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REMBOBINONS – Altamont 1969 : Les Stones en enfer

© Bagby / Dey Street Books

Il y a tout juste 50 ans, l’histoire du rock était marquée par une véritable tragédie : l’assassinat, en plein concert des Rolling Stones, de Meredith Hunter, étudiant afro-américain venu applaudir son groupe fétiche. Retour sur cette sombre histoire sur fond de rock’n’roll.

Le 19 avril dernier, les Rolling Stones sortaient un Best Of regroupant les plus grands titres de leur carrière, ceux qui ont fait du célèbre groupe de rock une légende. Dans cet album, on retrouve des morceaux tels que AngieDoom and Gloom ou encore Brown Sugar. Cependant, si vous êtes assez passionnés par les Stones, un morceau en particulier a dû attirer votre attention, puisque est associé à une sombre histoire : il s’agit de Under My Thumb, chanson durant laquelle a eu lieu un terrible événement. Coup de projecteur sur une soirée à part dans la carrière des Rolling Stones, et plus particulièrement le fiasco de leur passage au festival d’Altamont en 1969.

La mise en place d’un monument du rock

Nous sommes en Novembre 1969. Les Rolling Stones sont à leur apogée, symboles des mauvais garçons britanniques qui s’affranchissent de toutes les règles. C’est aussi l’explosion du mouvement hippies aux États-Unis, mouvement connu pour ses chemises à fleurs, les cheveux longs, la «  cool attitude  » et un usage important de drogues. Ce mouvement explose au cours du festival de Woodstock qui représente un point culminant du flower power. Les Stones n’y sont pas invités mais ils entameront une tournée pour aller à la rencontre de leur public américain. 

La «  première tournée mythique de rock and roll de l’histoire », selon Robert Christgau, débute le 7 novembre 1969. Les Stones se voient critiqués car les prix des billets sont très élevés. Mick Jagger stipulera qu’il n’est pas économiste mais chanteur, qu’il ne fait pas ça pour l’argent, bien au contraire. Ainsi pour prouver leur bonne foi, ils organiseront un concert totalement gratuit à Altamont, le 6 décembre 1969.

La mise en place de ce concert totalement gratuit a connu beaucoup de rebondissements, à commencer par le choix du lieu. En effet les Rolling Stones enchaînent beaucoup de refus car personne ne souhaite qu’un tel rassemblement ait lieu, chez eux et sans recevoir aucun retour financier. C’est finalement l’Altamont Speedway, circuit automobile célèbre qui sera choisi comme lieu pour le festival, à condition que tous les profits réalisés soient reversés à une association. 

Pour ce qui est de la sécurité, en vue des possibles débordements, les Stones demandent des conseils à un autre groupe, censé jouer également dans le festival. Grateful Dead recommandera alors les Hells Angels, groupe de motards célèbre pour ses penchants pour le crime organisé. Pour être sur qu’ils feront vraiment le travail jusqu’au bout, le groupe les payera près de 500$ en bières.

Le déroulement de cette nuit de cauchemar

Tout est en place, le festival peut commencer. La foule arrive par milliers, comme on le remarque très bien dans le film documentaire Gimme Shelter réalisé des frères Maysles et Charlotte Zerwin. En effet à l’occasion de ce festival inédit, ils ont l’idée de tout filmer, ce qui s’avérera très utile par la suite. Sur les images, on voit l’autoroute menant au circuit encombré de milliers de voitures, sur plusieurs kilomètres. Plus de 300 000 personnes se rendent à Altamont. On y observe également des gens assis dans l’herbe avec des sacs de couchage à fumer, rire ou jouer de la musique. L’ambiance en début de festival paraissait plutôt bonne jusqu’au samedi 6 décembre. 

Les témoignages de cette journée sont pourtant très pessimistes, tous parlent de mauvais temps, d’un climat de violence et d’abus en tout genre. Les Hells Angels, chargés de la sécurité, ont déjà commis certains débordements en frappant par exemple le chanteur Marty Balin du groupe Jefferson Airplane. Ils se sont munis de queues de billard et n’hésitent pas à s’en servir. Voyant toute cette violence, le groupe Grateful Dead refuse de monter sur scène et de jouer. Mick Jagger va longuement se poser la question également, mais lui et les Rolling Stones monteront tout de même sur scène à trois heures du matin, craignant de décevoir leur public.

Le concert commence, il y a une bonne ambiance mais très rapidement on observe des débordements. Mick Jagger se voit attribuer un double rôle  : il est chanteur mais il doit discipliner la foule sous substances. Gimme Shelter, le film documentaire, permet permet de nous immerger dans cette soirée sans précédent ; dès les premières minutes du concert, Jagger est obligé d’intervenir car des membres du public sont en train de se battre. Il prend alors le micro et s’exclame : «  Frères et sœurs, allez, soyons détendus  ». Cela suffira pour qu’ils arrêtent de lutter et que certains manifestent leur envie de paix, faisant un signe « peace and love  » avec leurs doigts. 

Pourtant, quelques minutes plus tard, lors de la chanson Under My Thumb, le cauchemar continue. Un spectateur afro-américain âgé de 18 ans, Meredith Hunter, se fait poignarder par un membre de la sécurité, juste devant la scène, le tout filmé par les frères Maysles. Ironie du sort, le coup de couteau fut porté lors des paroles «  I pray that it’s all right  », autrement dit “je prie pour que tout aille bien”. On voit nettement qu’un membre de Hells Angels se rue sur Hunter pour lui enfoncer un couteau dans le dos, puis il sort du champ des caméras. On apprendra grâce aux images que Meredith Hunter pointait un revolver sur les Rolling Stones mais cette arme n’a jamais été retrouvée. L’autopsie révélera que Meredith a été frappé de cinq coups de couteau et qu’il était sous méthamphétamines. Les Stones, n’ayant pas mesuré la gravité de ce qui venait de se passer, ont continué à jouer.

Ce festival marque alors la fin du mouvement hippie, le flower power est désormais fané. Altamont restera une page noire dans l’histoire des Rolling Stones. Mick Jagger va mettre beaucoup de temps à s’en remettre, il déclare se sentir responsable mais accuse les Hells Angels de ne pas avoir bien fait leur travail. Cependant, Sonny Barger, un Hells Angel, expliquera que les conditions de travail n’étaient pas aussi nettes que ce que l’on faisait croire : “on m’a dit que si je m’asseyais sur le bord de la scène, pour bloquer les gens, je pourrais boire de la bière jusqu’à la fin du concert.” Cela prouve que la sécurité a vraiment été prise à la légère.

Les Rolling Stones vont mettre trois ans avant de revenir jouer sur le sol américain. Le meurtrier de Meredith Hunter, Alan Passaro sera jugé pour meurtre en 1972 mais il sera acquitté, considérant qu’il avait agit par légitime défense.

50 ans ont passé, les Rolling Stones sont toujours un monument du rock et n’arrêteront qu’à leur mort. Ils continuent leurs tournées tout autour du monde et leur dernier album, la compilation Honk, est sorti le 19 avril dernier. Néanmoins, le groupe britannique connait encore des problèmes avec les Etats-Unis puisque Mick Jagger a annoncé le 30 mars dernier qu’il ne pourra pas assurer ses concerts en Amérique à cause de problèmes de santé… Une affaire à suivre, qui en dit long sur la richesse et la longévité de la carrière de ces géants.

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