Photo : Portrait du père Tanguy, Vincent Van Gogh, 1887.
Le nouveau volet de la série documentaire Exhibition on Screen se penche cette fois-ci sur les rapports qu’entretenait le peintre Vincent Van Gogh avec l’art japonais, influence majeure mais méconnue de son oeuvre.
Mort en 1890, Van Gogh demeure l’un des peintres les plus emblématiques du mouvement impressionniste, totalisant plus de 2 000 créations. Derrière ce trait si caractéristique et cette façon visionnaire de penser la peinture, la représentation, le geste et la couleur, se dessine plusieurs influences, dont une qui ne transparaît pas tout de suite lorsque l’on regarde l’ensemble de ses tableaux et dessins, mais pourtant essentielle : celle du Japon, ou plutôt de l’art Japonais.
Japonisme et idéal
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le Japon s’ouvre à l’occident et diffuse un art totalement nouveau, qui ne va pas laisser les français indifférents : à travers les estampes et les chef d’œuvres de l’ukiyo-e (mouvement artistique japonais trouvant son origine au début du XVIIe siècle, que l’on pourrait traduire littéralement par “image du monde flottant”), c’est toute une nouvelle vision qui s’impose dans la sphère artistique et plus particulièrement picturale, poussant les artistes à s’approprier ces nouveaux codes et développer de nouvelles techniques. Lignes courbes, fins contours, aplats de couleurs, minimalisme des éléments et des traits, représentations nouvelles de la nature et de son rapport avec l’Homme, tout un courant graphique et philosophique qui naît, à Paris et aux alentours. Un monde auquel Vincent Van Gogh ne restera pas étranger bien longtemps.
Dans ce film, on apprend notamment que, si Van Gogh connaissait très bien l’art Japonais (il possédait une collection d’estampes de plus de 600 pièces), il s’était en revanche formé sa propre image du pays du soleil levant, motivé par ces représentations artistiques et son caractère idyllique, un “rêve japonais” qu’il ne souhaitait pas briser par des incursions trop réalistes dans l’univers de ce pays qu’il aimait tant. Admirateur du Madame Chrysanthème de Pierre Loti (une référence dans la description des us et coutumes japonais de l’époque), Van Gogh n’a pourtant jamais été, ni n’a même émis l’envie d’aller, au Japon.
Filmer les rapports d’influence : un pari réussi
Donnant la paroles à une multitude d’intervenants (commissaires d’exposition, artistes, spécialistes), ces témoignages sont autant d’éclairages bienvenues sur les obsessions et les ambitions esthétiques du peintre, définies autour de cette idée d’influence de l’art Japonais sur son travail. Partant de l’exposition éponyme qui s’est déroulée au Musée Van Gogh, à Amsterdam, du 23 mars au 24 juin 2018, elle nous plonge au cœur de deux mondes qui, géographiquement lointains, ont pourtant pu se rencontrer par le biais des Beaux-Arts.
Les sublimes plans composés du réalisateurs se mélangent alors avec les toiles de Van Gogh ou des estampes japonaises, filmées au plus près, révélant des détails et des couleurs insoupçonnées. Car c’est peut-être là que ce situe le véritable défi du documentaire : faire découvrir, sous un angle nouveau et grâce aux dispositifs vidéos derniers cris, les œuvres du peintre dans tout leurs éclats, bien trop souvent réduits voire trahis dans les représentations existantes dans les livres et reproductions commerciales.
Le film se divise en trois parties, tout aussi passionnantes les unes que les autres : le développement et l’évolution des arts japonais et sa diffusion à travers l’Europe, l’influence revendiquée à travers la célèbre correspondance qu’il a entretenu avec son frère et mécène Théo, puis celle analysée par des spécialistes, de ces œuvres sur ses travaux, puis enfin les liens à double-sens qu’entretient le Japon avec les œuvres de Van Gogh, puisqu’il demeure là-bas le peintre français le plus connu et apprécié du pays. Un retour des choses assez logique au vue des liens connexes existants entre les deux mondes par le biais de la peinture de cette époque, bien que tardif lorsque l’on sait que Van Gogh est mort avant d’avoir pu accéder à la notoriété, laissant derrière lui une oeuvre d’une richesse et d’une profondeur qui n’en finit pas de fasciner les spécialistes de l’Art comme le grand public.
En somme, Van Gogh et les Japon est, au delà de sa capacité à capturer des œuvres d’art de façon inédite, une réflexion profonde sur les rapports d’influences et les échanges culturels qui prennent place à travers le monde de l’Art et la curiosité aiguisée des artistes.