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Danse – Soirée néerlandaise à l’Opéra de Paris

Pour son dernier programme mixte de danse de la saison, l’Opéra de Paris réunit des œuvres de Paul Lighfoot, Sol León et Hans Van Manen, les chorégraphes mythiques du Nederlands Dans Theater. Une soirée qui vaut essentiellement pour sa distribution de très haut niveau.

La soirée est courte mais intense. Au programme, deux pièces de Sol León et Paul Lightfoot d’une vingtaine de minutes chacune (Sleight of Hand et Speak For yourself) entre lesquelles se glissent les huit minutes des Trois Gnossiennes chorégraphiées par Hans Van Manen. En tout, moins d’une heure de danse et à peine seize danseurs sur scène, mais quels danseurs  !  La distribution met à l’honneur quelques valeurs très sures (Valentine Colasante et, surtout, la somptueuse Ludmila Pagliero) et les «  jeunes talents  » que le public aime tant  : Léonor Baulac, Germain Louvet et Hugo Marchand du côté des étoiles mais aussi Hannah O’Neill, Michael Lafon (très impressionnant dans Sleight of Hand) ou Pablo Legasa (impressionnant partout et tout le temps). Bref, du très bon monde.

Cradit : Rahi Rezvani

Côté chorégraphie, Sleight of Hand («  tour de prestidigitation »en français) est une entrée au répertoire mais a été créé en 2007. Comme souvent chez León/Lightfoot, la pièce repose sur une scénographie et des choix esthétiques forts qui évoquent ici l’univers de la magie noire, de l’horreur, voire du freak show. Sur scène, deux danseurs sont positionnés en hauteur tels deux poupées sur échasses. Seul leurs bustes et bras peuvent bouger. Plus bas, un couple (Louvet/Baulac) entre en scène, puis trois hommes, sortes de mages vêtus de long manteaux noirs qui font souffler comme un vent d’inquiétude sur le plateau. Leurs gestes sont rapides, leurs visages se déforment sous l’effet de grimaces. Pour l’anecdote, la pièce se déploie sur une musique de Philip Glass qui ne s’est imposée aux chorégraphes que quelques jours seulement avant sa présentation au public en 2007, alors qu’ils avaient déjà travaillé sur une autre partition. Sleight of Hand est efficace (surtout dans les passages des trois mages interprétés par Pablo Legasa, Chun Wing Lam  et Adrien Couvez) mais procure peu d’émotion, tant la chorégraphie, certes impressionnante et physique, semble essentiellement mécanique.

Le génie Van Manen

La deuxième pièce de la soirée en revanche, n’est qu’émotion. Sur scène, une pianiste, Hugo Marchand et Ludmila Pagliero. Les deux danseurs, mieux assortis que jamais, sont le couple-métronome qu’Hans Van Manen a choisi pour incarner les Trois Gnossiennes d’Erik Satie. Huit minutes de virtuosité, d’efforts et de précision. A propos du travail de Van Manen, Sol Léon dit «  nous créons un millier de pas, quand il n’en créé qu’un seul  ». Et c’est vrai que l’art de Van Manen repose presque exclusivement sur l’économie du geste. Chez lui, les danseurs ne parcourent pas le plateau, n’agitent pas leur bras ou leur jambes. Un pied en flex, une arabesque ou un relevé suffisent. Le juste nécessaire.

La soirée se conclue par une deuxième pièce du couple Lighfoot/León entrée au répertoire en 2017 et qui fait toujours forte impression. Dans Speak for yourself, neuf danseurs évoluent sur scène, à la fois seuls et ensemble. L’œuvre s’ouvre avec un François Alu seul en scène fumant (un dispositif intégré à son justaucorps diffuse de la fumée), progressivement rejoint par d’autres danseurs puis par trois danseuses. Une fois tous réunis, ils se retrouvent à affronter un nouvel élément naturel  : l’eau (qui tombe en fines gouttes depuis les cintres). Les mouvements doivent alors s’adapter, se faire plus prudents et mesurés. C’était d’ailleurs l’intention recherchée par les chorégraphes qui à ce moment de leur carrière ont éprouvé le besoin de calmer leur style habituellement très consommateur de mouvements, portés et acrobaties en tout genre. Les pas n’en demeurent pas moins impressionnants et l’effort fourni par les danseurs – tous hors pairs – est manifeste. Mais, là encore, la débauche de moyens n’évoque rien de charnel et provoque peu d’émotion.

Un programme mixte qui convainc donc essentiellement pour son casting, mais qui aurait peut être gagné à être enrichi d’une quatrième pièce tant la soirée semble finalement courte.


León/Lighfoot, Van Manen. Jusqu’au 23 mai à l’Opéra Garnier. Durée : 1h25 avec entracte. Informations et réservations  : Opéra de Paris

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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