MUSIQUE

Avec « Liquid », Siz s’impose comme le Poséidon de la scène française

© Christian Bolognaise / Siz / Flippin’ Freaks Records

Produit par Arthur de JC Satàn, le trublion Siz dégaine Liquid, son premier album. Un disque fluide, sous pression, sur lequel il revient avec nous à l’heure de dévoiler son nouveau clip, Fantasize, en exclusivité sur Maze.

Il y a trois mois, nous rencontrions Th Da Freak, étoile montante du rock “Maze” in France, à l’occasion de la sortie de son deuxième album, Freakenstein. Au poste de bassiste, son frère, Sylvain Palis, évoluant également dans le Flippin’ Freaks, vaisseau-mère de ces nombreux projets qui secouent la scène Bordelaise depuis quelques années, devenu aujourd’hui label. Une histoire de famille que Sylvain fait vivre sous les traits de Siz depuis son adolescence, et qui prend la forme aujourd’hui d’un premier disque accompli, débordant d’énergie et à l’image du personnage.

Un premier album après.. une vingtaine d’EP !

Ou plutôt trois, officiellement. Pourtant, sur le site 1epparjour, on trouve une pléthore de disque qu’il a déjà publié et réalisé sous différents pseudos, pourtant tous issus du même cerveau. Du rap à la pop symphonique en passant par des expérimentations électroniques, Siz explorait alors ses capacités créatives tout en faisant preuve d’un très grand sens de l’humour. Une auto-dérision qui l’accompagne partout, y comprit dans ce premier effort long format, 8 titres denses et électriques pour un peu plus d’une demie-heure de musique.

“Cet album a été conçu comme un best of de chansons écrites en 2016 et 2018, dans trois lieux différents à Bordeaux, là où je vivais : d’abord dans le quartier de St Michel, puis la majeure partie près des Boulevards, en dehors du centre. Et enfin aux Chartrons, dans un appart un peu dépravé, à l’image des morceaux que j’y ai composé”

SIZ

A Bordeaux, il y rencontre Arthur, leader de JC Satàn, lors d’un concert en 2017. Le courant passe immédiatement, à tel point que ce dernier lui propose de réaliser un disque. “On a enregistré les parties batteries dans le salon de ses parents (rires). Puis dans sa chambre, avec l’ampli à fond qui faisait vibrer toute la maison.” Une expérience qui marque durablement le jeune rocker : “Il m’a appris beaucoup de choses sur le son, dont la fuzz et sa puissance. Il m’a vraiment beaucoup inspiré en matière de production.”

Enregistrement de la batterie par Julien chez Arthur Satàn, entre deux pauses lectures.
© Siz / facebook.

Concernant les thématiques du disque, Siz semble avoir fait confiance tant à l’instant qu’à l’instinct.

“L’album parle un peu de rien. Ce sont simplement des mots, qui s’enchaîne bien, qui ont du sens en terme de phrase mais dont l’interprétation est propre à chacun : tout est vrai. La mer et l’océan reviennent souvent, mais ce n’est pas si important, même si l’état liquide, libre et fluide, sembler coller au disque.”

SIZ

Un faux fil conducteur maritime qu’il décline jusqu’à l’artwork, signé Julien, le batteur du groupe et de Th Da Freak. “Tout est fait maison. On a mis dix mois à le faire. C’est l’interprétation de la musique par Julien, même si ça pose une image au fond.”

Au niveau des influences, elles sont larges, toujours ancrées dans le rock indie mais aussi parfois dans sa veine plus commerciale, passant par le Canada, les États-Unis, l’Angleterre mais aussi la France. “On a tendance à oublier que la scène française est excellente, parfois meilleurs que la scène britannique.” explique t-il avant de nous parler des Psychotic Monks, groupe français que nous avons également rencontré ce mois-ci et qui avait justement parlé de lui. Le monde est petit. Mais on trouve aussi, dans les référence de Sylvain, pèle-mêle, les Strokes (“une grosse influence pourtant de moins en moins présente”), Nirvana, Ty Sygall, My Bloody Valentine, ou encore Toy.

