Chantons sous la pluie, Un jour à New-York, Indiscret, Charade… Autant de titres et d’histoires racontées au cinéma par ce grand cinéaste disparu le 21 février. En quelques titres, il est possible de voir à quel point Stanley Donen était un merveilleux conteur.
A 94 ans, l’un des cinéastes américains les plus appréciés, Stanley Donen, est décédé, en laissant derrière lui des dizaines de longs-métrages inoubliables. Des comédies aux comédies musicales en passant par des films au ton plus sérieux, Donen a donné aux cinéphiles de quoi regarder pour plusieurs générations. Alors célébrons aujourd’hui ses plus grands films et les plus belles rencontres qu’il a créé au cinéma.
Un peu à l’image d’Obélix, Stanley Donen est tombé dans le music-hall et le cinéma lorsqu’il était petit. En 1933, à neuf ans à peine, il découvre Fred Astaire et Ginger Rogers dans le film Carioca de Thronton Freeland. C’est la révélation. Le réalisateur déclare des années plus tard avoir “vu ce film environ trente ou quarante fois”. C’est suite à ce film que le jeune Stanley commence à réaliser ses propres premiers courts métrages avec la caméra que lui a offert son père et à prendre ses premiers cours de danse.
En 1940, il se lance enfin et, poussé par sa mère, monte sur les planches de Broadway.
Donen et les musicals
Stanley Donen commence à travailler à Hollywood après la Seconde guerre mondiale et seulement en tant que chorégraphe pour d’autres réalisateurs. Mais il ne lui faudra pas longtemps pour gravir les échelons. A 25 ans, il réalise son premier film, Un jour à New-York, qui sort sur les écrans en 1949. Le film est une adaptation d’une pièce de Broadway et composé d’un casting cinq étoiles. Trois marins (Gene Kelly, Frank Sinatra et Jules Munshin) ont vingt-quatre heures de permission à New-York avant de repartir en mer et veulent en profiter pour découvrir la ville. (Mal)heureusement pour eux, ils vont surtout faire la connaissance d’une conductrice de taxi (Betty Garrett), d’une jeune étudiante en histoire (Ann Miller) et de la jolie Miss-Métro (Vera-Ellen), toutes les trois vont quelque peu bouleverser leur séjour. Ce film devient un véritable succès, à la fois critique et public. Le film est nommé dans trois catégories aux Oscars (meilleur film musical, meilleur scénario de film musical) et remportera l’Oscar de la musique.
Mais c’est en 1952 que le réalisateur accède au sommet de sa gloire avec Chantons sous la pluie. Bien sûr ! Le film dépeint la transition d’Hollywood dans les twenties avec la transition au cinéma du muet au parlant. On y suit le parcours de trois acteurs (joués par Gene Kelly, Jean Hagen et Donald O’Connor) qui sont contraints de s’adapter à cette nouvelle manière de tourner. Ajoutez à cela une histoire d’amour entre Gene Kelly et Debbie Reynolds et vous tenez un chef-d’œuvre. Étrangement, si aujourd’hui le film est sans aucun doute la comédie musicale la plus connue de l’histoire du cinéma, elle n’a reçu à sa sortie qu’un succès relatif de la part du public. Ce n’est que des décennies plus tard que le film reçoit à l’admiration de tous. Impossible de ne pas connaître les pas de danse ni de fredonner Singin’ in the Rain en même temps que Kelly.
Donen n’a jamais vraiment arrêté de faire des comédies musicales. En 1957, il sort un nouveau film, encore une fois adapté d’une pièce de Broadway avec l’actrice la plus bankable de l’époque : Doris Day. Même si Pique-nique en pyjama n’est pas une œuvre inoubliable, elle reste dans la même veine que ses films précédents. C’est frais, c’est coloré et surtout l’histoire et les chansons se retiennent. Même si on se souvient de la belle blonde pour des rôles comme Confidence sur l’oreiller (Michael Gordon) ou L’Homme qui en savait trop (Alfred Hitchcock), une fois de plus, le charme prend. Dans cette usine de pyjama où tous les employés demandent, en chansons s’il vous plaît, une augmentation de salaire, le tout saupoudré de romance, cela fonctionne.
S’il est impossible de citer toute la filmographie de ce grand réalisateur, impassable cependant de ne pas au moins noter Les sept femmes de Barberousse (qui est le premier film de la Metro Goldwyn Meyer à être filmé en CinémaScope) ou encore Drôle de frimousse avec la magnifique Audrey Hepburn.
