CINÉMAFestival de Cannes

CANNES 2019 – « Rêves de Jeunesse » Entretien avec Salomé Richard et Yoann Zimmer

© Shellac Distribution

ACID- Un rêve de jeunesse d’Alain Raoust a ouvert la très belle sélection de l’Association des Cinéastes Indépendants, l’occasion de nous entretenir avec les jeunes acteurs de son film, Salomé Richard et Yoann Zimmer.

Un Rêve de Jeunesse faisait l’ouverture de l’ACID ce mercredi, quelles ont été vos impressions à la projection et quel lien entretenez vous avec l’ACID  ?

Yoann Zimmer  : C’est un beau film pour ouvrir la sélection de l’ACID, je trouve que ça a du sens qu’il en fasse partie. L’ACID est un bon tremplin pour la vie des films. J’étais déjà venu dans cette sélection (Crache Cœur de Julia Kowalski, 2016) du coup je suis très content d’être de là de nouveau. Pour le ressenti de la projection d’hier c’était vraiment chouette, je trouve que l’ACID c’est assez cool, ce sont des gens bienveillants, qui ont envie de voir du cinéma. Je découvrais le film aussi donc on se demande toujours à quoi ça va ressembler et en l’occurrence j’étais très content. Je me suis bien senti  !

Salomé Richard  : Moi j’étais très agréablement surprise par le bon accueil que le public nous a fait, finalement il y a de l’humour dans le film. Je n’en doutais pas à la lecture mais sentir que ça prenait vraiment c’était vraiment chouette, d’entendre la salle rire de bon cœur. C’était mieux que ce que j’avais imaginé à vrai dire.

Y.Z  : Il y avait toute l’équipe technique aussi, ça crée une ambiance de groupe qui est très chouette, de pouvoir  porter le film tous ensemble devant le public.

S.R  : Et puis c’est un film qui parle du collectif donc ça a vraiment du sens que toute l’équipe soit là. Et qu’on puisse s’en réjouir collectivement.

Qu’est ce qui vous a donné envie d’incarner les personnages de Clément et Salomé  ?

S.R  : Pour ma part ça s’est présenté d’une manière un peu rigolote dans le sens où Alain m’a contacté pour me proposer le rôle, sans me faire passer d’essais, parce qu’il m’avait vu dans Baden Baden (Rachel Lang, 2016). Et qu’il avait envie, avant même d’avoir les financements, que ce soit moi qui incarne ce personnage là. Après c’est un film qui me parlait parce que ça défend des idées et des valeurs qui me sont chères, et qui sont aussi le reflet d’un état du monde avec lequel je suis un peu en désaccord.

Y.Z  : Moi j’ai fais des essais, après Alain m’a envoyé un petit texto pour me dire qu’il avait kiffé. J’ai lu le scénario et ce qui m’a donné envie c’est que je me retrouvais un peu dans tous les personnages. Je suis assez en accord avec le personnage de Clément et j’avais envie de porter cette voix, par rapport à l’histoire de son frère Matthis qui meurt à cause des violences policières, c’est quelque chose qui est bien réel aujourd’hui, on en est tous témoin.

Une des forces du film c’est justement de travailler le comique pour soutenir ce sentiment d’une forme d’une tragédie de la violence quotidienne. Je pense à la scène où vos personnages lisent la lettre d’adieu du cycliste qui a raté son suicide

Y.Z  : Je trouve qu’il y a une belle empathie avec les personnages dans le film.

S.R.  : Tous ces personnages sont assez vulnérables, il y a une espèce d’humour qui nait du fait qu’on se retrouve chacun.e.s dans les combats qu’ils mènent, dans leurs maladresses, leurs désespoirs. Tout le monde se retrouve dans le comique de certaines  situations et en même temps dans la violence que ça exprime, et c’est ça qui je crois est fort dans ce film, c’est qu’il ne met pas en étendard des grandes situations clichés, c’est des petites situations de violences, des petites fractures qui s’accumulent les unes aux autres. Je pense que c’est là où le film est profondément politique c’est qu’il touche à l’intime des gens.

