© Shayne Laverdiere
SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION – Les films récents de Xavier Dolan et leurs diverses transpositions dans différents milieux semblaient s’éloigner de son travail initial. Avec Matthias et Maxime il compose un film sur l’amitié, imparfait, mais touchant qui opère un retour aux sources.
Suite à un pari perdu, Matthias (Gabriel D’Almeida Freitas) accepte de jouer une scène avec Maxime (Xavier Dolan), son ami de toujours, pour un court-métrage amateur, durant laquelle ils doivent échanger un baiser. Acte en apparence annodin, il va pourtant bousculer l’ordre établi et semer le doute sur la nature de leur relation entre amitié et amour possible. Une intrigue simple qui permet au film de disséminer sa beauté sur la longueur. À cela s’ajoute d’emblée une limite temporelle, puisque Maxime part, créant une pression induite que l’on aurait tendance à oublier si ce n’était pour les intertitres. Il déménage en Australie par besoin de laisser une vie derrière lui, entre une mère toxique brillament campée par une Anne Dorval qui ne peut décévoir, et un frère absent. Si l’on ne sait rien de l’après, on suit ses derniers instants au Québec alors qu’il s’apprète à laisser derrière lui de touchantes amitiés.
Avec Dolan, on pensait connaître la partition, puisque dès l’ouverture de Matthias et Maxime, on reconnaît la beauté brute de ses débuts. Certains motifs sont répétés, comme cette route si esthétique, cette fois bordée d’érables rougeoyants propres au Québec et situant le film durant l’automne, voire l’été indien. Une route qui ne mène pas à une situation délicate comme dans Tom à la Ferme (2013), mais à un beau châlet près d’un lac, lieu privilégié dans lequel se retrouve une bande d’amis aux profils divers.
Et pourtant le réalisateur québécois surprend. Bien entouré, il met en scène avec brio l’humour et la bienveillance familiale de ses amis d’enfance. En première partie de film, il livre sans aucun doute une des scènes les plus drôles de sa filmographie dont ressort autant de répliques déjà cultes tel « Le patronus de ta mère c’est un Burger King ». À cela s’ajoute une alchimie palpable, ainsi que des personnages secondaires mémorables tant leur prestation crève l’écran. De l’hilarant Rivette (Pier-Luc Funk) à l’attentionné Frank (Samuel Gauthier), tous possèdent une identité propre et qui ne laisse pas insensible. Par la suite, c’est le personnage incarné par Micheline Bernard, Francine, qui touche de justesse et qui rappelle que Dolan affectionne non pas ses personnages de mères, comme il le rappelle, mais ses personnages de femmes tout court.
La douceur du film se trouve également dans l’utilisation des saisons pour souligner la confusion de Matthias, mais aussi dans sa manière de dresser une intimité par la bande son toujours plus étonnante et pourtant signature du cinéaste dont on ne spoilera les choix musicaux. L’image aussi est repensée, optant pour des tons pastels servant le propos et maîtrisés à merveille par un André Turpin toujours aussi habile avec son art. Certains plans recèlent de trouvailles marquantes dont un hommage à Titanic sur fond de plastique isolant, ou un Dolan encadré par la volupté de rideaux blancs.
Si le film dispose de petits bémols, tel le mixage sonore et les longueurs en court de route, Matthias et Maxime captive. Plus qu’un film d’amour, Dolan dresse une ode aux amitiés, celles loyales, et que rien ne peut ébranler. Des amitiés qui dépasse la fiction, et qui se ressentent autant à l’écran qu’en conférence de presse.