© Anka Gujabidze – ARP Selection
Premier long-métrage du réalisateur suédois Levan Akin, And Then We Danced (Et puis nous danserons) se veut être une oeuvre magnifique, bien que prévisible dans son écriture.
Merab (Levan Gelbakhiani) s’entraine « depuis qu’il sait marcher » à la danse traditionnelle géorgienne au sein de l’Ensemble National Géorgien à Tbilissi, avec sa partenaire Mary (Ana Javakishvili). Enchainant des heures de travail physique, des soirs de service au restaurant, et des pauses précaires dans l’appartement familial, celui-ci voit son quotidien bouleversé par l’arrivée d’Irakli (Bachi Valishvili), un autre danseur qui attire rapidement son attention.
Le film a écumé les festivals depuis la Quinzaine des Réalisateurs en mai dernier, allant jusqu’à représenter la Suède, pays de Levan Akin (originaire cependant de Géorgie), aux Oscars en février 2020. Et pour cause ce premier film réunit des qualités inéluctables : une esthétique efficace et impeccable, ainsi qu’un sujet politique méconnu et trop faiblement médiatisé – trouvant ici tout son équilibre.
Dans ce premier long-métrage, Levan Akin, s’attarde sur des problèmes sociétaux transversaux relatifs à la place accordée aux jeunes dans la société géorgienne, sous le prisme de la danse. Une pierre angulaire particulièrement intéressante car il s’agit d’une pratique conservatrice, la danse étant un vecteur d’identité marquant selon l’image que transmet le film. And Then We Danced trace le parcours de Merab qui cherche à se faire une place dans ce milieu acerbe, où les places sont chères. On assiste alors à son évolution pressée vers un « nouveau moi », un jeune homme troublé en quête d’intensité et d’espace.
C’est un long-métrage qui expose des tensions sous-jacentes, notamment quant à la place réservée aux homosexuels et tout particulièrement aux hommes qui doivent répondre à des stéréotypes de genre saillants, indiquant et affirmant en permanence une masculinité, une virilité attendue ; bien loin des volontés d’une nouvelle génération. And Then We Danced peint ici le portrait d’une Géorgie clivée , marquée par la tradition et par son passé inclus dans l’URSS, mais aussi par un renouveau impulsé par une jeunesse en quête d’émancipation et de reconnaissance. Le film a lui-même eu des difficultés à se construire étant donné le climat hostile à son égard, émanant spécifiquement du milieu de la danse en Géorgie.
C’est un mouvement évolutif qui accompagne la danse saccadée des danseurs et danseuses. And Then We Danced s’avère être un manifeste politique, certes prévisible en terme de scénario, mais véritablement libérateur et subtil dans son approche. Il est porté par un casting de danseurs éblouissants, où l’acteur Levan Gelbakhiani fait figure de révélation troublante. On notera également l’attention apportée à l’ensemble musical harmonisant musique occidentale populaire (Robyn, ABBA) et compositions géorgiennes originales plus classiques, qui coïncident ici à merveille.