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Marina Rollman : « Je pense que la méga sucess story n’est pas nécessaire »

L’humoriste d’origine suisse reprend son one woman show Un spectacle drôle en septembre et poursuit cette année ses chroniques «  La drôle d’humeur de Marina Rollman  » les lundis sur France Inter. Maze l’a rencontrée pour parler engagement et notoriété.

Avec ses grands yeux et son sourire, Marina Rollman rayonne en terrasse d’un bistrot parisien. En quelques instants et avec une légèreté déconcertante, elle s’amuse du rictus du bambin de sa voisine de table qui lui montre son fond d’écran (« on dirait Kim Kardashian ! »), veille à son chien qui patiente sous la table, attrape le serveur au vol pour lui demander un peu de moutarde pour accompagner son croque-monsieur, parle écriture et style de vie. Une fois son assiette terminée, elle sort sa trousse de maquillage de son sac à main pour une mise en beauté express alors qu’elle continue à répondre à nos questions. Quand elle se lève pour repartir une chemise oversize sur les épaules, un sac en crochet et son toutou en laisse, elle a adopté ce qui fait le chic des Parisiennes, sans renier ses origines, sa montre – suisse – au poignet.

Marina, dans tes chroniques et tes sketchs tu abordes souvent des thèmes militants comme le féminisme, l’écologie ou la critique de la société de consommation et pourtant tu n’as pas cette étiquette d’artiste militante, comment expliques-tu cela ? 

Je viens d’un milieu qui n’est pas politisé. J’ai grandi en Suisse avec des parents jeunes qui avaient 20 ans dans les années 1980. Ce sont des CSP+ qui avaient le privilège de ne pas avoir à se questionner sur la politique. Et puis en arrivant en France, j’ai découvert l’héritage et la culture de la politique que nous n’avons pas en Suisse. Aujourd’hui concrètement je vote, j’essaie d’en parler (ndlr : de sujets engagés) et je tente par des petites actions directes d’améliorer la vie des minorités. 

Aujourd’hui il y a une forme de polarisation dans la vision de l’humour entre le «  on ne peut plus rien dire  » et «  la parole est libérée  ». Qu’en est-il vraiment ? 

On peut tout dire. Ceux qui déclarent «  on ne peut plus rien dire  » confondent la liberté d’expression avec un usage des privilèges dont il est certainement désagréable de ne plus pouvoir user comme avant. Aujourd’hui par contre, si quelqu’un n’aime pas ce que tu fais, la réponse est disproportionnée : des insultes, des menaces… C’est hyper agressif tout de suite. Derrière cette violence, je pense qu’il y a surtout une tension de classes et un désoeuvrement. Quand en plus on travaille sur le service public (ndlr : les chroniques sur France Inter) il y a souvent la sensation de «  RENDS-MOI MON ARGENT  » comme si on devait absolument contenter l’auditeur mais c’est comme la piscine municipale, tu payes et que tu y ailles ou pas c’est pour tout le monde. 

Les petits riens du quotidien, des non-événements sont la base de ton spectacle et de tes chroniques. Aujourd’hui c’est plus ça l’humour pour toi, des sujets qui n’en étaient pas auparavant ? 

J’aime prendre des objets qu’on méprise normalement et les valoriser. De toute manière, je ne me sens pas très légitime à parler d’autre chose. Ce sont des histoires que je comprends et il faut une part d’universel pour réunir le public. Je parle de ce que je vis, la queue chez H&M, je connais. Par contre, si je commence pas «  mardi je me suis levée à 10 heures en tournée  » j’ai perdu tout le monde parce que le public ne le vit pas. Et puis je pense qu’on peut trouver des choses plus intelligentes, plus fines à dire aujourd’hui qu’un énième sketch sur une concierge portugaise. 

Tu dis que tu es à l’étape de ta carrière où tu es parfois dévisagée mais rarement reconnue, quel sentiment cela te procure-t-il ? 

Je suis dans une période très agréable du début de carrière où je commence à être reconnue dans mon milieu mais pas du tout dans la rue. De temps en temps on me demande une photo et ça me fait très plaisir, mais je ne pense pas que cela soit très agréable d’être Jim Carrey. Je fais des choses qui me plaisent entourées de gens que j’aime, c’est l’essentiel. Parfois ma mère me dit «  tiens bon tu vas y  arriver  » et je lui réponds «  Maman je paye mes factures et je suis fière de ce que je fais, c’est ça y être arrivée  ! »

Tu préférerais être ultra-suivie par 10 000 personnes plutôt que regardée avec moins d’intérêt par deux millions ? 

Je pense que la méga succes story n’est pas nécéssaire. Si tu as deux millions de personnes qui sont ultra fans, tant mieux ! Mais il n’y a pas que des Marion Cotillard. Je ne critique pas la notoriété mais en France on a parfois tendance à ne voir que les stars énormes. D’ailleurs quand je me présente à quelqu’un qui ne me connaît pas il y a toujours un peu de gêne ou de désolation en disant «  ah mais ça va c’est pas trop galère ?  », or il y a plein de gens qui vivent de la scène sans être connus. C’est aussi dans l’air du temps : nous allons vers un paysage culturel de plus en plus fragmenté avec une production de niche. Tant que je suis fière de que je fais, ça me va. 

Dernière question, qu’est ce qui t’as fait rire dernièrement ? 

L’actualité est assez déprimante, vous ne trouvez-pas ? Par contre, en ce moment je suis en train de lire une satire sur une université américaine type Yve League, Brown je pense, Bunny de Mona Awad. C’est l’histoire d’une fille qui se retrouve avec quatre copines parfaites et qui va infiltrer leur cercle, c’est génial. 

Marina Rollman reprendra sa résidence au théâtre de l’Œuvre à partir du 24 septembre les mardis et mercredis à 21 heures. Elle est aussi à découvrir chaque lundi dans la Bande Originale sur France Inter. En bonus, elle se produira à L’Art Dû à Marseille les 20 et 21 septembre prochains.

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