“Un ami me dit souvent que j’évolue sur un continent situé entre l’Angleterre et les États-Unis. Donc je me dis que ce doit être l’Atlantide. explique t-il en rigolant, conscient d’être dans un entre-deux sur lequel il refuse de trancher, préférant jongler entre les frontières et les influences.

Fantasize, un clip qui sent déjà l’été

Pour Maze, Siz dévoile son nouveau clip en exclusivité, qui met en image l’avant-dernier morceau du disque, Fantasize. Une petite perle que l’on vous laisse découvrir ci-dessous.

Fantasize, troisième clip extrait de l’album Liquid réalisé par Christian Bolognaise,
disponible en exclusivité pour Maze.

“Pour ce morceau, je me suis inspiré d’une scène qui m’a marquée, dans une soirée. Une fille était folle d’un mec, qui était aussi présent. Elle semblait prête à tout, jusqu’à un moment où elle s’est mise à genoux devant lui, de façon naturelle, presque inconsciente, guidée par son admiration pour lui. Le poids du fantasme était si fort, ça m’a paru dingue.”

SIZ

Il enchaîne : “La thématique est axée sur une idée que je développe en ce moment sur mes nouveaux morceaux, celle de l’amour vu d’un point de vue extérieur, celui qui concerne les autres. Voir ses potes tomber amoureux et faire des trucs bizarres, le regard d’un pote qui te voit en couple, parfois peu flatteur,un peu méchant.”

Pour ce qui est du clip, Sylvain s’est entouré d’un nouveau collaborateur, après le clip de Terminus réalisé par Pierre Martial (qui avait d’ailleurs réalisé les photographies de notre live report du concert de Cadillac en décembre dernier). Cette fois-ci, c’est Christian Bolognaise, créateur du Macaroni Studio, qui s’est chargé de mettre en boîte cette nouvelle déclinaison visuelle de l’univers du disque. “On est parti d’une idée très précise, puis le résultat à donné quelque chose de très différent, qui n’est pas du tout ce que j’avais en tête. Il est à l’image du disque, l’instant, le presque rien.” Un clip qui succède à celui d’Under My Skin, toujours réalisé par Christian Bolognaise et publié au début du mois.

Under My Skin, clip réalisé par Christian Bolognaise

Liquid, un album en forme de mastodonte

“Je n’ai pas assisté au mixage de l’album, j’ai laissé carte blanche à Arthur” explique Sylvain lorsqu’on lui demande comment il a finalisé le disque. Celui qui joue tous les instruments (hormis la batterie et certaines parties basse) et les parties vocales a donc su s’entourer d’une équipe collant parfaitement à sa vision du projet, livrant ce disque percutant, tant au niveau de la production que des compositions.

Lorsqu’on lui demande comment il définirait l’album, il lance, avec sa dérision légendaire : “Cet album c’est un peu le ventre de quelqu’un qui aime manger, le ventre de Gérard Depardieu”. Un beau menu en perspective.

Dès Cascada et sa montée distordue, presque prog par moment, le ton est donné. Voix en arrière façon My Bloody Valentine et côté glam en filigrane, Siz ouvre les portes d’un monde qu’il maîtrise et connait du bout des doigts, la portes du Tartare en somme. Bâti sur un cinq temps obsédant, Poisonous décline cette formule catchy, se permettant même quelques parenthèses psychédéliques de hautes volées,où le temps semble s’arrêter. S’arrêter ? Ce mot ne fait définitivement pas partie du vocabulaire de Siz, qui enchaîne avec Under My Skin, un des sommets du disque. “C’est le morceau qui a le plus changé entre sa création et son enregistrement, la couleur a énormément évoluée” nous confie-t-il avant d’ajouter, amusé : “Je voulais que ce morceau soit à l’image de la scène du Seigneur des Anneaux (une référence chère à Sylvain, ndlr) où ils franchissent le rocher au ralenti, dans le premier volet, l’arrivée des héros”. Un titre qui tend parfois autant vers Sonic Youth que les prémices du heavy metal, façon premiers Black Sabbath, avec sa basse lourde et ses guitares épiques,dévoilant un fil mélodique minimaliste qui n’est pas sans rappeler Joy Division. Quand on lui parle du côté punk californien, présent notamment dans le chant, Siz avoue avoir un faible pour ce type de groupe. “En ce moment je suis dingue de Dune Rats, un groupe Australien débile façon Sum 41 ou Blink 182, qui ne parle que de beuh, de skate et d’alcool”. Un côté guilty pleasure qui ne transparaît pas toutefois sur le morceau suivant, Eyes Contact : “J’ai un peu pensé ce morceau une fin de face A”. Un titre qui fait part belle aux voix et aux modulations subtiles, créant un sentiment de flottement galvanisant. Puis déboule Come Back Into The Sea : “Il y a deux basses dans ce morceau, plus une guitare baryton.” Un morceau qui défile à toute vitesse, tout droit vers son Terminus et son crescendo quasi-infini façon Suuns, conviant le spectre de Kurt Cobain sur le chant, avec un petit côté Muggers de Ty Segall.