Une rencontre décisive : Cary Grant
Si Stanley Donen sait nous faire chanter, il sait aussi faire rire grâce à des comédies raffinées et parfois avec un ton plus sérieux. Et cela s’illustre parfaitement avec les films qu’il a fait en compagnie de l’un des plus grands acteurs de la période classique d’Hollywood : Cary Grant. C’est l’acteur avec lequel Donen a fait le plus de films, pour notre plus grand plaisir.
Leur collaboration commence en 1957 avec Embrasse-la pour moi. Cary Grant joue un pilote de l’US Navy qui, en compagnie de plusieurs amis, ont une permission de quelques jours à San Fransisco. A la différence du film Un jour à New-York, les militaires ne sont en aucun cas intéréssés par la ville mais plutôt par la fête et les femmes. Tous sont en très bonne compagnie puisqu’on retrouve Suzy Parker et Jayne Mansfield. Encore une fois, Donen adapte une pièce de Broadway mais sans partie chantée cette fois. A sa sortie, le film fait un flop car jugé “de mauvais conseil”. En soit, le film prône des femmes libérées capables de choisir leurs amants elles-même, de changer d’avis et met en avant des hommes dont le but n’est pas de se marier. Le film est trop en avance sur son temps.
L’année suivante, Donen et Grant remettent le couvert en recréant l’un des plus beaux duos du cinéma en plaçant le bel acteur dans les bras d’Ingrid Bergman dans Indiscret, douze ans après Les Enchaînés d’Alfred Hitchcock. Bergman joue le rôle d’Anna, une actrice de théâtre vivant à Londres où elle rencontre le bel et riche Philip. Ils tombent éperdument amoureux mais Philip ne veut pas se marier “même sous la menace d’une arme”. Pour ne pas lui faire de peine, il lui fait croire qu’il est déjà marié. Le résultat donne l’une des comédies (non musicale) les plus réussies de Donen et surtout des scènes de tête à tête entre ses deux géants de cinéma. Les thèmes abordés sont plus matures et le caractère des personnages plus définis que dans certaines autres comédies romantiques de la même époque.
L’année 1958 devait être l’année des retrouvailles pour Cary Grant puisque Donen lui offre un autre rendez-vous avec une actrice qu’il avait déjà croisé auparavant dans le très romantique Elle et lui de Leo McCarey : Deborah Kerr. Dans Ailleurs l’herbe est plus verte, on trouve un “triangle amoureux à quatre côtés” comme avait été promus le film à l’époque. Cary Grant et Deborah Kerr jouent un couple marié qui vit sur un domaine qu’ils font visité pour gagner de l’argent. Tout va pour le mieux jusqu’à ce que Robert Mitchum passe la porte pour l’une des visites guidées. La belle rousse va le suivre à Londres pour quatre jours passionnels. Pendant ce temps, Jean Simmons, rend visite à Cary Grant. L’intrigue repose donc sur le choix final de Deborah Kerr. Avec qui va-t-elle rester ? Si l’intrigue est, certes, déjà vu, le casting du film porte l’histoire magistralement.
(Et juste pour le plaisir, on vous fait découvrir l’ouverture de ce film, qui doit être la plus mignonne de toute l’histoire du cinéma.)
Enfin, en 1963, c’est la dernière collaboration entre Stanley Donen et Cary Grant et non des moindres ! Charade réunis pour la première fois l’éternel beau-gosse d’Hollywood et Audrey Hepburn dans, comme les critiques de l’époque le disait : “le meilleur Hitchcock qu’Hitchcock n’a jamais réalisé”. Et c’est vrai ! Un parfait mélange de romance, de comédie et de suspens avec des rebondissements jusqu’aux dernières minutes du film. Un duo incroyablement classe dans un film dont l’intrigue se tient parfaitement. Regina (Audrey Hepburn) apprend que son mari a été tué et découvre qu’il était à la recherche d’une importante somme d’argent que lui et ses anciens amis avaient volé. Tous sont à la trace de cet argent et pense que Regina le possède et le cache. Elle rencontre Peter Joshua (Cary Grant) qui souhaite l’aider. Mais pour quelle raison ? La pauvre Audrey ne cesse de découvrir des secrets et de se faire malmener par tous ces hommes autour d’elle et le spectateur avec. Impossible de savoir jusqu’à la fin qui dit la vérité. Charade était l’ultime pierre à l’édifice cinématographique de Donen pour prouver à quel point c’était un touche-à-touche et que peu importe le genre, le tout est de bien raconter une histoire.
Avec la mort de ce grand cinéaste, une part de cet Hollywood classique s’éteint aussi. Stanley Donen laisse derrière lui une cinématographie certes courte mais bien remplie avec des genres et des histoires très différentes les unes des autres. Peu importe votre genre préféré, vous trouverez forcément un film à votre goût dans sa filmographie.