A l’occasion de son passage à la Machine du Moulin Rouge, nous avons discuté avec Anomalie, jeune virtuose et figure emblématique de la nouvelle vague jazz québécoise.
Nicolas Dupuis, alias Anomalie, est un jeune pianiste doté d’un doigté digne des virtuoses du classique, mais à l’oreille attentive et créatrice des jazzmen. Se définissant lui même et sa musique comme “hybride”, Anomalie transcende les frontières des genres musicaux et écrit à travers ses compositions le renouveau du jazz. Quelques heures avant de monter sur scène pour son concert à La Machine du Moulin-Rouge (Paris), nous avons pu discuter de son parcours, sa ville natale, ses inspirations, ses ambitions.

Anomalie avec un “e” plutot qu’un “y”, c’est un un petit clin d’oeil à votre francophonie ?
Absolument, c’est un petit clin d’oeil à ma francophonie, mais plus particulièrement à Montreal, la ville ou je suis né et où j’habite qui est ma principale source d’inspiration. C’est aussi une façon de montrer cette réalité d’échange et de mélange de culture en Amérique du nord, ce qui donne à ma ville cette identité si spécifique et particulière.
Par quels moyens avez-vous découvert et pratiqué la musique ?
J’ai grandi dans le contexte classique, ma mère était prof de piano, et mon père était animateur radio. Par la suite, j’ai continué le piano à travers des études de performance jazz. Cependant, la musique électronique est venue plus tard.
Le jazz, c’était une évidence pour vous ?
Ce fut direct. Le jazz m’a tout de suite plus. Dans le classique, on se concentre d’avantage sur l’interprétation, le jeu, la vélocité etc.. Mais on apprend pas a comprendre réellement ce que l’on joue. Alors qu’avec le jazz, on apprend à être capable d’improviser, de comprendre ce que l’on joue ! Et c’est cet aspect qui me manquait dans le classique. Quand j’ai découvert des pianiste au synthétiseur comme Herbie Hancock , Chick Corea, mon monde a été boulversé.
Comment définiriez-vous votre style ?
Les gens disent “électro jazz”, à cause de ce mélange de textures présent dans ma musique, tout en maintenant un piano mis en avant. Mais pour moi, c’est plus un hybride de hip hop, de jazz, de fusion et de Nu-Jazz.
L’influence hip-hop est effectivement très palpable dans votre musique. Vous vous considérez à la fois beatmaker et pianiste ?
Absolument. Sur les albums, je produis tout de A à Z. En live c’est différent, on partage la scène et la musique avec les musiciens. Mais à la maison, je porte bien les deux casquettes de beatmaker et de pianiste.
Pour revenir sur le sujet du Nu-jazz, vous avez récemment collaboré avec un autre pianiste de ce mouvement, Rob Araujo. Comment était-ce ? Et comment s’est faite votre rencontre ?
Absolument ! Rob et moi avons un parcours assez similaire. On a tout les deux été propulsés par les réseaux. Nous nous sommes rencontrés sur un groupe facebook : “Jam of the week.” C’est une communauté de musiciens jazz, qui chaque semaine publient leurs versions d’une pièce de musique programmée pour cette semaine là. On a évidement accroché l’un et l’autre à nos vidéos, et il y a 3 ans on s’est rencontrés à L.A. On s’est ensuite revus plusieurs fois dans nos villes respectives, et il a fait ma première partie en 2017 pour le lancement de mon EP Metropole à Montreal. Depuis ce temps là nous sommes de très bons amis.
Pour ce qui est de la production, vous êtes un artiste “Home-Studio” ?
Oui. Aujourd’hui il y’a tellement moyen de tout avoir dans un studio maison que la plupart des beatmakers et producteurs comme moi ont tout ce qu’il faut chez eux. Cependant, il m’arrive de louer des studios à l’occasion notamment pour l’enregistrement des cuivres. Mais pour ce qui est de la diffusion, on est indépendant. J’ai tout ce qu’il faut autour de moi sans avoir besoin de passer par « l’ancien modèle » (les maisons de disque). Et afin de distribuer on utilise STEM, un organisme semblable à Distrokid, qui permet de distribuer sa musique sur toutes les plateformes indépendamment.
Qu’est ce qui vous a fait connaître ?
Les réseaux sociaux ! Grâce à internet, un following c’est construit à travers des petites vidéos que je postais assez régulièrement, puis quand l’EP Metropole est sortit l’engouement pour ma musique a progressé. Pour ce qui est du “Anomalie live band”, on a fait notre premier concert aux Etats-Unis 5 ou 6 mois après le premier EP. Ensuite j’ai signé avec un agent, et c’est à partir de là que les tournées en Asie et en Europe se sont enchainées. Là, c’est notre deuxième tournée en Europe. En somme, que ce soit pour les EP ou les lives, il y a eu une veritable absence de frontière, notamment grace à internet qui a véritablement propulsé ce projet. Quand on revient jouer quelque part, on fait au moins la même capacité de salle si ce n’est plus !



Quelles sont vos plus grandes sources d’inspirations ?
Je fais en sorte qu’elles demeurent toujours très diverses. De Stravinsky à Tupac, en passant pat Michael Jackson, Vulfpeck ou encore encore le rap queb, je fais en sorte de garder une rotation dans ce que j’écoute au jour le jour ! Mais je dirais que l’artiste qui m’inspire plus est de loin Quincy Jones. Je pense que personne n’a mieux comprit la musique que lui ! C’est simple, il a été impliqué dans pratiquement tous les hits de chaque décennie. De Franck Sinatra à Jacob Collier, il était là !
Pour finir, auriez vous un message pour les jeunes musiciens et musiciennes, qui tout comme vous, seraient ambitieux de faire revivre le jazz aujourd’hui à leur manière ?
Absolument ! Et en un mot : “écoutez !”. Inspirez vous de ce qui vous entoure, écoutez le plus de musique possible, relevez des morceaux qui vous plaisent, travaillez dur afin de maîtriser ce language et de pouvoir vous exprimer avec tout votre potentiel. Et faites vous confiance !