Tous les 15 jours, Maze vous offre un tour d’horizon des dernières sorties musicales, à l’image de ces 9 disques touchants, de près ou de loin, au monde de la musique électronique.
Gesaffelstein – Hyperion
Six années d’attente entre deux albums pour un artiste de renommée internationale n’ont rien de scandaleux. C’est même monnaie courante, surtout lorsque entre temps, on collabore avec un des plus grand rappeur de l’époque (Kanye West) et le nouveau prince du R’n’B international (The Weeknd). Mais Gesaffelstein ne l’a pas entendu de cette oreille. Il a brisé la difficile barrière du deuxième album de manière laborieuse. Le disque comporte dix morceaux, ne lui permettant pas de développer une réelle ligne directrice. Les productions sombres, dans le sillage de son précédent album, semblent parfois similaire à du Crystal Castles pour enfant, mais pourraient donner une certaine ambiance à l’album si elles n’étaient pas entrecoupées de collaboration sans risques et sans surprises avec Pharrell Williams, The Weeknd, ou encore HAIM. S’il n’est pas mauvais, Hyperion n’est pas audacieux. Il parait bâclé et n’a pas la carrure d’un album, même s’il contient tout de même certains morceaux intéressants. Dans 99 Francs, Jean Dujardin disait “des heures de branlette … et quelques morceaux de bravoure” : on ne peut qu’acquiescer.
Coups de cœur : Reset, Humanity Gone
Sortie le 8 mars
Victor Costa
Foals – Everything Not Saved Will Be Lost : Part 1
Après quatre ans d’absence, Foals est revenu en avance sur le printemps avec la première partie du nouvel album, Everything Not Saved Will Be Lost. Les textes de Yanis Philippakis, toujours d’une sensibilité aiguisée, traitent du monde qui nous entoure, et on y ressent une réelle détresse, du “I’m so sorry” ravageur de Exits, au “I fight for air” de White Onions. Passionné de futurologie, science qui avait déjà inspiré le deuxième album du groupe, Philippakis aborde également l’avenir ici, mais celui que l’on connait tous : l’avenir de la planète, mais également de notre monde. Pour autant, l’album n’est pas empreint de tristesse ou de mélancolie comme l’ont pu l’être certaines de ses productions jusqu’ici. Les morceaux délivrent une énergie tantôt athlétique tantôt souple, pour finir sur la ballade I’m Done With The World (& It’s Done With Me). Si certains morceaux paraissent puiser leur inspiration dans les précédents disques du groupe, ce dernier innove cependant, et donne au tout une couleur jungle, plus généralement des éléments et de la nature. La nature qui, sur la pochette de l’album — un extrait de la série de photo Sublimis du photographe Vicente Muñoz — semble reprendre ses droits sur la civilisation. Les feuilles de la seconde partie tomberont à l’automne. En attendant, le groupe ira se défendre dans les festivals estivaux. L’été sera chaud.
Coups de cœur : Moonlight, Exit, Cafe d’Athens
Sortie le 8 mars
Victor Costa
Cléa Vincent – Nuits sans sommeil
« Depuis qu’il est sorti, je n’ai toujours pas dormi », voilà ce que j’ai répondu quand on m’a demandé si j’avais aimé le deuxième album de Cléa Vincent. Après avoir fait l’unanimité au sein du ‘french-pop world’ avec son premier album Retiens Mon Désir sorti en 2016, la parisienne offre une robe nocturne à son univers musical et nous dévoile l’envers de ses nuits sans sommeil. Entre balades romantiques virtuelles (Au phone, IRL), hymne disco-pop féministe (Sexe d’un garçon) et reprise électronique de la grande Dalida (Femme est la nuit), elle nous prouve encore une fois qu’elle sait parler de son époque en maniant subtilement les synthés. On notera l’apparition surprise du vagabond Voyou pour un tandem amoureux le temps d’un morceau (Maldone). Vous l’avez désormais compris, aux côtés de Clea Vincent, vos insomnies ne seront plus un problème.
Coups de cœur : Au phone, Maldone, Sexe d’un garçon
Sortie le 1er mars
Pauline Pitrou
Flèche Love – Naga, Pt.1
Révélée lors de l’édition 2017 des Bars en Trans à Rennes, la jeune suisso-algérienne sort ce mois-ci son premier effort solo. Neuf titres dépaysants, qui convient autant les percussions et cordes orientales que les basses et synthétiseurs modernes, à l’image de la participation du producteur électronique Rone pour le pénétrant Umusuna. Une pop exigeante, métissée, mais toujours d’une rare pertinence et cohérence. Militante féministe (on l’a notamment vue intervenir lors d’une conférence sur la sororité à Lausanne), Flèche Love semble avoir trouvé l’équilibre idéal entre les grands noms que sont Björk, Lhasa De Sela, Amy Whinehouse ou encore Ibeyi. Accompagnée par sa voix sensuelle et captivante, la musique de Flèche Love va droit au cœur, sans détours. Qu’on se le dise : si tous les disques pop étaient de cet acabit, nous serions sauvés.
