Boy Erased, sorti le 27 mars, est le deuxième film de l’acteur Joel Edgerton (vu notamment dans le brillant Loving de Jeff Nichols), après The Gift, une série B d’horreur produite en 2015.
Le film raconte l’histoire vraie de Garrard Conley, qui raconte son parcours difficile de jeune homosexuel aux États-Unis dans ses mémoires, Boy Erased : A Memoir, publiées en 2016 et dont le film s’inspire.
Jared Conley, joué par Lucas Hedges, l’une des nouvelles relèves du cinéma américain que l’on a pu voir chez Terry Gilliam, Wes Anderson, ou encore Kenneth Lonergan, vit dans une petite ville de l’Amérique profonde avec ses parents. Entre une mère au foyer incarnée tout en retenue par Nicole Kidman et un père pasteur baptiste, joué par Russell Crowe, il part à 18 ans pour l’université où il découvre et confirme son homosexualité. Né dans une famille de l’Arkansas très religieuse et conservatrice où l’homosexualité est perçue comme une maladie, il est envoyé dans un camp de thérapie religieuse « Love in Action » censé le rendre hétérosexuel.
On découvre un endroit aseptisé, blanc, où tout le monde est habillé de la même façon, tous réduits à leur orientation sexuelle perçue comme un symptôme. Les effets personnels sont fouillés, déchirés, confisqués, violés, même le passage aux toilettes est surveillé. Joel Edgerton joue le pasteur Victor Sykes, responsable du centre qui gère la thérapie. Le programme est suivi par un groupe de jeunes, amenés ici par leur famille qui paient pour leur redressement moral. Le casting est intéressant, proposant Xavier Dolan, ou encore Troye Sivan icône queer de la pop musique, comme jeunes suivant le programme de thérapie.
On leur demande de faire semblant, d’éviter tout contact physique, de reconnaître leur monstruosité pour “guérir”. Semblable à un camp de redressement militaire la violence de l’institution religieuse n’est pas que psychologique. Une scène d’une violence inouïe montre l’un des jeunes du centre se faisant frapper à tour de rôle par les membres de sa famille et les membres du centre avec la Bible pour avoir fauté. L’injonction à la masculinité et à l’hétérosexualité véhiculé par la société et la religion est marquée par des valeurs et des comportements clichés mais pourtant encrés dans l’imaginaire collectif et religieux : un homme ne pleure pas, se tient droit, sait frapper dans une balle et un homme… désire une femme. Beaucoup font semblant et expient, pour enfin être laisser tranquille. D’autres persistent, de programmes en programmes cherchant à soigner l’insoignable.
Dieu, figure absolue de l’amour et du pardon ne pourra continuer à les aimer comme ça. La religion prend ici toute sa figure punitive, menaçante, et alliénante. Il vaut mieux vivre dans l’hypocrisie, le faux-semblant et le mensonge que d’aimer qui l’on veut aimer. Finalement, le personnage de Jared s’émancipera du cercle anesthésiant du centre pour assumer et accepter qui il est, grâce à une mère qui “aime Dieu, mais aime son fils aussi” et qui le soutiendra. Jared décide de retourner l’injonction de changement contre ses parents, car lui ne changera pas. Devenu un jeune homme qui vit avec son mari à New York, il écrit sur ces centres violents et déshumanisants, facteurs de haine non contre les autres mais contre soi.
Boy Erased est un film touchant et poignant au sujet important et trop peu abordé au cinéma, les camps de thérapies concernant encore 70 000 américains en 2018. Le film Come as you are (The Miseducation of Cameron Post) réalisé par Desiree Akhavan et sorti l’année dernière abordait déjà le sujet avec un personnage principal féminin joué par Chloë Grace Moretz.