CINÉMA

« Dirty God » – Guérir ses maux

La réalisatrice néerlandaise Sasha Polak dépeint le portrait d’une jeune femme en quête d’identité, qui cherche à se reconstruire et surtout à guérir.

Le film s’ouvre sur un gros plan parcourant la peau cicatrisant de Jade (Vicky Knight). La jeune femme, après s’être faite brûlée à l’acide par son ex-compagnon , sort de l’hôpital suite à une longue période de rééducation. Ses bras, son buste et une partie de son visage sont touchés et forment des séquelles qui l’empêchent de retrouver une vie normale. Jade ne parvient pas à se confronter à son masque qui lui rappelle incessamment la violence qu’elle a subi. Le regard des autres passe aussi par ce filtre qu’elle s’impose : sa fille de deux ans la voit comme un monstre, mais un gentil monstre la corrige sa mère. Elle n’est plus désirable et observe le désir des autres. Les remarques et blagues sur son physique sont des rappels qui l’écartent un peu plus chaque jour d’une intégration saine. Maquillage, obscurité, hijab, Jade tente tout pour dissimuler ses cicatrices. Elle parvient finalement à lier les deux bouts lorsque la promesse d’une opération au Maroc s’offre à elle. Trouver l’argent et retrouver son visage deviennent alors ses seules motivations.

Les personnages secondaires qui gravitent autour de Jade sont révélateurs d’un phénomène très actuel : l’individualisme à son extrême. Sa mère la renvoie de la maison, son amie la délaisse pour une relation amoureuse et les gens qu’elle croise éprouvent pitié ou dégout. Sacha Polak fait ressortir le poids de la solitude dans une situation pareille. Si seule, Jade ne parvient pas à aller de l’avant, ce n’est pas son entourage qui pourra la tirer vers le haut. L’amour est désacralisé dans l’histoire de la réalisatrice néerlandaise. Il n’est pas salvateur, il est physique et ne prend la forme d’une lueur d’espoir que dans le regard que lui porte Naz (Bluey Robinson) qui passe outre l’accident et qui la voit comme elle était avant. Malgré cela c’est un regard qui reste celui d’un désir sexuel masculin et qui ne la revalorise que très partiellement. Jade fuit ses responsabilités de jeune mère et ne parvient qu’à la toute fin à réaliser qu’elle n’est pas complètement détruite et qu’elle ne peut vivre qu’en se le persuadant elle-même.

La bande son originale dynamise l’épopée de la jeune femme sur des plans justes et touchant parfois à la poésie. Les jeux de lumière sont intéressants et symbolisent la manière dont se voit l’héroïne : une partie dans l’ombre, jamais valorisée par la lumière du jour, striée par les phares phosphorescents des intérieurs de boîtes de nuit. Une partie de son être qu’elle rattache au passé, à la figure de corbeau noir de son agresseur qui hante encore son quotidien. Vicky Knight, déjà victime de brûlures à l’acide, embrasse son rôle avec fureur. Elle est hypnotisante, incarne habilement ce mélange de désespoir et d’acharnement métaphorique qui brûle en elle. Si l’on peut reprocher une écriture plutôt facile et prévisible, et un contexte en second plan peu exploité, le portrait d’une jeune femme qui se bat contre elle-même dans le but de se reconnaître est réussi.

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