SOCIÉTÉ

La Boucle du Ruban rouge #3 – Le dépistage du VIH et la prévention dans les communautés rurales

@Conseil régional Île-de-France

Au cours des deux précédents articles sur la Boucle du Ruban rouge, vous avez pu tout d’abord découvrir le projet et lire les premières impressions de Jérémy. Aujourd’hui, Maze vous propose de creuser le fond du problème auquel s’attaque Jérémy ainsi que le Crips : le dépistage du VIH et sa prévention sur le territoire français, et plus particulièrement encore dans les communautés rurales. Pour ce faire, nous avons contacté Bastien Vibert, responsable du programme de lutte contre le VIH/sida au Crips (Centre Régional d’Information et de Prévention du Sida et pour la santé des jeunes). 

Qu’est-ce que le Crips – en l’occurrence le Crips Île-de-France – et quelle est sa mission ?

BASTIEN : Le Crips Île-de-France c’est le Centre régional d’information et de prévention du sida et pour la santé des jeunes. C’est long à dire je vous l’accorde mais cela reflète bien la réalité de l’action de notre association que l’on peut diviser en deux. Une action centrée sur un public en particulier : les jeunes, dans une approche globale de leur santé, et une action centrée sur la lutte contre une pathologie, le VIH/sida avec principalement des projets de prévention, de promotion du dépistage et de lutte contre la sérophobie en direction des publics les plus exposés – un programme de lutte contre le VIH que j’ai le plaisir de coordonner.

Pourquoi le dépistage et la prévention autour du VIH demeurent des enjeux de premier plan à l’heure actuelle ?

6400. 6400, c’est le nombre de nouvelles découvertes de séropositivité du VIH l’année dernière. C’est un chiffre que l’on n’arrive pas à faire baisser ou très peu depuis plusieurs années alors que l’on a des nouveaux outils qui doivent nous permettre d’avoir un impact très fort sur l’épidémie. Je pense notamment aux nouveaux outils de prévention diversifiée comme la PrEP mais aussi aux nouveaux outils de dépistage comme l’autotest. Aujourd’hui, il y a encore près de 20 % des personnes séropositives en France qui ignorent leur statut  ! Le dépistage est donc une priorité absolue. Et je tiens à le rappeler  : une personne séropositive sous traitement ne contamine plus sa ou son partenaire. Ce n’est pas une opinion mais un fait scientifique  ! Donc se faire dépister, ça a un impact positif que ce soit pour soi ou pour les autres. Aujourd’hui, nous avons clairement les outils pour adapter sa prévention à sa vie, ses possibilités, ses envies  ; à nous, acteurs de la lutte contre le VIH/sida, d’agir pour que tout le monde puisse y avoir accès.

Quelle est la différence entre les actions des différents CRIPS et les mesures prises à l’échelle nationale par le Ministère de la Santé ou encore les ONG ?

Notre action, et d’ailleurs pas seulement la nôtre, s’inscrit dans les plans de santé publique que ce soit par exemple au niveau national avec celui du Ministère de la Santé, qu’au niveau local, avec notamment celui de l’agence régionale de santé ou du Conseil régional d’Île-de-France. Aujourd’hui, avec l’ensemble des acteurs de la lutte contre le VIH/sida, nous essayons d’être les plus complémentaires possible. Après tout, notre objectif est le même  : la fin du sida d’ici 2030  ! Et c’est possible, si l’on s’en donne les moyens.

Comment expliquer que l’accès au dépistage et à la prévention ne soit pas le même partout aujourd’hui en France ? Selon vous, peut-on différencier le rapport au VIH en milieu urbain et celui en milieu rural ?

Vous mettez en exergue un constat très préoccupant  : l’inégalité d’accès à la prévention et au dépistage au niveau géographique. Je rajouterai une grille également, une grille par public  : aujourd’hui, certains publics plus exposés comme le sont les personnes originaires de zones à forte prévalence (Afrique sub-saharienne, Caraïbes, etc.) où les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes ont plus de besoins  ; notre réponse n’a pas à être égalitaire, elle doit être équitable. Mais revenons sur l’aspect géographique. Il y a en effet une inégalité d’accès entre les zones urbaines et les zones rurales mais aussi dans certaines régions comme l’Île-de-France où certaines zones sont très faiblement dotées en actions de prévention – et ce alors que l’Île-de-France concentre près de la moitié des nouvelles contaminations au VIH. La solution pour nous c’est faire de l’«  aller vers  », c’est-à-dire aller au devant des personnes. Leur offrir une solution au plus près. C’est un peu le complément de la prévention diversifiée qui permet d’apporter des outils pour «  coller  » à la vie des personnes. Là, l’idée est d’aller, je le répète, au plus proche d’eux, des lieux de vie pour apporter quelque chose et non pas que la personne soit dans l’obligation d’aller chercher, que ce soit l’information, des outils de prévention, des outils de dépistage. Je prendrai un exemple très précis, celui du dépistage rapide  : des unités mobiles via des associations comme AIDES ou HF Prévention vont proposer une solution de dépistage au VIH en quelques minutes au plus près des lieux de vie des personnes exposées.

Que pensez-vous du projet de la Boucle du Ruban rouge de Jérémy ? Son travail, en termes de prévention et de visibilité, complète-t-il ce que vous entreprenez depuis plusieurs années ?

La Boucle du Ruban rouge c’est un projet porté par un salarié du Crips. Ce projet consiste à réaliser un parcours en forme de ruban rouge, symbole de la lutte contre le sida, sur la carte de France pour aller à la rencontre des citoyens qui veulent s’engager dans la lutte contre le sida et les encourager à faire entendre leurs voix notamment sur un volet international c’est-à-dire l’augmentation de la contribution financière au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Plus largement, l’objectif est de faire connaître les défis actuels de la lutte contre le sida au niveau mondial, national et local et parler prévention, dépistage, lutte contre la sérophobie. Donc oui très clairement, cela s’inscrit dans la stratégie du Crips qui mêle actions de prévention et prises de parole  !

Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site officiel du Crips Île-de-France : https://www.lecrips-idf.net

Originaire de Moselle et ancien khâgneux, actuellement étudiant à la Faculté de Lettres de Sorbonne Université en Traduction franco-allemande, co-administrateur du blog Auteurs en Herbes.

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