CINÉMA

« Sunset » – La forme et l’ennui

Le réalisateur du Fils de Saul revient avec Sunset. Si la mise en scène fascine pour sa densité, elle reste ici moins efficace et plus ennuyeuse.

Comment rééditer le dispositif filmique du Fils de Saul qui, au cœur d’un camp de la mort, suggérait l’horreur plus qu’il nous la montrait grâce également à une science particulièrement oppressante et pas moins ingénieuse du gros plan et du hors champ ? Telle est la question que devait forcément se poser László Nemes lors de la conception de Sunset, le successeur de son précédent film (très envahissant quand on y pense), lauréat du Grand Prix au Festival de Cannes. Et les réponses qui y sont distillées sont aussi denses, mais pourtant dénuées d’un certain intérêt compte tenu de la répétition et de l’aspect auto-parodique suscités par les images. Preuve qu’un cinéaste peut aussi se faire prendre au jeu d’un seul et même motif de mise en scène et pour le coup provoquer, sans le vouloir, une certaine idée de l’ennui.

Les limites de la forme

Car si Sunset s’intéresse à une période qui annonçait déjà les dangers des sociétés ouvertes au modernisme – traduites par la corruption et le néo-terrorisme, à l’aube du XXe siècle et donc de la Première Guerre mondiale dans l’Empire austro-hongrois –, on peine à saisir tout le propos que cherche à saisir László Nemes à travers son filmage. Comme dans Le Fils de Saul, il est question d’une quête (retrouver son frère) dans le chaos environnant (utilisation du flou) au cours de laquelle les rencontres sont plus décevantes et révoltantes les unes que les autres, et auront le don d’influencer le comportement du personnage principal. Ce dernier, interprété par l’actrice Juli Jakab, est la témoin parfaite de la mutation et des limites de la société. Et c’est bien là le problème. Si Saul au cœur du camp de la mort cherchait un motif d’espoir à travers la reconnaissance, véritable ou non, de son propre fils, le film permettait assez dignement de donner à un personnage spectateur de l’horreur environnant de devenir acteur, une dernière fois, de sa propre vie. Ici, ce nouvel appui qui nous permet de traverser l’espace filmé est du début à la fin gangrené par une sorte d’objectivité de l’image qui ressemble davantage à un exercice de style vaniteux qu’une dissertation sur les avertissements du contemporain – en plus du portrait et de l’émotion qu’il aspire.

Difficile à dire, mais Nemes semble bien plus préoccupé par sa forme (et ses excès) que les contours politiques, sociologiques d’une période de l’Histoire qui, elle aussi, a son lot d’horreur et d‘imperceptibilité. Au fond, si le cinéaste voulait sonder les limites de nos sociétés, il vient tout juste d’interroger les limites de son propre style.

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