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La mode, une histoire de couleur : le bleu

Avant le Moyen-Age, ce n’est pas un champ colorimétrique en tant que tel. Linguistiquement, le bleu n’existe pas. Naguère, les bleus les plus foncés étaient associés au noir quand les bleus plus clairs étaient considérés comme des nuances de blanc. Pourtant aujourd’hui, bleu pastel, bleu pétrole, céleste, horizon, turquoise, céruléen, indigo, de perse se succèdent dans les défilés de mode.

Quelques nuances de bleu © Pinterest/InspiredByAmina

Une affaire de teinture

Naturellement, le bleu n’est pas une couleur aussi courante que le rouge, le jaune ou le vert. En plus d’être rare, il a pendant longtemps été difficile à fabriquer et à maîtriser. Son processus de production est complexe, ardu et coûteux, spécifiquement pour les nuances les plus prisées comme le bleu outremer par exemple, extrait de la pierre semi précieuse lapis-lazuli (qui est à présent le nom d’une autre nuance de bleu).

Aujourd’hui encore il est difficile à maîtriser notamment dans la formulation des cosmétiques. Les teintes les moins réussies sont souvent plus susceptibles de contenir des pigments bleus. De même, les teintes de bleu et de violet sont souvent inégales dans leur homogénéité et leur opacité (petite astuce McGyver, si vous voulez voir la qualité des fards d’une marque, swatchez les violets et bleus qu’elle propose.).

Blue Blood de Jeffree Star Cosmetics © Jeffreestarcosmetics/Makeupbydanielanyc

Petite histoire du bleu

Dans l’Antiquité, le pigment bleu s’obtient surtout en broyant des minéraux. C’est ainsi que s’obtiennent le lapis-lazuli (cité plus haut) ou bien l’azurite. Cette teinte donne le fameux bleu d’Alexandrie, ou “bleu égyptien” (considéré comme le premier pigment synthétique de l’Histoire). Assez présent pendant l’Antiquité, il se perd au Moyen-Age pour laisser la place dominante aux teintures végétales avec différents arbustes, notamment l’Indigofera Tinctoria, très répandu et utilisé puisque qu’il est pratique et s’acclimate facilement à l’environnement dans lequel il est placé.

Les techniques elles, sont similaires voire identiques (un procédé de cuve) pour extraire les pigments indigos (utilisés pour les jeans par exemple). Après le minéral et le végétal (un procédé ne marque pas la cessation du précédent) on retrouve le bleu de synthèse, avec le bleu de Prusse.

Ce premier pigment synthétique moderne est le résultat d’un hasard heureux. Johann Jacob Diesbach, une marchand de couleurs allemand, souhaitait à la base obtenir du rouge profond. Cette découverte marque le commencement d’une accumulation de nombreuses teintes de synthèse comme le bleu de cobalt, outremer véritable, céruléen ou encore de Phtalo, pour ne citer qu’eux.

Le bleu textile

Le bleu et une couleur intemporelle, chic et versatile. Véritable classique, c’est un basique dans toute garde-robe. Cette couleur a longtemps été associée à l’opulence, avec les Egyptiens notamment qui s’en servaient entre autre pour orner et décorer les sarcophages, ou bien avec le fameux bleu élisabéthain réservé à la royauté.

Masque funéraire de Toutânkhamon orné de pigments de Lapis-lazuli
© Jon Bodsworth

Si en France la couleur renvoie à la royauté, c’est avant tout l’Eglise Catholique qui en fait la couleur de la Vierge Marie. Les rois de France s’approprient la couleur en s’inspirant de ce bleu sacré. Ensuite c’est l’effet domino, les seigneurs imitent les rois.

Avec l’industrialisation, la production textile est centralisée, l’importation des teintures est plus facile, les techniques d’extraction des pigments s’améliorent et facilitent les procédés de coloration. Le bleu devient plus accessible et concurrence les nuances crèmes pour les vêtements de travail : c’est l’apparition du fameux bleu de travail. Le bleu revient au peuple. Soldats, marins, généraux entre autres s’emparent de la couleur sur leurs uniformes.

