SOCIÉTÉ

No deal : les futures difficultés économiques du Royaume-Uni et de l’Union Européenne

Le 31 octobre 2019 marquera un tournant pour le Royaume-Uni qui sortira avec accord ou sans de l’Union européenne. Sans accord, les mondes économiques de l’Union européenne et du Royaume-Uni risquent d’être profondément bouleversés.

Comment se préparent l’Union Européenne et le Royaume-Uni au “no deal”  ?

Depuis la nomination de Boris Johnson en tant que Premier ministre du Royaume-Uni, le mercredi 24 juillet 2019, les suites d’un Brexit sans accord semblent se confirmer. L’accord sur le «  backstop  » à la frontière irlandaise pose problème et constitue, selon Arlene Foster, la dirigeante du Parti unioniste démocratique (DUP), ” le défaut persistant et fondamental de l’accord de retrait[1] “. Boris Johnson avait aussi jugé “inacceptable” l’accord que Theresa May avait conclu avec l’Union Européenne en novembre dernier. Cependant, l’UE ne voulant pas renégocier un autre accord, le nouveau gouvernant britannique commence à se préparer à un Brexit sans accord grâce à l’opération “Yellowhammer”. Cette opération est un plan d’urgence visant, à court terme, à faire face aux perturbations dans certains domaines, notamment celui de la santé et de la sécurité. 

Cette finalité du «  No deal  », selon le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, est loin d’être le choix de l’Union européenne puisqu’un accord reste “le meilleur et le seul possible pour l’UE“. La Commission a mis en garde Londres qu’un retrait sans accord provoquerait de nombreuses difficultés pour les entreprises britanniques d’accéder au marché européen. Le Royaume-Uni deviendrait un pays tiers dont les services financiers seront soumis à de nouvelles normes, dont la possibilité de se voir refuser l’accès au marché.

L’impact du secteur financier sur l’Europe

À la veille du référendum, la City de Londres, qui regroupe le quartier des affaires et de la finance, avait annoncé qu’une sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne aurait un impact très négatif sur les opérations financières, car la City réalise 41 % des exportations de services financiers avec l’Union Européenne. Ce pourcentage d’exportations risque d’être divisé par deux à la suite d’un Brexit dur. 

Depuis le 23 juin 2016, la courbe de croissance du secteur financier a fortement ralenti, passant de 3 % à 1,4 % selon le FMI (Fond monétaire international). Ce ralentissement a eu pour conséquence une baisse de la consommation des habitants et de l’investissement des entreprises, ainsi que la chute de la livre sterling face à l’euro et au dollar. Face à la crainte d’un Brexit sans accord, la livre sterling est tombée ce mardi 30 juillet 2019 à son niveau le plus bas depuis 2017.

Selon une étude réalisée par Oliver Wyman (cabinet de conseil de direction générale mondiaux), 30 milliards d’euros seraient à rajouter au coût annuel de l’exportation pour les entreprises britanniques dans le cas d’un Brexit sans accord, contre 19 milliards d’euros avec accord. Cette même étude a été réalisée sur le secteur financier de l’UE, même constatation, une sortie sans accord ajouterait au coup annuel d’exportation de l’Union Européenne environ 35 milliards d’euros contre 16 milliards. 

En raison de cette hausse, de nombreuses entreprises seront obligées de fermer, c’est déjà le cas pour certains commerces familiaux britanniques installés dans des pays de l’Union Européenne. En vue d’un futur Brexit sans accord, certains commerces ne pourront plus importer de la marchandise provenant du Royaume-Uni, puisque les taxes douanières seront soumises aux règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) soit un pourcentage de 4 % à 5 % entre l’Union Européenne et le pays sortant. Le secteur de l’alimentation risque d’être touché par la crise car il ne sera plus aidé par la PAC (Politique agricole commune) établie par l’Union Européenne qui prépare des budgets sur une période de 6 ans uniquement pour le secteur agricole. Grâce à ce programme, le Royaume-Uni a perçu 4 milliards d’euros pour la période de 2014 / 2020. 

Si l’OMC régit les liens commerciaux du Royaume-Uni, la production de l’Union Européenne risque de diminuer de 1,5 % et ses emplois baisser de 0,7 % . La Chambre des communes pourrait finir par accepter l’accord de novembre basé sur un libre échange (ALE) qui impose un faible droit de douane, ainsi que des taxes moins importantes que l’OMC. Il y aurait, malgré tout, une baisse de production de 0,8 % ainsi qu’au niveau des emploi (0,3 %) par rapport à un scénario sans Brexit, selon une étude du FMI. 

Une baisse hétérogène du PIB pour le Royaume-Uni et les autres pays de l’UE

L’estimation précise que les conséquences économiques du Brexit sont difficiles à mesurer, de nombreux économistes proposent différents chiffres en fonction d’un Brexit plus ou moins dur, car la séparation (si séparation il y a) du Royaume-Uni avec l’Union Européenne ne se fera pas en quelques mois, mais plutôt sur plusieurs années. 

Selon un rapport du gouvernement britannique, le PIB du Royaume-Uni risque de chuter de 9,3 % en 15 ans, alors que la Banque d’Angleterre estime une baisse de 7,8 % à 10,5 % d’ici 2024, si aucun accord n’est trouvé. Ce pourcentage inclut également le taux de chômage qui devrait atteindre les 7,5 %, tout comme une inflation de 6,5 % qui engendrerait une baisse du pouvoir d’achat et une augmentation du coût de la vie. Alors que tout augmente, seul le secteur immobilier chute à 30 %. À l’inverse, un Brexit avec accord aurait pour conséquence un PIB légèrement en baisse, entre 1,2 % et 3,8 % d’ici 2024. 

Le secteur risquant d’être le plus touché est celui du transport, autant ses équipements que ses machines. Comme nous avons pu le constater en France, ces dernières semaines, les transports (Eurostar) ont été très perturbés en raison de la grève des douaniers qui demandent des moyens supplémentaires. 

Selon l’article[1]de Marie Charrel publié dans Le Monde le 18 janvier 2019, le PIB de l’économie européenne devrait chuter de 0,1 à 0,25. Si l’on regarde pays par pays les conséquences seront supportées par les pays frontaliers du Royaume-Unis. La République d’Irlande est le principal pays concerné par un Brexit dur puisque ses exportations vers le Royaume-Uni, de biens et services, pèsent 14 % de son PIB. Sur le site Economie.gouv, de nombreux conseils sont mis en évidence afin de préparer les entreprises européennes à un éventuel “no deal”, sur le plan des ressources humaines, des fournisseurs, du stockage, etc. Avec en supplément, un guide douanier. 

Le scénario chaotique d’un “no deal” pour l’Union européenne et le Royaume-Uni pourrait être évité si Boris Johnson accepte l’accord déjà négocié, avant fin octobre. C’est le souhait de la Commission européenne qui fait pression sur Londres à travers la menace du marché européen. Il n’existe pourtant aucune certitude pour le moment sur le devenir du Royaume-Uni. Une seule chose est sûre, quelque soit le scénario, ce divorce aura des conséquences sur l’ensemble de l’Europe.


[1]«  Un Brexit sans accord pourrait coûter 0,1 à 0 ?25 point de PIB à l’économie européenne  » + https://www.lemonde.fr/international/article/2018/11/28/sans-accord-sur-le-brexit-l-economie-britannique-s-effondrerait-selon-la-banque-d-angleterre_5390065_3210.html

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