© Adrien Combes
Après avoir fredonné Le temps est bon tout l’été, nous avons eu envie de rencontrer le groupe Bon Entendeur lors de leur passage à Saint-Malo dans le cadre du festival Baisers volés.
Bon entendeur s’est fait connaître sur internet par des mixtapes de tissus sonores où extraits d’interviews d’artistes et paroles politiciens viennent accompagner des sonorités électroniques. Les discours sont digérés par la pop culture pour faire sortir le grain des voix, la sonorité des mots. Ces peintres musicaux travaillent à trois. Pierre Della Monica, Arnaud Bonet et Nicolas Boisseleau s’affranchissent progressivement d’internet en créant leurs propres interviews et en proposant des morceaux à la propreté évidente qui jongle entre une nostalgie de surface et un goût pour le mélange des genres. Avant un concert programmé à une heure du matin, rencontre avec trois artistes branchés de la scène française.
En 2014, vous sortiez un morceau intitulé La fierté où trônait des discours de Jacques Chirac. Qu’est-ce qui vous intéresse chez lui ?
Nicolas Boisseleau : Pour nous, il n’était plus du tout dans la sphère politique et il représentait quelque chose de différent. Il faisait partie de la pop culture. Les jeunes se l’étaient beaucoup appropriés, notamment par rapport à sa répartie. Son grain de voix assez fort marchait très bien avec la musique.
Cette intégration dans le giron de la pop culture, du cool, peut être une forme de neutralisation de la question politique. Qu’en pensez-vous ?
Arnaud Bonet : C’est à double tranchant, soit ça nous nous rend politique, soit ça dépolitise. Pour DSK, il y avait quelque chose de l’ordre de la blague. En général, nous prenions des politiciens à la retraite. Par exemple, on nous a demandé de faire des mixtapes pour certains candidats et on a gentillement refusé.
Votre premier album s’intitule Aller-retour, ce titre définit-il votre rapport au passé ?
N : Il y a de ça mais pas que. Il y a ce clin d’oeil évident aux vacanciers qui se croisent sur la nationale 7 en juillet et en août. C’est ce qui a donné la pochette de l’album. On peut aussi évoquer les allers-retours entre plusieurs genres musicaux et le fait d’aller puiser dans différents corps de métiers au niveau des intervenants dans les morceaux.
A : On m’a dit que c’était aussi un bouquin du Seigneur des anneaux (rires).

Pour ce nouvel album, vous avez changé de procédé en fabriquant vous-même les interventions des invités. Les mots ne proviennent plus d’un discours ou d’un dialogue de film mais de votre imagination. À quel moment vous est venue l’idée ?
Pierre Della Monica : La première personnalité qui a accepté de se prêter au jeu, c’est Patrick Poivre d’Arvor. On l’a contacté sur Twitter et je m’en rappellerai toujours puisqu’il a appelé Nicolas sur son téléphone. L’interview était très rapide mais ça nous a donné goût pour créer notre mixtape du début à la fin.
N : Là, c’est nous qui menons la danse. Nous ne sommes plus dépendants de la qualité de l’enregistrement ou des possibilités parfois limitées que nous offrent les extraits sur internet.
Dans le processus de création, à quel moment émerge l’interview ?
A : L’interview, c’est un peu le nappage. On a déjà le squelette de la mixtape et les bouts d’interviews viennent la boucler. Ce qui est sûr, c’est que le choix des intervenants dépend du contexte.
Comment s’est faite la rencontre avec Pierre Niney ?
A : Sur Instagram, après un vote de notre communauté. Il nous a répondu en disant qu’il était chaud pour faire une mixtape avec nous. En une heure, c’était plié. Il a une vision assez proche de nous sur beaucoup de sujets.

Et Marion Cotillard, toujours pas de nouvelles ?
A : Toujours pas. On nous demande tout le temps avec qui on aimerait bien travailler et la réponse reste la même : Marion Cotillard. Un jour, elle tombera peut-être sur une des interviews.
N : Elle va croire qu’on lance une vendetta contre elle (rires).
Dans le processus de production, qui fait quoi ?
A : Déjà, on se tempère beaucoup. Il y a un excité et deux impatients, je te laisse deviner qui est le plus énervé.
P : On a un rythme de croisière assez sain finalement. Les seules différences se retrouvent en live puisqu’on fait tout à trois en dehors de la scène.
Où en êtes-vous avec le label ?
A : On a eu un petit ascenseur émotionnel. On en a parlé avec Napkey, un gars qui travaille avec nous sur les sons, et il a publié un EP sous notre label. On n’arrivait pas à gérer parce que ça demandait trop de travail. Ceci dit, c’est peut-être un sujet qui reviendra.
N : Benjamin (Napkey) travaillait comme un fou et nous envoyait des fichiers tous les jours. C’était compliqué à gérer en parallèle de nos études.
Le morceau Le temps est bon connaît un succès fulgurant. Vous aviez senti son potentiel en composant ce remix ?
A : C’est le premier morceau sorti, c’était en 2016. En publiant d’autres titres, on remarquait qu’il n’y avait pas le même engouement. Ce qui est surprenant, c’est la longévité du morceau. Originellement, la chanson est très connue au Québec et le remix vit très bien.
Après les concerts, vous avez d’autres projets qui arrivent ?
A : On a lancé une webradio. Depuis des années les mixtapes s’accumulent et on aimerait les partager au plus grand nombre. Pour l’instant, il y a sept artistes qui ont participé au lancement (Yuksek, Cody Currie, LeBRON, Pabel, The Reflex, Hotmood et les Yeux Orange). Toutes les semaines, on va publier ça sur nos réseaux. Un clip arrive très bientôt pour Vive nous.
Bon Entendeur en concert :
- 7 novembre – Olympia (Paris)
- 9 novembre – Aéronef (Lille)
- 30 novembre – Rockstore (Montpellier)
- 7 décembre – Stéréolux (Nantes)
- 27 mars – Zénith (Paris)