C’est un choix politique selon moi de choisir d’ancrer le film dans une décharge, une déchetterie. Parce que c’est un espace qu’on juge assez peu digne d’être romanesque, c’est là où on abandonne des choses qu’on juge usées, obsolètes, et finalement le film en fait un lieu traversé d’histoires

S.R  : C’est drôle parce qu’Alain en parle comme un espace de rebut mais aussi où on recycle. Et alors tout à coup me vient cette idée de transformation, tous ceux qui passent par là en ressortent transformé.e.s. Dans une version peut être pas meilleure d’eux même mais active.

Y.Z  : Clément il se détend un peu, il tape des clous, il sourit.

S.R  : Oui et puis ils décident quand même d’aller reconstruire les cabanes dans les bois.

Y.Z  : Chacun se bouge et c’est ça qui est cool par rapport aux personnages et à l’histoire, ce sont les rencontres des personnages qui font le film.

Copyright Shellac

Justement à la fin du film, il y a cette idée très belle de choisir de ne pas reléguer le rêve à l’enfance mais d’en faire un moteur du quotidien. Je pense au moment où Salomé et sa sœur quittent leur appartement parce que leur colocataire a brûlé les costumes de taupes qu’elles avaient fabriqués. C’est absurde mais en même temps il y a quelque chose de l’ordre d’une violence inacceptable pour elles.

S.R  : Tu parlais de la décharge comme un endroit d’impensé narratif et j’ai l’impression que ce truc des taupes fait écho à la déchèterie, c’est ce qui est sous-terrain, qu’on a pas envie de voir, qu’on considère comme nuisible. Il y a du coup cette idée de reconstruire ou de construire ailleurs, autrement. De pas considérer que changer de système est un échec.

Y.Z  : Comme les petites taupes qui creusent le sol pour ressortir à un autre endroit.

S.R  : J’ai l’impression que c’est un film qui raconte comment on arrête de subir et comment on devient actif.

Par rapport à la relation de vos deux personnages, je parlerai plus d’histoire de sentiments que d’amour, il y a ce poids du deuil, qui est différent pour chacun de vous, et qui ouvre à la possibilité de représenter une histoire d’amour autrement

S.R  : Moi j’aime bien notre histoire (rires) je la trouve juste.

Y.Z  : C’est clair. Le fait que Clément ne capte pas tout de suite que Salomé est l’ancien amour de son frère c’est drôle. Il est assez innocent alors qu’après ça devient un mec qui se durcit plus et qui lui montre un autre visage. On sent que pour le coup il a besoin d’un gros pansement le gars (rires) et elle aussi d’une certaine manière.

S.R  : Il me reste en tête  cette scène sur le ponton où on va chercher comment se donner du réconfort et finalement le résultat est le bon  ! Ce n’est pas du sexe qu’il nous faut c’est juste, se donner la tendresse dont on a envie, juste pas de manière stéréotypée.

Y.Z  : Je suis d’accord. Pour le coup moi je crois que le mec il a envie d’un gros câlin  !

Ça me ramène à la question de la vulnérabilité de vos personnages dans le film. Je ne sais pas comment vous avez senti votre rapport au corps sur ce film mais la thématique du costume est très présente, peut être moins chez Clément que chez Salomé, avec cette salopette de travail que tu portes une grande partie du film

Y.Z  : Attend t’as pas remarqué ma petite veste sans manche en mode Top Gun (rires). Pour le coup moi je trouve qu’il y a costume chez tout le monde. Le costume ça nous identifie vachement, je me suis blondi les cheveux pour le film, ça raconte des trucs, c’est ce qui nous permet d’être un autre.

S.R  : Moi je m’étais juste pas rendue compte à quel point cette salopette faisait ressortir si fort mon boule  !

Est ce qu’il y a d’autres choses que vous aviez envie d’aborder à propos du film ?

S.R  : Je suis contente qu’on ait parlé de cette idée de transformation, de la marge qu’on essaie de faire disparaître parce qu’on la défini comme nuisible. On en parle de manière métaphorique dans le film  mais ça s’exprime de la même manière dans la culture et dans la société dans laquelle on vit, la volonté de détruire ce qui se passe à la marge, de l’invisibiliser envers et contre tout.

Y.Z  : Il y a aussi un truc intéressant c’est la manière dont le film résonne du coup avec le mouvement des gilets jaunes, qui a commencé après le tournage, et les marches pour le climat qui ont pris une grande ampleur, notamment chez les jeunes. Du coup le film coïncide avec une réalité, un état du monde.

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