Ce jeudi 26 septembre 2019, Jacques Chirac est décédé dans le VIe arrondissement de Paris, à l’âge de 86 ans. La rédaction de Maze Magazine a tenu à rédiger quelques lignes comme témoin d’une page de l’Histoire qui vient de se tourner.
Il y a probablement une ou plusieurs raisons pour que de nombreuses photos insolites du président parcourent la toile française – et au-delà – depuis quelques années maintenant, au point d’ériger l’ancien maire de Paris en véritable « icône pop », des bannières Facebook aux tee-shirts. Au-delà de cette attitude « cool » qui se dégage de ces photos et extraits vidéos qui vont refleurir sur la toile ces prochains jours, celles-ci témoignent, pour une partie des Français et des Françaises interrogé.e.s, d’un homme apparaissant comme attaché à la terre, profondément proche des gens, souvent à leur contact. Le salon de l’agriculture, s’il est nécessaire pour sonder l’opinion et de faire campagne, était surtout l’occasion de bien boire et de bien manger. D’autant plus que cette aspect-là de sa personnalité est apparu dès ses débuts en politiques. Parachuté en Corrèze d’où étaient originaires ses grand-parents, il a très vite labouré sa circonscription, écumant les foires et autres concours agricoles, au plus près des gens. « On me dit que vous voulez faire de la politique ? J’espère au moins que vous savez tâter le cul des vaches » aurait-il alors lâché à Alain Juppé, un jour de mai 1976. Non, Chirac ne rechignait jamais à serrer des poignées de main, à boire un canon ou déguster une pièce de viande.
S’il a su cultiver cette image de président jovial et spontané, était-il le seul président à avoir ce caractère ? On peut, de fait considérer que c’est celui qui apparaissait le plus sincère. Bien sûr, d’autres ont essayé, sans pour autant atteindre ce capital sympathie.
Georges Pompidou, son premier mentor, avait déjà amorcé la rupture avec le sérieux gaullien, en se trouvant toujours avec une cigarette aux lèvres, s’étant également fendu de certaines formules, notamment celle prononcée un soir à Matignon, alors qu’il était premier ministre : « Mais arrêtez donc d’emmerder les Français ! Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays ! (…) Laissez-les vivre un peu (…) » Mais l’apparence quelque peu guindée, « intellectuelle » et effacée du président mort durant son mandat, étriqué entre celui de De Gaulle et de Giscard, n’a pas laissé un souvenir impérissable dans le cœur des Françaises et Français.
Valéry Giscard d’Estaing, rompant avec le cérémoniel classique de la Vème République n’a pas fait illusion longtemps, malgré son arrivée à pied le jour de l’investiture et son invitation à petit déjeuner adressée aux éboueurs du quartier de l’Élysée. Ceux qui suivront ne renverront pas cette image. Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron, mais surtout François Hollande, qui a échoué à être le « président normal qu’il souhaitait être »
Le président de tous les Français
Aujourd’hui et dans les prochains jours, comme pour tout homme politique défunt, sont mis en balance faits louables et « casseroles » de Jacques Chirac, de l’affaire des emplois fictifs à l’appel des 43, du refus de l’intervention en Irak à la sortie de route « le bruit et l’odeur », en passant par les essais nucléaires et la politique en faveur des personnes handicapées, du cancer ou contre le tabac.
Aussi, seront opposés le « fainéant », voire « passif » – selon les termes de Lionel Jospin durant la campagne de 2002, au stratège tirant les ficelles du duel fratricide entre Villepin et Sarkozy, faisant miroiter au premier l’Élysée et au second Matignon.
Mais au-delà de ce « jugement dernier » de l’opinion publique et des analystes, il restera, le surplombant, cette impression de simplicité et de spontanéité jusqu’au bout, qui, à l’heure ou le sentiment d’abandon par la classe politique n’a jamais été aussi fort, reste précieuse. Voilà pourquoi, aujourd’hui, le décès du président le plus populaire de la Vème République émeut par-delà les divergences d’opinions politiques. C’est peut-être le seul président à avoir réussi à séparer l’homme de l’homme d’État. Et si c’était lui, le président normal ?
Le décès de Jacques Chirac a également suscité de nombreuses réactions de la part de la jeune population française, notamment de la génération 1990, pour laquelle il a été le premier président, la première figure d’Homme d’État. Pour cette génération, le décès du Président de la République marque la fin d’une époque.