Coups de cœur : Sisters, Los Nomades del Sol, Haiyococcab
Sortie le 1er mars
Camille Tardieux
M83 – Knife + Heart (Original Soundtrack)
Loin de l’album volontairement très pop de 2016, Junk, M83 fait son retour trois ans plus tard (ou presque) avec une des bandes originales les plus édifiantes de 2018. Si vous avez vu Un couteau dans le cœur, vous devriez vous souvenir des éclats musicaux persistants qui font corps avec ce film. La bande-originale sort enfin, dix mois après la diffusion du film de Yann Gonzalez (lui-même frère d’Anthony Gonzalez qui se cache derrière le pseudonyme M83) au Festival de Cannes. On ne cache pas notre joie d’avoir enfin accès à ce son texturé et intimiste qui souligne toute la dimension onirique des films de Gonzalez, car ces deux-là ont souvent travaillé ensemble notamment pour les grandioses Rencontres d’après minuit en 2013. Cette composition originale, véritable hymne queer dans son ensemble, s’accommode également de quelques morceaux annexes parmi lesquels le punk Trash Me de Malaria !, ou le vaporeux Love’s Refrain de Jefre Cantu-Ledesma. Un véritable sans faute pour ce travail d’orfèvre.
Coup de cœur : Karl
Sortie le 8 mars
Caroline Fauvel
Born idiot – Coco Trip (EP)
« Quelque part entre l’enfance et l’immense tsunami qui s’apprête à arriver », voilà comment les garçons de Born Idiot présentent leur univers musical. Après Afterschool en 2017, un premier album auto-produit nous dévoilant alors leur projet indie-pop décalé, les rennais de Born Idiot sont revenus au début du mois avec un EP tropical qui nous ferait presque oublier l’hiver. Pour ce deuxième opus baptisé Coco Trip, les cinq garçons nous plongent dans leur trip délirant fait de guitares nonchalantes et de mélancolie douce. Une invitation au voyage en terres paisibles qu’on ne déclinerait pour rien au monde par les temps qui courent. On vous invite donc, vous aussi, à rejoindre l’île Born idiot qui transformera sans doute vos jours gris en jours cotonneux.
Coups de cœur : Picture, Lonely coco trip
Sortie le 8 mars
Pauline Pitrou
William Basinski – On Time Out Of Time
Le prodige queer de l’ambient, propulsé sur le devant de la scène avec ses Disintegration Loops parus à la suite du 11 septembre 2001, a posé à lui tout seul les bases d’un processus unique qu’il n’a cessé de décliner depuis, quelque part entre le courant minimaliste américain, les plages éthérées de Brian Eno et les grandes heures de la musique électroacoustique. Il revient aujourd’hui avec un nouveau long format caractéristique de ses travaux (soit deux morceaux fleuve constituants près d’une heure de musique au total), qui sample, entre autre.. deux trous noirs ayant fusionnés il y a plus d’un milliard d’année. Cela vous semble abstrait ? Alors plongez-vous dans ce bain auditif qui, une fois n’est pas coutume, s’autorise même la saturation pour parfaire un univers sonore exemplaire et plus prodigieux que jamais.
Coups de cœur : On Time Out Of Time
Sortie le 8 mars
Camille Tardieux
Nick Waterhouse – Nick Waterhouse
Le premier album d’un artiste est souvent attendu comme le messie, la perfection, la quintessence, son propre reflet. C’est d’ailleurs souvent et très probablement pourquoi ils prennent leur nom, raison pour laquelle on parle d’album éponyme. Pour d’autres, la quête identitaire est plus longue, à l’instar de Nick Waterhouse qui a sorti trois albums, tous absolument sublimes, avant de sortir “the” album. Le quatrième ne déroge pas à la règle. Le natif de Long Beach livre sur cet opus, qui semble être le plus identitaire, une collection comme nul autre, de titres aux accents soul, surfrock, groove, jazz & twist dont une délicieuse reprise de I Feel An Urge Coming On de la chanteuse Jo Armstead qui, rappelons-le, avait composé à l’époque avec l’immense Ray Charles.
Coups de coeur : Wreck the rod, Wherever she goes (she is wanted), I Feel A Urge Coming On
Sortie le 8 mars
Guillaume Lacoste
Modeselektor – Who Else
Le duo le plus éclatant de la techno berlinoise dévoile son quatrieme album studio, Who Else. Vous l’aurez sans doute compris, il s’agit de Modeselektor, les deux producteurs allemands qu’on a tant apprécié dans leur formation avec le dj Apparat, Moderat. Who Else est une bombe incroyable qui retient l’attention de l’auditeur dès la première écoute : en seulement huit titres Modeselektor propose une des compositions les plus efficaces et solides de ce début d’année 2019. Rien n’est laissé au hasard ici, à l’image du single phare Who sorti un peu plus tôt, un featuring ravageur avec l’artiste estonien Tommy Cash, où la musique et le clip émerveillent de justesse, dans un ton expressément rap et cru. Tout l’album se dessine dans cette trame équivoque, en faisant une production définitivement indispensable.
Coup de cœur : WMF Love Song
Sortie le 22 février
Caroline Fauvel
Hommage : Keith Flint (The Prodigy)
Alors que le fameux Selected Ambient Works II d’Aphex Twin fête ce mois-ci ses 25 ans, la musique électronique anglaise a été heurtée en ce qu’elle a perdu un de ses enfants prodiges : Keith Flint. Il fut danseur puis chanteur aux côtés de Maxime Reality et Liam Howlett de The Prodigy, sur les plus célèbres titres de la formation. Keith Flint était, par son attitude et son look punk, sur scène et dans les clips, le véritable frontman du groupe, façonnant l’image de ce dernier d’une violence bienveillante. Il était l’idole tant des adolescents post-guerre froide que des générations suivantes, sublimant la rébellion qui naît à l’adolescence selon les dires de certains de ses auditeurs. Keith Flint s’est donné la mort peu avant ses 50 ans en fin de semaine dernière. Chez Maze, nous avons été profondément attristé de cette disparition et tenions à lui rendre hommage.
Victor Costa