Terminus, clip réalisé par Pierre Martial

Mais même si les influences sont omniprésentes, le tout reste, surtout, du Siz.

À l’image de la chanson qui fait le plus clairement référence à son créateur, Fantasize, “chanson la plus mainstream de l’album de l’aveu de Siz lui-même, qui avoue aussi s’être inspiré du riff d’Only Shallow de My Bloody Valentine pour tisser cette micro-odyssée.

“You can not breath anymore just because he’s comming , Your eyes are full of light just because you are blind”

SIZ – FANTASIZE

Sur le dernier morceau, The Tide Rises, Sylvain nous confie cette anecdote : “Arthur m’a guérit de la reverb, dont j’avais tendance à abuser avant. Pour cette prise, on a utilisé un micro identique à ceux présents dans les célèbres sessions KEXP ainsi qu’un overhead, qu’un a placé dans sa salle de bain, la porte entrouverte. Ce qui fait qu’à chaque poussée de voix on entendait la couleur de la salle, très cool”. Il finit par ajouter  : “C’est ma préféré du moment, peut-être parce qu’on n’envisage pas de la jouer en concert, trop d’éléments à mettre en place”. Une indication qui donne encore plus envie de découvrir ce nouveau disque sur scène.

Le groupe au complet avec, de gauche à droite :
Julien (batterie), Rémi (basse, synthé), Thoineau (guitare) et Sylvain (chant, guitar).
© Siz / facebook.

Deux release party sont d’ailleurs prévues pour l’occasion : la première à Bordeaux le 23 mai (Rock School Barbey, en compagnie de Mandingo et Trainfantome) et la seconde à Paris le 25 mai (Espace B, avec Hoorsees). Pour la suite, Siz révèle ses plans au compte-goutte, mais nous confie surtout “préparer une tournée avec Lingua Nada pour la fin de l’année“. On a hâte.

Niveau actu pour le Flippin’ Freaks, outre la tournée de Th Da Freak qui sillonne toujours la France et la sortie du nouvel album de Wet Dyedream, Scramble, le collectif vient d’enregistrer le premier album de Courtney & The Wolf, avec Siz à la batterie et Th à la basse, dans les fameux Macaroni Studio. A noter également la sortie du premier (et dernier) album de Mellow Pillow, ex-formation du chanteur-guitariste Alexis Deux-Seize (Wet Dyedream) aujourd’hui dissoute, prévu également pour cet été et sobrement intitulé Suicide.

Et comme rien n’est jamais du au hasard, Siz étant bassiste dans Th Da Freak et Th étant guitariste dans Siz, ils auront l’occasion d’effectuer deux dates ensembles : le 6 juin à Bordeaux (Krakatoa, avec Wand) et le 29 juin à St Nazaire (B&FF Festival, en compagnie des Psychotic Monks, Aneth Penny, etc). Tout un programme.

Siz – Liquid
Disponible en CD et libre écoute ici.
AMOUREUX DES SONS, DES MOTS ET DES IMAGES, DE TOUT CE QUI EST UNE QUESTION D'ÉMOTION, DE RYTHME ET D'HARMONIE.

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