain Séchas dresse à travers plus de 100 dessins réalisés entre juillet 2018 et 2019 (ci-dessus). Il inscrit ainsi son travail dans l’actualité en le présentant en une grille orthonormée similaire à celle d’Instagram où il a d’ailleurs publié ces «  commentaires du quotidien. »

Histoire et immédiateté

Un quotidien également questionné par Grégoire Beil à travers son premier film Roman national composé de vidéos live diffusées depuis le réseau social Périscope. «  C’était un moment où les utilisateurs de ce réseau étaient principalement des adolescents. Ils se mettaient en scène et parlaient de la société. Je me suis retrouvé face à de vrais personnages de films  » explique l’artiste. 

En collectant ces vidéos, Grégoire Beil met ainsi en lumière la voix de l’ordinaire, celle de jeunes peu ou pas représentés dans les instances de décision et les grands médias, qui construisent leur récit personnel au détriment d’un récit collectif rassembleur et univoque.

Un récit historique entièrement repensé, plus loin dans l’exposition, par l’artiste Nayel Zeaiter qui «  téléscope et exagère  » l’histoire du vandalisme, cette déprédation dans l’art, entre dégradation (in)volontaire et vandalisme politique. On y découvre avec humour la raison d’être des œuvres d’art en 200 ans d’histoire, à travers un projet qui entend parler du monde aussi bien que de parler au monde.

Un futur incertain

On est plus globalement frappés par la vision du futur incertain et hostile qui se dessine au cours de l’exposition. Depuis la figure hybride mi-humaine mi-machine que conçoit et présente l’artiste Renaud Jerez, cette créature inquiétante et burlesque qui annonce l’imminence du règne de la machine, jusqu’à la représentation sombre du monde agricole de Nicolas Tubéry. 

Dans une salle obscure, il fait ainsi parler les fantômes d’une exploitation vide où autrefois, les éleveurs de vaches laitières travaillaient. À ces derniers succèdent la seule présence physique et sonore des machines, rappelant l’irrévocable désertification du monde rural dont l’artiste est issu.

Nathalie Du Pasquier, Cabine n°3, 1 et 2 du premier au dernier plan, Courtesy de l’artiste © Aurélien Mole

Au niveau inférieur, ce sont les œuvres de Nils Alix-Tabeling qui nous interpelle sur l’urgence écologique. L’artiste choisit ainsi de réinterpréter les récits mythologiques à travers une série de sculptures hybrides surprenantes, empruntant aux animaux, aux arbres et aux objets du quotidien différentes formes susceptibles de provoquer la réflexion sur un avenir que l’on construit aujourd’hui.

Un avenir ravivé de couleur par l’artiste Nathalie du Pasquier (ci-dessus) qui installe, sur la fin du parcours de l’exposition, un quartier général d’œuvres en 4 cabines peintes «  comme autant de musées miniatures  ». Érigés comme des totems « reliés entre eux silencieux et en creux  », l’artiste nous entraîne ainsi à la découverte d’un monde où la réalité se substitue à l’imagination.

Futur, ancien, fugitif : une scène française au Palais de Tokyo jusqu’au 5 janvier 2020. 13, avenue du Président Wilson 75 116 Paris. Ouvert de midi à minuit, tous les jours sauf le mardi. Tarifs : plein 12 €, réduit 9 €

Rédactrice en chef de la rubrique Art. Curieuse et intriguée par la création artistique sous toutes ses formes

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