Moins d’un an après la sortie du doux Space Cries, le chanteur et compositeur Ed Mount revient avec un nouveau titre. Sans jamais regarder en arrière, l’artiste livre une nouvelle version de lui-même avec son single No One Else. Portrait.
C’est dans un bar non loin de la place Voltaire, dans le 11ème arrondissement de Paris, que nous rejoignons Thibault Chevaillier alias Ed Mount. Sa mince silhouette dissimulée sous un manteau noir, lunettes rondes sur le nez et le vélo à la main, il nous entraîne vers un bar qu’il connaît bien « tu verras, c’est cosy », argumente-t-il. L’endroit est calme et presque vide lorsqu’on arrive, on y passe de la pop. On est déjà plutôt curieux de parler des influences du musicien dans ses morceaux. Mais ce n’est pas par là que le récit commence.
Un parcours pas tout à fait tracé
« Ed Mount, c’est un peu l’aboutissement de toutes les phases par lesquelles je suis passé avant », Thibault entame tranquillement son récit alors que nous nous installons. Son parcours est hésitant, il nous parle de « switch » pour évoquer les différents déclics qu’il a au cours de sa carrière de musicien.
Le dernier en date, c’était il y a 4 ans qui aboutira six mois plus tard à la sortie de trois titres sur Bandcamp, sous le nom d’Ed Mount. « Ce prénom-nom, c’est comme si c’était moi » explique Thibault, ça sonnait comme une évidence, pour la musicalité du truc, ça collait bien au projet ». Un projet personnel que le musicien prend le temps de mûrir, « à l’époque, je ne savais pas trop où ça allait me mener » avoue-t-il.
« Ce prénom-nom, c’est comme si c’était moi »
TC
Et en effet, rien ne prédestinait Thibault à la pop. Originaire de Sèvres, il est bercé toute son enfance par les Pink Floyd, les Beatles et autres classiques anglophones des années 60-70. Des références plutôt rock qui l’amènent rapidement à préférer l’apprentissage de la guitare au piano. « Adolescent, je faisais mes armes sur du Radiohead, les Red Hot, Beastie Boys, DJ Shadow » raconte-t-il, et d’ajouter « je composais très peu mais je reproduisais tout à l’oreille, jusqu’aux moindres détails ».
Les années jazz
Alors qu’il entame des études de graphisme, Thibault garde la musique en tête comme un but ultime : « je m’étais fixé d’aller au bout de mes 3 ans avant d’envisager un projet perso ou entre potes » se souvient-il. C’est à cette période qu’il découvre le jazz. Le déclic, il l’a avec son professeur de musique en lui faisant découvrir Charlie Parker. Thibault sort de ses codes, de ce qu’il connaît, de ce qu’il sait faire, reproduire. « J’ai complètement vrillé, j’ai trouvé ça génial » s’enthousiasme le jeune homme.
Pendant huit ans, le musicien n’aura plus que ça en tête. Il écoute, reproduit, se passionne pour l’histoire et les grands noms du jazz et décide après quelques années de former un groupe, Clerks. Il en devient le leader, compositeur et guitariste. Quatre amis le rejoignent dans l’aventure : un contrebassiste, un batteur et deux saxophonistes (ténors). Ensemble, ils formeront « une originale composition » dans l’idée d’ouvrir le jazz à de nouveaux horizons.
« La spécificité du jazz c’est justement de jouer dans des lieux où c’est attendu » raconte Thibault. « Aujourd’hui en France, c’est soit tu joues du jazz pour tes potes, soit devant des musiciens » commente-t-il l’air désabusé, « c’est un peu le serpent qui se mord la queue ». Des codes propres au genre qui ne reviennent pas au groupe, qui s’essouffle progressivement après 3 ans, 2 EP sortis et un bon nombre de dates en France.
Le son et l’image
En parallèle, Thibault Chevaillier a développé un nouvel intérêt pour le cinéma, à travers les ciné-concerts auxquels il collabore de plus en plus fréquemment. « On composait à deux avec un autre guitariste, on refaisait toute une bande originale de plus d’une heure et demi » se souvient-il. Il énumère un bon nombre de classiques muets qu’il se devait de connaître par cœur. C’est un genre qui plaît beaucoup à Paris.
