CINÉMA

« Moonlight », allégorie de l’invisibilisation des racisé.e.s LGBT+

Le 26 février 2017 Moonlight, réalisé par Barry Jenkins, est élu meilleur film lors de la 89ème cérémonie des Oscars. Le scénario, adapté de la pièce In Moonlight black boys look blue (Tell Alvin McCraney) raconte la vie de Chiron ; garçon noir et homosexuel. Une double identité qui a tendance à être oubliée.

« Même quand on gagne, on perd. »

La cérémonie des Oscars est certainement la plus prestigieuse cérémonie de récompenses dans le monde du cinéma. Elle n’a connu qu’un seul imbroglio, qui n’est plus à raconter : le film La La Land se voit décerner l’Oscar du meilleur film. Mais l’équipe déchante lorsque elle est priée de retourner à sa place. En effet, il s’agissait d’un erreur d’enveloppe, et c’est Moonlight qui remporte le prix.

Il devient le deuxième film produit et réalisé par un cinéaste noir après Twelve Year a Slave, et le premier avec un casting entièrement noir. Cet instant de gloire, un peu brouillon suite à l’erreur, semble comme volé.

Plus tard cette année, JayZ sortira un titre nommé Moonlight tiré de son album 4:44. On y entend dans le refrain :

« Y’all stuck in La La land, Even when we win, we gon’ loose »

Comprenez : «  vous êtes coincés dans le La La Land (ndlr un état d’euphorie, également une référence au film). Même lorsque qu’on gagne on perd.  »

Dans son clip, il dénonce le manque de représentation raciale dans les grand succès américain. En effet, le court métrage musical n’est ni plus ni moins que des scènes de la série à succès Friends, avec un casting uniquement noir.

Clip “Moonlight”

Une double identité

Le film Moonlight est composé de trois parties : l’enfance, l’adolescence, la vie adulte. Lorsqu’il est enfant, Chiron fuit sa mère accro au crack et trouve refuge chez un voisin qui aura une figure paternelle. Celui-ci lui explique qu’ « il y a des noirs partout, tu t’en souviendras ? Il n’y a pas un endroit dans le monde où tu iras où il n’y aura pas de noirs ». Plus tard dans cette partie, Chiron commence à se poser des questions sur sa sexualité. Ainsi, ses deux identités sont posées.

Moonlight n’est pas simplement un film noir, c’est un film gay. Et il n’est pas seulement un film gay, mais un film noir. Cette double identité, de nombreuses personnes la vivent et elle n’est pas simple. Slate.fr propose un article à propos du racisme que vivent les personnes racisé.e.s dans la communauté LGBT+. Publié en 2016, il relate des différentes discriminations subies au sein même de la communauté, et la désillusion de certains membres alors qu’ils se pensaient safe.

Représentation

Ironiquement, on peut dire le rôle de « l’ami noir gay » (Incredible Kimmy Smith, Pich Perfect) permet de faire d’une pierre deux coups pour remplir les quotas. Plus sérieusement, nous nous penchons sur les chiffres publiés par Glaad Media Institute (2018/2019) qui quantifie la représentation des minorités dans les programmes télévisés américains.

En 2018/2019, la Glaad Media Institute annonce que 46 % des personnes LBGT+ représentées à la télévision américaine sont des personnes de couleurs. Il est souligné dans le document que c’est une évolution de 11 points de pourcentage par rapport à l’an passé : « il s’agit de la deuxième année de suite que nous voyons une croissance significative ». Un effet Moonlight ?

Du côté des plateformes (Netflix, Hulu, …) c’est une évolution de 25 points qui est observé, 54 % des personnages LGBT+ étant des personnes de couleur.

Moonlight, un film positif

En plus de permettre la représentation de deux minorités, ce film à l’esthétique impeccable est également un film LGBT+ positif. Exit les schémas (trop) habituels, Chiron se pose la question de sa sexualité dès l’enfance, et le spectateur n’assiste pas à son coming out. Surtout, ni sa mère, ni les adultes chez qui il se réfugie ne le rejettent. « Tu connais mes règles. Il n’y a qu’amour et fierté dans cette maison » lui dit sa voisine. Le mieux, c’est qu’il finit par retrouver son premier et unique amour. Il ne meurt pas de maladie, ni de honte. L’ultime scène montre toute sa sensibilité et vulnérabilité dans les bras de celui qu’il aime.

Il appartient donc à ces rares films qui n’orientent pas leur scénario autour du coming out et de ses conséquences familiales souvent douloureuses.

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