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« Hospitalités », une pièce de partage et d’expérience

Photo : © Laure Cellier et Pierre Nydegger

Hospitalités de Massimo Furlan et de la dramaturge Claire de Ribaupierre est une pièce originale sur la problématique de l’accueil de l’étranger et du rapport à l’autre. Une création artistique qui affecte autant son public que ses interprètes.

Plongée dans le noir, la scène s’éveille à la lumière de l’écran géant qui s’anime au rythme du texte qui défile. Il nous explique les origines de la pièce qui va se jouer par la suite, un spectacle mené par les voix de neuf protagonistes, cinq femmes et quatre hommes, qui racontent leur histoire dans une première partie, puis abordent leur vision de l’hospitalité par une mise en perspective plus sociologique, philosophique et littéraire. Seulement, à la base, il n’était pas forcément question d’une pièce de théâtre mais plutôt d’une scène vivante qui aurait été le village lui-même. L’histoire commence en 2014 au Pays-Basque dans le petit village de la Bastide-Clairence, lorsque Kristof Hiriart invite en résidence le metteur en scène dans le cadre de la compagnie LagunArt, afin de promouvoir le partage de la création artistique. L’idée de Massimo Furlan était de trouver une «  solution  » au problème que rencontrait le village, à savoir, le prix de l’immobilier. Grâce à quelques habitants tenus au secret, il souhaitait faire courir la rumeur que le village allait accueillir des migrants pour faire chuter le prix de l’immobilier, afin de susciter des réactions et des questionnements. L’effet de cet élément de fiction sur la population réelle aurait créé par la suite, un projet artistique.

Quand la fiction devient réalité

Mais, en 2015, l’évolution de la situation la crise migratoire en Europe, conduit la réalité à dépasser la fiction et, en aout 2016, Léopold Darritchon, le maire de la Bastide-Clairence alors en fonction décide d’accueillir une famille syrienne et d’en quelque sorte concrétiser le projet imaginé par Massimo Furlan. Hospitalités ne porte pas sur l’arrivée de cette famille mais plutôt ce que représente l’hospitalité dans la vie de chacun des acteurs au travers de leur parcours de vie très différent. 

«  J’ai trouvé ce spectacle construit au fil des témoignages d’une touchante et émouvante authenticité. Simplement, il nous place, spectateurs, devant des questions essentielles à notre époque et qui ne peuvent que résonner avec les enjeux des migrations actuelles  » .

Jeanne, spectatrice
Crédit photo : Laure Cellier et Pierre Nydegger

Une ouverture artistique qui nourrit notre empathie

Lorsque le texte blanc sur fond noir se change en paysage basque une des neuf voix commence à narrer son histoire, puis elle se coupe pour laisser place à une deuxième, puis une troisième… Un dispositif qui pourrait paraitre complexe pour le suivi des histoire mais qui s’avère fonctionner car les témoignages sont tous très différents, ce qui permet facilement au spectateur de chaque fois comprendre lequel des protagonistes reprend le fil. Certains parlent de leur enfance au Pays Basque, de leurs études qui les ont amenés à partir plus loin, de la maladie qui rapproche et qui sépare, de ne pas avoir de chez-soi, d’avoir du mal à aller vers l’autre. Mais toujours avoir le besoin de revenir.

À la manière du pacte de lecture, le spectateur s’engage à croire, à vivre chaque mot des acteurs ce qui nourrit notre empathie sur les différentes problématiques abordées. Le montage final résulte du travail de sélection opéré par la dramaturge Claire de Ribaupierre, qui a demandé à chaque participant d’écrire sur sa vie, avant de choisir et d’agencer des portions pour former un tout logique et évocateur sur le partage, la communauté et le sens de ce que veut dire «  chez-soi  ». Pour Véronique Darritchon professeure de danse et de sport et une des neuf interprètes, cette ouverture artistique a été bénéfique également aux les acteurs eux-mêmes : «  le fait d’avoir amené l’art à la population, aux acteurs amateurs, cela leur a permis de se transformer par le recul qu’ils ont eu sur leur vie et sur leur présent. Ils ne sont plus exactement les mêmes personnes qu’au début de la préparation du spectacle […] L’opportunité de la pièce m’a redonné un élan personnel et professionnel, je suis plus à l’écoute d’une démarche artistique, du partage et de la création auprès de mes élèves. Cela m’a donné envie de créer un spectacle par la suite  ».

Crédit photo : Laure Cellier et Pierre Nydegger

Grâce à ces transformations personnelles, le spectacle est en constante mise à jour, même si les textes écrits restent fixes, la manière de jouer évolue au travers des récits vivants en échos avec le passé et le présent. La deuxième partie du spectacle, plus classique, donne une vision universelle et s’enrichit de textes littéraires, sociologiques et philosophiques sur le rapport à l’autre et la question de l’hospitalité.

«  Ce qui m’a le plus marqué, c’est que la vraie hospitalité, elle est inconditionnelle. C’est-à-dire qu’à la base quand tu accueilles quelqu’un c’est sans jugement et je n’y avais pas pensé. C’est seulement après que j’ai réfléchi à mon parcours et à la vie.  »

Véronique Darritchon

Le spectacle offre également un petit goût de la culture basque grâce aux danses et aux chants traditionnels qui rythment les histoires. D’ailleurs, le public peut être actif par moment, lorsqu’il a le choix de voter pour le chant que les acteurs devront interpréter.

Hospitalités touche souvent un certain public déjà averti sur la question de l’accueil de l’étranger et du rapport à l’autre. Pourtant, l’élément novateur qui pousse le public à aborder un peu différemment la question de l’hospitalité, c’est l’authenticité des acteurs amateurs. Ils parlent en leur nom, avec leur ressenti, et surtout, avec leur vision de ce qu’est l’accueil.


Hospitalités de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre. 1h30. En tournée. Pour plus d’informations sur les dates : www.massimofurlan.com Et sur la compagnie et l’association de la Bastide-Clairence : www.lagunarte.org/fr et clarenza.org/fr

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