Il garde un vif souvenir de ces années là, qu’il vit comme une véritable plongée dans les tréfonds du cinéma et un travail de composition musicale de longue haleine. « J’ai toujours fait le lien entre l’image et le son mais certainement davantage encore après cette période » affirme le musicien, « c’est aussi une déformation de mes études de graphiste ». Aucune surprise lorsque l’on découvre aujourd’hui les clips de Make It Right ou encore Space Cries, entièrement pensés par Ed Mount, lui-même.
Une production maison
C’est finalement plutôt tardivement que l’on en arrive à parler d’Ed Mount. Le projet personnel intervient comme l’aboutissement des expériences, des entreprises musicales et personnels de l’homme et artiste. « Je pense que tout a (re)commencé avec la musique à l’image que je devais réaliser pour le long-métrage d’un copain » songe-t-il. Ce qui deviendra plus tard Ed Mount débute comme une production maison. Le musicien se sert de son ordinateur comme d’un studio, il tâtonne, tente de faire abstraction des codes si carrés imposés par le jazz pour finalement explorer toute l’étendue de ses possibilités en tant que musicien et désormais chanteur.
« Ce qui me plaît avec Ed Mount, c’est de sortir de mes habitudes »
TC
Et puis il reprend la pratique du clavier laissée de côté depuis de longues années, « ce qui me plaît avec Ed Mount, c’est de sortir de mes habitudes » raconte Thibault. Si la majorité des morceaux ont pour base le clavier, ce n’est donc pas un hasard mais bien une volonté de l’artiste de sortir de sa zone de confort pour aller vers de nouvelles sonorités et perspectives pour ce projet personnel. « J’ai cette qualité mais c’est aussi certainement un défaut, de ne jamais regarder en arrière, je veux toujours me renouveler » insiste-t-il, et d’en rire pour finir « je fais beaucoup d’auto-analyse ».
Lâcher-prise
Comme une réaction à son expérience dans le jazz, Ed Mount – qui signe dès ses débuts sur le label nantais FUTUR-Records – cherche à moins « se prendre la tête ». Et ça se ressent dès l’un de ses premiers titres intitulé Rock is Good , dont les paroles s’apparentent à un pastiche de tout ce qu’on retrouve habituellement dans la musique funk. « C’est comme si je me la jouais gros beau gosse qui drague des meufs alors que c’est pas moi du tout » plaisante Thibault.
Ed Mount, c’est un lâcher prise à la Connan Mockassin, où l’on retrouverait toute la technique au travers des accords, et toute la nonchalance dans la voix et l’attitude, quelque chose de fluide et à la fois complexe dans la composition musicale. « Parfois j’aime des morceaux juste pour un accord surprenant qui m’a fait dire, ah ouais, je ne m’y attends pas mais j’adhère » argumente Thibault, « j’ai toujours mes réflexes de zicos mais j’essaye de changer un peu à ce niveau là ».
Work in progress
Si son style a souvent été défini à mi-chemin entre chillwave, R&B DIY et French Touch à l’ancienne à la sortie de son premier EP, Thibault Chevaillier se défend de l’idée de placer sa musique dans une catégorie précise. « Peut-être qu’on peut entendre les Daft ou Phoenix dans ma musique, parce que je les ai beaucoup écoutés, mais ce n’est pas du tout volontaire ».
Ses références ? Il les décrit comme « obscures » avec des groupes comme Pages, « une funk à papa des années 80 ». Son truc à lui, c’est le groove : « c‘est bizarre à dire mais j’écoute très peu de musique de blanc à l’origine » explique-t-il, « ce qui me plaît c’est la funk, la soul, toutes ces musiques qui nous font penser qu’il fait beau, on est en studio et on kiff ».
Une ambiance soul, groovy et délicate que l’on retrouve dans ses compositions, comme l’aboutissement de « tous les petits échecs qui ont construit la pyramide », d’un parcours qui est tout sauf linéaire et d’une volonté de toujours mieux faire, différent, inclassable et intemporel.
Le single No One Else annonce déjà la sortie de son deuxième EP sur le label FUTUR-Records, prévue pour le 12 avril. Affaire à suivre donc !