On se fait un musée ? Pour son nouveau format, Maze vous embarque pour une visite guidée de musée, qu’il soit mythique comme le MET, insolite comme le Musée de la chasse et de la nature, à couper le souffle comme le Louvre Abu Dhabi ou qu’il demande encore à être connu… Episode 1 : le musée Solomon R. Guggenheim de New-York qui vient de fêter ses 60 ans.
Pour le trouver, il faut remonter patiemment la 5ème avenue et longer la clôture de Central Park jusqu’à la 89ème rue. C’est un quartier très résidentiel, paisible à la limite de l’ennuyeux et qui ne semble vivre qu’au rythme du ballet des luxueuses voitures qui s’arrêtent devant les immeubles avec portiers. Les trottoirs sont larges et clairsemés et on finit par se dire qu’on s’est trompé de rue ou de quartier, et que cette institution culturelle de renommée internationale qu’est le Guggenheim ne peut pas se trouver en plein milieu de cet Upper East Side endormi. Et pourtant, quelques blocs plus loin, il est bien là.
Dans ce quartier entièrement fait de longues rues, d’intersections à angle droit et d’immeubles massifs, beige et carrés, le Musée Guggenheim – le premier de la série – se dresse tout en rondeurs et blancheur, tel une toupie facétieuse. Inauguré le 21 octobre 1959, il est le fait de l’architecte américain Frank Lloyd Wright dont ce sera la dernière œuvre, qu’il n’aura même pas la possibilité de voir terminée puisqu’il décède le 9 avril de la même année.
Le musée se veut révolutionnaire. Il doit servir d’écrin à la collection d’art moderne patiemment accumulée par Solomon R. Guggenheim et sa conseillère et directrice de fondation, l’artiste Hilla Rebay. Exit les immeubles historiques en pierre de taille dans lesquels les salles se succèdent les unes après les autres. À l’extérieur, le musée est rond et entièrement blanc. À l’intérieur, le Guggenheim prend la forme d’une hélice. Le visiteur est censé commencer son parcours tout en haut et descendre la rampe en admirant les œuvres exposées sur les parois.
Révolutionnaire pour une structure de cette ampleur mais pas complètement inédit. Cette combinaison rampe/œuvres est déjà présente dans la Villa Savoye conçue par Le Corbusier à Poissy à partir de 1928. Pour l’architecte suisse, cette rampe doit permettre aux propriétaires de la maison de se déplacer en profitant pleinement de la structure créée. Dans des escaliers, ces derniers auraient dû regarder leurs pieds ; avec la rampe, ils peuvent déambuler librement et admirer la finesse de leur habitation que Le Corbusier considère comme une œuvre à part entière… Au Guggenheim aussi, le spectateur peut entièrement se concentrer sur les œuvres sans se soucier de l’organisation des salles, de l’ordre à suivre ou s’il faut monter ou descendre. Son cerveau est entièrement disponible pour l’art.
Dans ce musée, l’art est certes accroché au mur mais, un peu comme chez Le Corbusier, il se loge également dans la structure conçue par Wright qui, comme à son habitude, s’est occupé du moindre détail. Chaque élément, des petites fontaines disposées à chaque étage aux boutons de portes des toilettes, forme un tout résolument moderne, absolument cohérent et quelque part profondément rassurant. Bien que fascinante et omniprésente, l’architecture ingénieuse du lieu ne dévore toutefois jamais les œuvres présentées, elle se contente de les accompagner et de les sublimer… et c’est pour cela que l’on regrette un peu que le fond des collections ne soit pas forcément à la hauteur. Il faut dire que le grand musée d’art moderne de New-York demeure avant tout le MoMA… mais ça, ce sera pour une autre visite guidée !