Mondialement, la couleur est souvent associée à la notion de paix, étant froide, calme et apaisante. Ce n’est pas un hasard si le drapeau des Nations-Unies et ses Casques Bleus sont bleus. Cela fonctionne aussi pour le drapeau de l’Union Européenne ou les uniformes des gendarmes et policiers (les fameux « gardien de la paix » Cqfd).

De l’utilitaire à la mode : le jean, pièce bleue par excellence

Comment parler du bleu sans parler du super well known Blue Jeans ? Depuis les années 1500, le tissu jean est utilisé pour habiller les marins de Gênes (Blue Jean découle de « bleu de Gênes ») pour sa résistance et sa robustesse. Avec l’exportation dans toute l’Europe de ce tissu en coton et lin très solide, des tisserands tentent de reproduire ce dernier, sans succès. A force d’expérimentations (autour de 1600), un tissu similaire, composé de laine et de soie voit le jour à Nîmes – le fameux Denim.

Bien plus tard, en 1853, Levi Strauss et Jacob Davis s’associent pour donner naissance aux jeans. Les pantalons qu’ils proposent sont solides et se destinent aux travailleurs, bûcherons ou chercheurs d’or. Leurs lignes n’ont rien à voir avec aujourd’hui : poche unique, coupe large, surpiqûres en lin orange et poche à outils pour certains. Adopté par les paysans après la Grande Dépression, il devient vite emblématique des cow-boys. L’illustration de deux femmes portant un jean Levi’s dans un numéro de Vogue apparaît en 1935. Pour qu’un mannequin porte un jean en couverture du Vogue US il faudra attendre novembre 1988, lorsque Anna Wintour met Michaela Bercu en une du magazine… Car la mannequin était “trop grosse” pour des vêtements de haute-couture.

Après la Seconde Guerre Mondiale les magasins américains exportent leur surplus dans le monde entier et c’est le début de la fashion story mondiale du jean, une pièce contestataire, populaire et à la mode, généralisée depuis 1950 par des stars de cinéma comme James Dean.

James Dean en Jean Levi’s 501 ©Pinterest/ Levi’s

Des Hippies aux rockeurs, de la coupe baggy au slim, le jean est une pièce incontournable et intemporelle. Avec la massification du jean, il ne tarde pas à rejoindre les podiums. Petit favori du créateur Giorgio Armani, le bleu est aussi symbolique du créateur avec son fameux “bleu Armani” et sa marque Armani Jeans. Pour le Armani, le jean est “démocratique et universel“.


Jean indigo ©Dior croisière, automne 2020

« […] Ce que vous ne savez pas c’est que ce pull n’est pas juste bleu, il n’est ni turquoise, il n’est pas lapis, c’est un pull que l’on appelle céruléens. Je suppose que vous ignorez parfaitement qu’en 2002 Oscar de la Renta à sorti une collection de robes céruléen…et c’est Saint-Laurent je crois qui à créer les vestes militaires bleu céruléen. Ensuite le bleu céruléen est vite apparu dans les collections de huit différents stylistes. Et puis la tendance à influencé la plupart des grand magasins et s’est répandue dans les boutique bon marché […] Bref ce bleu céruléen représente des millions de dollars ainsi qu’un nombre incalculable d’emplois et je trouve assez amusant que vous pensiez avoir fait un choix qui n’a pas été dicté par l’industrie de la mode alors qu’en fait vous portez un vêtement qui à été choisi pour vous par des gens qui se trouvent dans ce bureau au beau milieu d’un tas de fringues. »

Le Diable s’habille en Prada, Miranda Priestly à Andy Sachs.

Le plus grand moment du bleu dans la mode est sans aucun doute le monologue de Miranda Priestley dans Le diable s’habille en Prada sur la causalité dans l’industrie de la mode. “From a pile of stuff

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